Chapitre 13

536 50 10
                                    

Durant les jours qui s'écoulèrent ensuite, Derek ne cessa pas de lui rendre visite. Si, au début, Stiles en ressentit beaucoup de gêne et un peu de culpabilité, il finit par tout envoyer aux orties. Quelle importance qu'il prenne ou non un peu de bon temps avec un homme qui en avait autant besoin que lui ?

Derek était quelqu'un de difficile qu'il fallait prendre garde à ne pas froisser. À côté de ça, il était aussi digne de confiance. Laura lui avait dit un jour qu'il pouvait compter sur lui, et Stiles savait à présent à quel point c'était vrai. Le garde forestier ne s'invitait pas seulement chez lui pour qu'ils couchent parfois ensemble, il venait également pour l'aider, s'assurer qu'il n'ait besoin de rien et qu'il ne soit pas en danger. Il lui apprit à allumer et nourrir correctement son feu de cheminée, à identifier les traces autour de chez lui, qu'elles soient animales ou humaines, à se repérer afin de rentrer sans danger si jamais le jour tombait sans qu'il n'y ait fait attention, de même qu'à poser des collets.

Au début, Stiles s'étonna qu'il en ait le droit. Son compagnon lui apprit alors que la cabane de Ahtna appartenait à une petite concession de trappeur qu'il n'avait jamais cédée. Certes, il ne chassait plus lui-même car il ne vivait plus à Noatak, mais ainsi les locataires pouvaient, à l'occasion, si l'hiver était trop rude, attraper quelques lapins ou lemmings pour ne manquer de rien. Mais Stiles ne s'y risqua jamais. Attraper un animal puis le tuer, le dépecer, le vider, le découper ? La simple idée lui donnait la nausée. Évidemment, Derek ne manqua pas de se moquer de lui en affirmant que, lorsqu'il aurait le ventre vide, ce genre de considération lui paraîtrait bien futile.

Puis, Derek cessa de venir. Il le prévint un jour qu'il lui fallait partir en forêt quelques semaines, dans une cabane de trappe à des kilomètres de là, afin de surveiller les lignes plus au nord. Stiles se retrouva donc seul. Il eut à nouveau froid la nuit, craignit à nouveau de manquer de bois et de nourriture. La neige était désormais trop haute, trop épaisse, trop traîtresse pour qu'il se risque au moindre voyage. Laura vint lui rendre visite deux ou trois fois avec ses chiens, à bord de son traineau, mais ne pouvait chaque fois rester trop longtemps.

Noatak n'était pas assez au nord pour être privée de soleil durant l'hiver, néanmoins le jour ne s'attardait que quelques heures, guère plus. Et la nuit était incroyablement profonde. Stiles vécu cette période dans une sorte de léthargie, comme si son esprit hibernait. Il pensait peu, ce qui n'était habituellement pas son genre, et lorsqu'il le faisait, cela concernait surtout Derek. Il ne cessait de se demander si tout se passait bien pour lui, au milieu des bois, sans se douter qu'il était lui-même, à peu de choses près, dans la même situation.

Noël vint. Stiles le passa seul. Cela le toucha plus qu'il ne l'aurait voulu. Jusqu'à présent, il avait toujours passé le réveillon avec son père, son grand-père sénile lorsque ce dernier ne les envoyait pas méchamment paître, avant de fêter le nouvel an avec Scott.

Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il repensa à son meilleur ami, après des jours à ne se soucier que de Derek. Il l'encaissa plus douloureusement et plus difficilement que le coup de poing de Murphy. Il n'avait pas le droit. Pas le droit d'oublier ce qu'il avait fait, pas le droit de mettre de côté ce qui était arrivé par sa faute. À cause de son inquiétude pour son amant, il en oubliait ses erreurs ainsi que son meilleur ami. Ce n'était pas ce qu'il était venu chercher ! En venant ici, ce qu'il voulait c'était tout confronter.

C'est le lendemain de Noël qu'il réalisa tout ça. Certes, il ne s'était pas attaché à Derek comme il l'avait craint – entendez par là qu'il n'était pas amoureux – néanmoins, son nouvel amant occupait toutes ses pensées. Il était devenu terriblement dépendant de lui. Parce qu'il appréciait sa compagnie, ses mains chaudes, son air bougon, sa façon sauvage de l'envoyer bouler alors que, lorsqu'il s'adoucissait, il devenait si prévenant et tendre.

AlaskaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant