Amarok - Chapitre 2

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À force de rangement et de fouilles, Derek finit par découvrir, caché dans l'armoire de ses parents derrière les manteaux pendus à des cintres, un vieux fusil et quelques cartouches de munitions. Il ne s'était pas douté une seule seconde qu'une arme se trouve dans cette maison. Il n'avait jamais vu son père, ni même sa mère, le manipuler. Il en resta pantois de surprise plusieurs secondes avant de finalement le remettre à sa place, persuadé qu'il n'en aurait pas l'utilité. Il pensa même le revendre mais doutait de toucher beaucoup d'un objet si vieux. Sans trop savoir pourquoi, il le garda, quoique hors de sa vue.

Il ne le prit même pas avec lui lorsque, après un mois, la température remonta enfin, lui permettant de partir à la découverte de cette fameuse ligne de trappe. Il avait trouvé, dans un tiroir, un plan lui indiquant le chemin et portant le logo de l'Agence des Forêts. Il apprit par la même occasion qu'il s'agissait d'une location et que son père avait réglé les échéances très en avance. D'après ce qu'il comprenait, il ne serait pas obligé de débourser quoique ce soit pour cette parcelle de terre forestière pour encore vingt ans.

Il faisait beau ce jour-là malgré un vent frais et Derek fit la connaissance, avec beaucoup de plaisir, de la beauté sauvage de la forêt. Il n'avait jamais aimé le bruit et l'énergie de la vie new yorkaise. Les plus beaux souvenirs d'enfance qu'il gardait en mémoire appartenaient à l'Alaska. Cet endroit lui avait tellement manqué !

Il retrouva rapidement ses repères malgré les années et parvint à s'orienter rapidement au milieu des arbres, grâce à la course du soleil, des nuages et à la mousse sur l'écorce. À force de s'approcher particulièrement près de certains troncs, il finit par y voir quelques trous profonds. Puis il trouva, encore fichés dans quelques érables, des chalumeaux que les responsables n'avaient même pas pris la peine de récupérer après leur méfait. Ou alors, ils avaient été dérangés.

Contrarié, en sueur sous son blouson, il regarda autour de lui avec plus d'attention. La récolte d'eau d'érable pour la fabrication du sirop était, comme la chasse et le bûcheronnage, très contrôlée dans la région. À moins que les choses aient changé, il n'y avait pas, à sa connaissance, de société agréée dans ce domaine aux alentours de Noatak. Ceux qui avaient fait ça n'en avaient pas le droit.

Néanmoins, il retrouva très vite son calme. Malgré le peu de temps qu'il avait passé en ville il avait pu constater que la plupart des habitants manquaient de beaucoup de choses. Certains étaient même clairement dans le besoin. Ils récoltaient peut-être l'eau d'érable de façon illégale, mais ils n'avaient pas le choix.

C'est alors qu'il la vit, là, dans la boue, entre les racines d'un arbre épais. La belle et très nette empreinte d'une patte de chien. Plissant les yeux, il trouva vite celles correspondant aux trois autres pattes puis, relevant la tête, parvint à suivre le chemin pris par l'animal. Sauf qu'il n'y avait que des loups en liberté dans ces bois. Il scruta les alentours, étonné. Normalement ces prédateurs vivaient plus au cœur de cet immense territoire boisé, il était rare qu'ils viennent si près de la lisière. La bête avait dû s'égarer. Ou alors elle était très jeune.

Finalement, soupirant, il reprit sa marche. Sa ligne de trappe décrivait un large cercle depuis les abords de la forêt jusque très loin vers le centre avant de revenir à son point de départ. Sur son chemin il trouva, comme il l'avait pensé, des collets qui ne lui appartenaient pas, de simples anneaux de fer habilement dissimulés dans les fourrés ou les feuillages bas. Il n'en vit que trois ou quatre et ne doutait pas d'en avoir passé beaucoup sans les remarquer.

Il termina sa longue promenade en débouchant dans un creux au départ d'un vallon brunâtre parsemé d'une herbe timide. Il reconnut la cabane immédiatement. C'était celle de Satinka. Justement, la petite Nushka jouait avec un ballon jaune en poussant des cris contents. Dès qu'elle le vit, elle se figea puis pointa sur lui un doigt décidé et déclara :

AlaskaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant