Chapitre 20

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Ça y est. Nous étions le 27 novembre, la journée de ta dernière radio. J'avais prétendu être malade ce jour là afin de t'accompagner et de t'aider à affronter ce moment tant redouté. J'ai des souvenirs très précis de ces quelques minutes passées dans la salle d'attente et de ces sentiments que j'ai pu éprouver. Au départ, lorsque tu es entré dans la salle où tu devais passer tes examens et que tu m'as souris faiblement, j'ai cru que tu allais y rester que dix minutes à peine, mais je suis certain d'être resté seul bien plus longtemps. Il m'a semblé qu'une heure entière s'était écoulée, ou bien peut être que mon angoisse et ma peur m'ont consumé tellement facilement et profondément que j'ai cru avoir attendu ton retour dans une solitude interminable. J'ai eu le temps en tout cas, de constater que j'avais horreur de cette ambiance médicale. J'entends par là que les salles d'attentes vides aux murs ternes et sans aucune décoration, simplement des néons grésillants accrochés au plafond, ça ne faisait qu'accentuer mon anxiété et ma crainte. Pendant cet instant d'ignorance, de stresse et de déréliction, je me suis posé des dizaines et des dizaines de questions. Est-ce que toi tu angoissais autant que moi ? Étais-tu toujours optimiste, ou plutôt, gardais-tu encore espoir ? Comment vais-je devoir réagir si tu ressortais de cette salle en m'annonçant une bonne nouvelle ? Comment vais-je devoir réagir si tu m'apportais au contraire une mauvaise ? Je ne suis pas quelqu'un de très diplomate, je savais déjà que j'allais faire une bourde en réagissant sur le coup. Alors j'ai commencé à me faire des scénarios et à parler tout seul dans une salle d'attente vide:

- Tu es guéris ? Je suis si heureux !

Je grimaçai.

- C'est complètement débile de dire ça. Il se doutera bien que je ne vais pas pleurer de tristesse s'il me fait part d'une nouvelle positive.

Je me mordis la lèvre, cherchant une nouvelle situation:

- Écoute Sal, tu n'es pas encore guéris, mais rien n'est encore perdu, c'est pas la mort pour autant !

Je laissai échapper un soupir, exaspéré de mon incapacité à savoir réconforter.

- Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Est-ce que je suis né avec une partie du cerveau en moins ?

J'entendis alors toussoter à ma gauche. Pensant qu'il s'agissait de toi, je me retournai précipitamment. Malheureusement, il s'agissait d'un couple de personnes âgées qui venaient prendre place face à moi.

- Il ne faut pas dire cela jeune homme, ne soyez pas pessimiste, il vous reste des années devant vous.

Même s'ils avaient l'intention de me remonter le moral, leurs paroles ne résonnaient pas positivement en moi. Je ne faisais que de penser à toi et à assimiler cette phrase à ta situation.

- C'est faux. Qu'est-ce qui prouve que je ne vais pas mourir demain hein ? Absolument rien. Il faut se préparer à toute éventualité. La mort nous suit toujours de près.

Au même moment, je t'aperçu sortir de la salle suivit de ton médecin:

- Madame Holter ? C'est à votre tours s'il vous plait, veuillez me suivre.

Je savais déjà que tu avais sans aucun doute entendu mes précédentes paroles. Je me levai précipitamment et me dirigeai vers toi. Mon cœur tambourinait contre ma poitrine avec encore plus de rapidité et de puissance. J'appréhendais ce que tu allais me dire et j'avais peur de t'avoir blessé en prononçant ces mots sur la mort. Comme prévu, j'avais bel et bien fait une boulette. Mais contre toute attente, au lieu de me dire que tout allait bien se passer ou que rien ne s'était encore arrangé, tu fis quelque chose d'autre. Une chose pire que tout. Tu ne dis rien et tu avanças vers la sortie. Je te suivis alors sans parler non plus et nous commençâmes à marcher dans la rue accompagnés d'un silence lourd et qui me rendait encore plus nerveux. Mais même si l'envie de te poser la question fatidique me brûlait les lèvres, je n'avais pas le courage de le faire. Finalement, au bout de deux ou trois minutes, tu fus le premier à ouvrir la bouche:

- Ce que tu as dit quand je suis arrivé; que la mort nous suit toujours de près; qu'est-ce que tu voulais dire au juste ?

- Euh, je ne sais pas trop.

Tu t'arrêtas brusquement sur le trottoir et tes yeux se mirent à fixer une bicyclette à ma gauche:

- Est-ce que ça avait un rapport avec moi ? Tu as utilisé cette métaphore pour imager ta situation ? Je suis la mort qui te colle à la peau c'est ça ?

- Non, non, non Sal, c'est pas du tout ça je te jure ! 

Je pris tes mains dans les miennes et ton regard se posa sur moi. L'air et la façon dont tu me scrutas me donna immédiatement la réponse que j'attendais. Ce voile sombre et l'habituelle présence de lumière et d'espoir dans tes yeux disparue me fit tout de suite comprendre. Tu n'étais pas guéri.

listen before i goOù les histoires vivent. Découvrez maintenant