Chapitre 2

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Le lendemain, Stiles se réveilla frigorifié avec une gueule de bois terrible. Il avait noyé son désespoir affectif dans l'eau de vie, certainement composée à quatre-vingt-dix-huit pourcents d'acide citrique que lui avait offert Ahtna et s'était endormi comme une masse sur son lit sans avoir le temps de se mettre sous les couvertures. Le feu s'était éteint durant la nuit et la cabane était gelée.

Il se leva en jurant, le crâne douloureux et les pieds glacés, enroulé dans la peau d'élan qui servait de couvre-lit, puis se traîna jusqu'à la cheminée contre laquelle il lutta un moment. Trouver le petit bidon d'huile généreusement laissé là par Ahtna ne lui prit pas bien longtemps – il avait été rangé avec les ustensiles, au-dessus de la cuisinière – mais mettre la main sur les allumettes lui prit un bon quart d'heure et ce tout simplement parce qu'il cherchait une petite boîte de dix centimètres. Mais ce qu'il trouva était bien plus imposant.

Les allumettes étaient longues de près de trente centimètres et si épaisses que, lorsqu'il en prit une, il eut la sensation de brandir la baguette magique d'Harry Potter. Il la saisit en son milieu, fit jaillir une grosse flammèche en la grattant, puis l'approcha des brindilles, des copeaux et de la buche qu'il avait au préalable mis dans l'antre de la cheminée devant laquelle il s'était accroupi. Les flammes explosèrent si violemment qu'elles lui brûlèrent la main.

Poussant un cri, Stiles tomba douloureusement sur les fesses puis recula précipitamment. Les flammes étaient si grandes qu'elles sortaient de l'antre, menaçant les buches entreposées à côté de la cheminée.

— Merde ! s'écria Stiles en se redressant.

Il avait mis trop d'huile, à tous les coups, et s'il ne faisait rien tout allait prendre feu. Il retourna en quatrième vitesse dans la chambre, attrapa le broc d'eau puis retourna en arrière pour en jeter le contenu dans le feu. La réaction fut immédiate : les flammes rugirent et grandirent encore, tellement qu'il en senti la chaleur sur son visage.

— Le con !! s'écria-t-il encore.

Il le savait, pourtant, qu'il ne fallait pas jeter d'eau sur de l'huile en feu ! En dix secondes, il avait compris ce qu'il aurait dû faire depuis le début, mais il dut pour cela lutter contre la porte d'entrée de la cabane, qui semblait s'être transformée en plomb durant la nuit.

Une fois qu'il fut dehors il s'échina à gratter la terre pour jeter dans ce feu vivant autant de boue froide et dur qu'il le put. À la fin de cette entreprise, il était en sueur sous ses vêtements froids, deux de ses doigts de la main gauche étaient en sang, sans compter qu'il avait quelques cloques sur la main droite, signe qu'il s'était brûlé ; l'antre de sa petite cheminée était plein de boue, tout comme le sol et ses vêtements.

Dépité, ennuyé par ce mal de tête persistant et honteux de s'être laissé séduire par l'alcool la veille au soir, Stiles soupira et frotta ses paupières fermées.

— Putain, soupira-t-il lorsqu'il se mit de la boue jusque dans les sourcils.

Nettoyer tout ça puis faire redémarrer un feu lui prit une bonne partie de la matinée. Lorsqu'il eut enfin fini il faisait terriblement froid, si froid que les deux petites fenêtres étaient cristallisées de givre sur les bords, mais de la cheminée montait déjà une bonne chaleur réconfortante.

Pour nettoyer ses vêtements boueux, Stiles n'eut malheureusement d'autres choix que de sortir chercher de l'eau armé d'un sceau. Derrière la bute, l'un des nombreux petits bras de la rivière Noatak suivait la route en direction de la ville. Vêtu de sa combinaison de ski, de ses lourdes bottes et de sa parka, il sortit.

Le froid lui glaça la peau du visage et rendit vite le bout de ses oreilles très douloureux. Arrivé près de la rivière, il posa le seau dans la terre gorgée d'eau et étira son dos douloureux. Son mal de tête avait presque disparu. Soupirant, il contempla le paysage.

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