Chapitre 3 • Fripouille et Sacripant, deux trublions de la forêt de bruyères 1/2

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Nos valeureux destriers nous déposèrent, après deux bonnes heures, aux abords peu fréquentés de la ville populairement connue d'Athènes. Quand je descendis du dos de l'équidé, mes fessiers et cuisses me rappelèrent à leur bon souvenir. Je grimaçais à chaque pas sous les courbatures. J'avais même l'impression de marcher comme un canard. Je ne pus réprimander un grognement en attendant le rire de la Dryade aux yeux pétillants de malice. Nous n'étions pas tous habitué à chevaucher.

Avant de nous séparer des Hippalectryons, nous primes le temps de les remercier gracieusement. Pendant qu'Eulalia leur donnèrent des pommes, je caressais leur flanc aux poiles soyeux et murmura des paroles en surnélien.

Ensuite, nous regardâmes s'éloigner les animaux dans la couverture végétale protectrice. Le petit chenapan bondissait joyeusement autour de ses parents calmes. Il avait de l'énergie à revendre.

Je me retournai vers la ville qui illuminait la pénombre. Nous devions passer impérativement chez une de nos consœurs avant de prendre la direction de l'aéroport. La présence d'Alfdis avait modifié quelque peu nos plans.

Marchant d'un bon pas malgré la douleur des courbatures, je déambulais dans les rues d'Athènes à la recherche de la boutique de la Surnaturelle en compagnie des deux filles. Elle se lançaient des regards hostiles. Encore heureux que la nuit hivernale portait son voile sur la cité, il y avait peu de passants dans les rues que nous empruntions. Eulalia privilégiaient les moins fréquentées pour éviter d'attirer les regards. Un peu normal avec une Charmuzelle sauvageonne. Habillé d'une simple tunique, elle captait l'attention des rares rencontres.

Nous dûmes insister à la porte de la boutique, mais une lumière s'alluma dans le fond de la pièce. Le soulagement ! Je n'avais pas envie de passer une nuit de plus en Grèce. Une femme des plus typiques de la région nous ouvrit le battant. Les sourcils froncés, elle nous apostropha d'un ton très sec dans la langue du pays.

Quand elle entendit le surnélien de la bouche de la Nymphe, ses traits se radoucirent. Elle nous invita à entrer et ne referma la porte qu'après avoir jeté un coup d'œil suspicieux dans la rue. Elle nous pressa à monter à l'étage où un salon chaleureux nous accueillit.

D'une quarantaine d'années, la dame rajusta son châle écru sur ses épaules. Elle nous présenta les fauteuils pour nous y installer et nous proposa une boisson. Quand elle revint s'assoir, les lissa les plis de sa longue jupe.

— En quoi puis-je vous être utile ? demanda-t-elle de but en blanc.

— Vous êtes bien une charmeuse ? la questionna Eulalia.

La dame le confirma d'un hochement de tête. Une charmeuse était une Surnaturelle spécialisée dans les charmes en tout genre.

À ce moment-là, je me demandais pourquoi la Dryade en voulait une absolument alors j'écoutais leur conversation en silence. Quant à elle, Alfdis somnolait sur l'accoudoir du fauteuil en face de moi. C'était pour elle tout ce détour, mais elle n'y prêtait pas attention.

— Cette jeune fille, ici, présente à besoin d'un passeport et d'autorisation de voyager d'un parent de toute urgence.

— En quoi mes capacités de charmeuse peuvent vous être utile ?

Avec les Surnaturels, ils ne s'étonnaient pas du tout de l'absurdité du contexte. Comme un bon professionnel, on ne posait pas des questions sur les détails de la situation délicat du client. Ce n'était pas leur oignon, tout ce qui leur importait était leur contrepartie pour leur service.

— J'en y viens. Puisqu'elle n'est pas du genre très commode avec les Ignorants, je crains qu'elle soit dans l'incapacité de jouer son rôle. Il nous faut donc un charme puissant de percussion qui imbibe les papiers en question.

La Compagnie de la Rose NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant