Chapitre 14

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Après être resté caché seul une bonne dizaine de minutes derrière le muret à m'apitoyer sur mon sort, mon bien connu orgueil refit surface. Comment pouvais-je laisser un mec qui m'est pratiquement inconnu me rendre si faible et vulnérable ? C'est vrai, après tout je ne sais rien de lui. L'homme fier et fort que j'incarnais précédemment ne pouvait disparaitre entièrement. Je me suis battu pour me forger, le rôle qu'aurait pu apporter Salinger à ma vie  ne devait pas consister à me briser le coeur. Je sais ce que tu penses, que je change d'avis et d'humeur tout le temps, mais les sentiments ne se contrôlent pas.

J'avais passé les jours suivant à écrire. Il fallait que je rende un devoir dans quelques semaines et j'avais enfin trouvé la motivation nécessaire pour le faire. Il était hors de question que j'abandonne maintenant. Même si j'avais résisté à la tentation d'envoyer un message à Sal, j'avais quand même pu constater qu'il n'avait jamais cherché à me joindre. Je devais me rendre à l'évidence, ses airs et ses manières de gentil garçon cachaient en réalité un personnage totalement différent et néfaste. Néanmoins, des messages j'en avais reçu, et pas des moindres. Il s'agissait en grande majorité d'insultes d'étudiants et de moqueries de tout genre, mais j'avais aussi été surpris de voir qu'il existaient encore quelques personnes bienveillantes et possédant une âme qui m'écrivaient des mots de soutien. Au moins ce qui était certain désormais, c'est que l'entièreté du campus devait être au courant de ma sexualité alors que moi-même je ne la comprenais pas encore. Tout me paraissait excessif et précipité, je m'imaginais déjà en train de l'annoncer à ma famille avant qu'un imbécile de ma fac ne trouve mon adresse et envoie une lettre. Cette histoire m'avait plongé dans une angoisse terrible. Ça me semblait si dur d'apprendre à vivre d'une manière complètement différente et qui m'avait toujours été étrangère. Je me répétais que mon devoir était de garder la tête haute et de reprendre confiance en moi. Mon homosexualité ne changeait en rien la personne que j'étais avant. Je gardais le même mental et le même physique. La solution à mes problèmes m'apparu alors évidente. Je devais provoquer une guerre. Une guerre qui m'opposerait aux autres. Tous. J'avais les capacités pour reprendre mon trône, si je le voulais, je le pouvais.

Les vacances ont fini par se terminer. Les cours reprenaient et malgré le stresse constant en moi de devoir affronter le regard des autres, j'étais prêt à commencer un nouveau semestre. Du moins, je pensais l'être. Je revenais de chez mes parents avec qui j'avais passé Thanksgiving, et j'avais réussi à oublier la plupart de mes soucis. Désormais je devais leur faire face à nouveau, et cela dés mon entrée dans l'établissement. Les regards de tous les élèves s'étaient tournés vers moi et je me suis immédiatement senti oppressé. J'avais ressenti le besoin de trouver une alternative, une issue de secours. Je n'étais en réalité pas prêt du tout. C'est en passant devant le bureau de Mr.Johnson que je vis l'opportunité de m'en sortir. J'entrai donc sans toquer et fis face à mon professeur surpris et visiblement mécontent d'avoir été dérangé.

- Oui Monsieur Granwall ?

- Euh oui, pardonnez mon interruption un peu brusque monsieur, c'était simplement pour vous prévenir que j'aurai fini ma nouvelle à temps.

Il m'observa quelques secondes dans le plus grand des silences et répondit finalement:

- Et bien tant mieux. Il l'est primordiale pour vous si vous souhaitez rester.

- Oui je sais, j'ai compris le message monsieur.

Ses sourcils se froncèrent suite au ton légèrement ironique que je venais d'employer.

- Bon. Qu'est-ce que vous faites encore là Granwall ?

- Euh...

- Vous connaissez la sortie.

- Oui. Vous avez une très belle machine à écrire par ailleurs.

Il se tourna vers cette dernière, puis me dévisagea.

- Merci Granwall, je vous vois tout à l'heure en cours. Me dit-il en pointant la porte de la main.

- Bien sur, à tout à l'heure monsieur. Je lançai. Au moins on ne se sent pas mit à la porte avec lui. Me fis-je ensuite la réflexion.

Je sortis donc de son bureau oubliant la raison pour laquelle j'y étais entré initialement. Un garçon que je n'avais jamais vu auparavant se tenait devant moi et me fixait en souriant.

- Je te préviens que si tu veux te battre je te met une raclée.

Il me regarda d'abord étonné, puis il éclata de rire.

- Non pas du tout je me doute bien que tu gagnerais, je ne suis pas là pour ça.

Je l'observai intrigué.

- Alors qu'est-ce que tu veux ?

Il se gratta la nuque avec un air embarrassé. 

- Je voulais savoir si par hasard tu pouvais être intéressé.

- Par quoi ? Je demandai un peu confus.

- Par moi.

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