Chapitre 10

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— Mais pourquoi t'as pas utilisé la motoneige ?

Stiles était persuadé que, malgré les millions d'années d'évolution, l'homme possédait toujours un sixième sens. Bien enfoui maintenant, certes, mais pourtant toujours présent. Une sorte de petite alarme silencieuse dans la tête, couplée avec un tendon traitre dans le ventre au niveau des intestins, pour prévenir un abruti lambda dans son genre que les choses n'allaient pas tarder à déraper. Et au moment où Derek lui posa la question alors qu'ils arrivaient à peine et que Stiles descendait tout juste de la motoneige bleu ciel de son chauffeur, il ressentit cette petite sensation. Quelque chose se crispa dans son ventre pour l'avertir que ce qui allait suivre ne le mettrait pas tout à fait à son avantage, voire pas du tout.

Dans ce genre de situation, Stiles était généralement incapable de réfléchir. Lorsqu'il était adolescent, sa réaction était de parler à tort et à travers, ce qui le conduisait à chaque fois à passer pour un abruti. Aujourd'hui il se contentait de se taire et de regarder ailleurs en faisant mine de ne pas avoir entendu, ça marchait tout aussi bien et il se rendait moins ridicule. Évidemment, lorsque Derek le vit regarder le ciel comme si ce dernier était devenu brutalement rose fuchsia, il comprit.

— Tu ne sais pas t'en servir, soupira-t-il en descendant à son tour du véhicule.

— En même temps j'ai pas trouvé le mode d'emploi donc, tenta Stiles malgré lui avec un petit sourire.

Derek lui balança un regard qui lui fit penser à celui que son père lui avait adressé le jour où, enfant, il avait mis une araignée dans sa bouche parce qu'il ne voulait pas qu'elle attrape froid ; un regard paternaliste, désemparé et agacé à la fois, comme s'il hésitait entre le rassurer, rire ou l'engueuler.

— Bon, je vais te montrer, c'est pas difficile, déclara-t-il finalement – apparemment, il avait préféré jouer la carte de la neutralité.

— Nan mais c'est bon je t'ai vu faire, commença Stiles, vexé.

Cette fois, les yeux de Derek exprimaient clairement l'agacement le plus pur et il comprit qu'il était sur une pente glissante, aussi s'empressa-t-il d'ajouter en soupirant :

— Ok d'accord, tu me montreras.

Ils marchaient tous les deux vers la cabane lorsqu'il dit, incapable de s'en empêcher :

— Je préfère te prévenir : je confonds ma droite et ma gauche.

— Et ma main dans ta gueule, tu veux la confondre aussi ? répliqua rageusement Derek en faisant volte-face.

Planté l'un devant l'autre, ils se défiaient franchement du regard et Stiles sentit la moutarde lui monter tout de suite au nez. Qu'il soit agacé et le prenne pour un idiot passe encore, même si ça faisait mal, mais il n'avait pas le droit de lui parler comme ça. Fébrile de se retrouver dans une telle situation conflictuelle avec un homme comme Derek alors qu'ils s'embrassaient à peine une heure plus tôt, Stiles parvint tout de même à rétorquer courageusement :

— Tu te prends pour qui pour me parler comme ça ?

— Et toi, qu'est-ce que tu as cru en venant t'installer ici, hein ? Tu t'es pris pour qui ? lui balança Derek avec une rage froide et un calme inquiétant. Tu crois que n'importe qui peut venir vivre ici en plein hiver ?

Stiles ouvrit la bouche mais la boule de culpabilité qui remonta dans sa gorge l'empêcha de parler. Comme il l'avait craint lorsqu'ils s'étaient retrouvés tous deux dans la grange, Derek était en train de lui reprocher ce qu'il s'était passé la nuit dernière. Le voyant déstabilisé, ce dernier continua :

— Espèce de petit con ! Tu crois qu'on a que ça à foutre de s'occuper d'un imbécile même pas capable de veiller sur un bébé chien de deux semaines ? Bordel, je t'ai trouvé à moitié mort !

AlaskaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant