Les crépitements du feu me tirèrent des méandres brumeux de ma rêverie agitée. J'ouvris les yeux sur un ciel étoilé. Mon sommeil n'avait pas effacé les lourdeurs de mon corps lessivé. Je m'installai tout de même dans une meilleure position malgré les plaintes de mes muscles ankylosés.
— Enfin réveillé ?! murmura la Dryade.
Assise sur une pierre, elle était aux aguets tout en gardant un œil protecteur sur moi. Elle tressait les brins d'herbes pour faire passer le temps. Ses traits tirés étaient emprunt d'une mélancolie que je ne lui connaissais pas. Surtout ses yeux. Ils laissèrent furtivement transparaitre une détresse quand ils se posèrent sur moi. Elle ravala la boule coincée dans sa gorge.
— Qu'est-ce que j'ai raté ? demanda-t-elle d'un ton faussement détaché.
Elle ne pouvait me mentir. Je la connaissais suffisamment pour décrypter ses sentiments qu'elle tenait tant bien que mal à dissimuler. Quelque chose la tracassait, mais quoi ?
Mon regard se posa sur le corps endormi de la Charmuzelle. Les mouvements réguliers confirmaient qu'elle dormait d'un profond sommeil. Eulalia me le certifia oralement. Nous étions que tous les deux, les seuls conscients dans cette nuit calme.
— Je me doutais que tu ne désirais pas lui conter ta petite promenade dans les astres...
Elle cachait son trouble derrière une humour que je lui connaissais peu. Elle s'y essayait rarement avec moi. Vraiment quelque chose ne tournait pas rond. Il ne fallait pas la brusquer, elle allait sinon s'enfermer comme une huitre et je n'aurais aucune explication.
J'emportai ma couverture et m'installai à ses côtés. Je la bousculais au passage tandis qu'elle riposta avec plus de force en éclatant de rire. J'avais besoin de retrouver notre complicité pour me donner de la force.
La nuit était fraiche sous la barrière de protection de la Dryade. Les étoiles, elles étaient magnifiques dans cet espace ouvert dépourvu de pollution lumineuse. Elles dévoilèrent leur charme sans aucune pudeur. La voie lactée se dessinait tel une ligne accumulant dans son sein un nombre colossal de lucioles. Il m'était impossible de reconnaitre les constellations. J'avais rarement éprouve l'envie de lever les yeux pour les contempler. Je le regrettais. Elles étaient comme des amies fidèles dans la plus sombre des nuits. Toujours présentes, ne faiblissaient jamais.
— J'ai rencontré La Cendre, murmurais-je, le nez toujours levé.
— Je m'en doutais. C'est bien la seule chose que m'a dit Alfdis quand je l'ai secoué pour avoir des infos.
Ma langue se délia et je lui contai mon entrevue. Les mots se déversaient sans aucune retenue. Eulalia sut tout dans les moindres détails pertinents. Elle resta silencieuse, jamais elle ne m'interrompit de peur que je perte mon fil conducteur. Quand j'eus fini, elle ne sembla pas étonnée de ma destinée des plus chaotiques, ni de mon rôle Énonciateur. Comme si elle était déjà en partie au courant...
— Te rends-tu compte de ta chance ?
— Je ne vois pas où elle a pu apparaitre... ça ne va m'apporter que des problèmes.
— Tu ne comprends rien à rien. Les Fileuses t'ont offert une opportunité qui est extrêmement rare. Tu dois t'en saisir. Ne la gâche pas !
— J'aimerais bien te voir à ma place ! haussais-je le ton.
Si elle trouvait cela tellement génial, je lui laissais volontiers mes « supers » pouvoirs. Je n'en voulais pas et je ne l'avais jamais désiré. Elle trouvait facile, mais elle ne s'imaginait pas ce que j'avais enduré comme souffrance à cause de mon métissage. Elle ne voyait que le bon côté et omettait le reste.
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La Compagnie de la Rose Noire
Fantasy〰️ Alaric est une jeune hybride belge, tentant de vivre une existence normale, à l'image des humains qui l'entourent. Étudiant en façade, il appartient au Monde Caché, le territoire invisible et merveilleux des surnaturels. Un terre mystique où les...