#65 Texte : Graffiti part. 2

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« - J'aurais tant aimé te connaître. Toi qui m'as donné la vie. Toi qui, en une chaude nuit d'été, m'a plaqué sur ce mur grisâtre, me condamnant à l'immobilité éternelle. Il faisait noir ce soir-là. Tu t'es glissé sans un bruit sur la place Auberjonois et tu as dégainé ton matériel. Quelques secondes plus tard, j'étais né sur la pierre froide. Personnage sans genre issu de ton imagination. Tu n'as même pas pris le temps de me regarder. Tu es parti sans même te retourner. Suis-je un homme ? Ou bien une femme ? Je pense que toi-même, tu ne le savais pas.
Depuis ce jour, je scrute la place à la recherche de réponses. Pourquoi avoir choisi cet endroit ? Pourquoi m'a-t-il placé devant des sculptures contemporaines horribles et pas dans un parc, par exemple ? Malheureusement, je ne peux qu'observer. Observer les gens qui passent parfois devant moi. Qui s'arrêtent, curieux, et scrutent mon unique œil, à la recherche de réponses. Je ne leur en veux pas. Moi aussi, cela m'interpellerait, si quelqu'un avec seulement une moitié de visage venait à apparaître au milieu de mon champs de vision. Mais je ne peux pas donner de réponse à leur questionnement. Je ne sais pas. Je ne sais rien de toi. Et, plusieurs fois, la pierre sur laquelle tu m'as abandonné a trahi mes larmes d'encre noir.
Parfois, tu sais, je t'en veux. Je t'en veux de m'avoir laissé là, et d'être parti sans même un au revoir. Sans même m'avoir laissé le temps de voir le visage de celui – ou celle - qui m'a créé. Je me demande si parfois, toi aussi tu penses à moi. Je devrais te haïr, pour m'avoir abandonné. Mais je n'y arrive pas.
Car je sais qu'un jour tu reviendras. Et, ce jour-là, je saurai que c'est toi. »

Cat, Sue et BellaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant