Chapitre 14 : La belle et la bulle

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Clémentine frappa doucement à la porte de la chambre pour ne pas surprendre son occupante et passa une tête timide dans l'ouverture.

— Entre, ma belle.

Elle approcha du lit. Madeleine était recroquevillée en son centre. Son teint était terne et ses yeux d'ordinaire si pétillants étaient éteints. Elle semblait avoir vieilli de dix ans d'un coup, mais avec ses cheveux lâchés sur sa nuque et sa fine chemise de nuit sur ses épaules frêles Clémentine songea qu'elle ressemblait à une petite fille. Elle sentit son cœur se serrer, entre le soulagement de revoir Madeleine vivante et la tristesse de la trouver affaiblie et dénuée de sa gaieté habituelle.

— Comment ça va ? J'ai eu tellement peur.

— Et moi donc ! Viens, assieds-toi, invita Madeleine.

Clémentine s'exécuta et prit la main que sa voisine lui tendait entre les siennes.

— On m'a raconté que c'est grâce à toi que je suis encore de ce monde. Merci.

Clémentine soutint le regard clair de Madeleine de ses propres yeux débordant d'une émotion difficilement contenue. Ce moment sans le moindre mot échangé suffit à ce qu'elles se comprennent. Nul besoin d'en dire plus ou de ressasser cette terrifiante soirée. Chacune savait que le lien les unissant s'était renforcé indéfectiblement.

Quand William vint rendre visite à sa patiente préférée il la trouva toujours en compagnie de sa sauveuse. Les deux discutaient joyeusement comme si elles s'étaient trouvées au salon de thé. Clémentine venait de raconter à Madeleine que sa mésaventure lui avait coûté un restaurant en amoureux et Madeleine promis de se rattraper auprès de Maxime, qu'elle appelait toujours « le jeune homme », en proposant de leur cuisiner elle-même un dîner romantique dès qu'elle serait autorisée à sortir de cette chambre déprimante.

— Malheureusement ça ne va pas être pour tout de suite ! intervint le médecin qui avait entendu la fin de leur conversation. Il va d'abord falloir que vous repreniez des forces, mais si vous suivez scrupuleusement mes recommandations ça devrait aller rapidement !

— Ah ça t'amuse toi, de me donner des ordres !

— Pour une fois qu'une des femmes du clan Jacob doit m'écouter je ne vais pas m'en priver ! répondit William d'un air mutin.

Clémentine rit de bon cœur, surtout heureuse de voir Madeleine retrouver un peu de sa verve habituelle, et s'apprêta à quitter les lieux pour les laisser à leurs examens. Elle déposa une bise sur la joue creuse de Madeleine en lui promettant de revenir le lendemain et salua William qui lui demanda :

— Ça te dirait de passer prendre un verre ce soir à la maison ? Ça ferait plaisir à Aurore, elle voulait t'inviter pour te remercier de tout ce que tu fais pour sa vieille mère.

— Je suis peut-être vieille et cardiaque mais je ne suis pas sourde ! maugréa Madeleine.

Clémentine accepta volontiers, elle échangea son numéro de téléphone avec William qui lui envoya son adresse et elle se demanda si dans ces circonstances peu propices elle ne venait pas de se faire de nouveaux amis.

A l'heure pile, Clémentine sonna chez le couple Daunier-Jacob et fut accueillie chaleureusement par Aurore.

— Salut ! Ne fais pas attention, c'est le bordel !

L'atmosphère de l'appartement invitait à la détente, Clémentine se sentit à l'aise immédiatement. On percevait de la vie dans chaque recoin du séjour qui témoignait des habitudes de ses occupants. Les coussins du canapé étaient marqués aux endroits où la famille s'installait probablement le soir, la table basse pas alignée sur son tapis était jonchée de magazines, journaux et DVD et des photos encadrées représentant principalement Sofia et Manon à différents âges de leur enfance parsemaient les murs et les étagères. Une alléchante odeur s'échappait de la cuisine ouverte derrière le bar de laquelle William s'afférait et on entendait des basses provenir du couloir menant probablement aux chambres. Seules les plantes vertes disséminées dans la pièce semblaient oubliées, comme si plus personne ne les voyait. Aurore et William, qui avaient tous les deux un métier prenant et extrêmement stressant avaient su se construire un cocon douillet où ils trouvaient leur équilibre autour de leurs deux filles.

Nouveaux horizons (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant