4.

605 79 322
                                    

   — AAARRGH !

   J'ouvre les yeux. Je suis allongé sur le côté. Jambes repliées, genoux contre la poitrine. Je sens l'adrénaline monter. Mon cœur se contracte. Je retiens mon souffle. Tends l'oreille.

   Silence.

   « J'ai rêvé ? »

   Le cri résonne encore dans ma tête. Un cri bestial, inhumain. Où la souffrance et la terreur se mêlent. Comme celui poussé par un animal acculé dans un coin, face à la mort. Un cri trop réel... Bien trop réel...

   Je me redresse. Jette un regard vers l'ouverture. Le jour ne se lèvera que dans deux ou trois heures. Pour l'instant, les ténèbres dominent. Je frotte mes yeux encore endormis. Je ne vois rien, pas même mes mains.

   « Je n'ai pas rêvé. Je sais que je n'ai pas rêvé. »

   Mais à défaut de me rassurer, cela m'angoisse. Si ce cri était bien réel – et il l'était – alors, d'où venait-il ? Était-il même humain ? Et si oui, qui en était l'auteur ? Que se passait-il réellement dans cet endroit ?

   Pris de vertige, je m'adosse dans le coin le plus proche. Ma tête tourne. Bourdonne. J'ai la nausée.

   « Que dois-je faire ? Je ne peux pas rester à poireauter ici. Je dois m'casser ! »

   Mais comment ? Je ne sais rien de cet endroit. Comment entrer, comment sortir ? Ce qui m'attend derrière cette porte ? Ou, qui... ?

   Avant j'en doutais, mais à présent j'en suis sûr et certain. Je ne suis pas seul. Il y a bien des gens qui vivent ici. Mais, qui sont-ils ? Des alliés ? Des ennemis ? Le cri que j'ai entendu me fait malheureusement pencher pour ce deuxième cas. Je sens à nouveau les larmes me monter aux yeux. Mon nez me pique, coule.

   Puis, une pensée me traverse l'esprit.

   Les gens qui m'ont enfermé, avaient-ils une bonne raison de le faire ? Je ne sais pas pourquoi, mais l'idée que je sois fautif de quelque chose ne cesse de me hanter. Peut-être qu'au fond... je mérite ce qui m'arrive.

   Mes souvenirs sont toujours aussi vagues. Imprécis. Les événements précédant mon arrivée dans ce lieu sont quasi inexistants. Il n'est donc pas impossible qu'il se soit passé quelque chose. Une chose grave. Que j'aurai commise. Qui nécessiterait mon enfermement. Peut-être même... ma mort.

   « Je ne veux pas mourir... »

   Une plainte s'échappe de ma gorge asséchée.

   — Je ne veux pas mourir !

   Cette fois, c'est un cri rageur. Il me revient en un écho sinistre :

   — Mourir... mourir... mourir...

   — Pourquoi ? Pourquoi, c'est à moi que ça arrive ?

   Je me prends la tête des deux mains.

   « Pas moi ! N'importe qui d'autre ! Mais pas moi... »

   Quelqu'un d'autre ? Et... ce cri ? Je ne suis pas seul. Non. Je ne suis pas le seul à être enfermé. Il y en a d'autres. Ici. Combien ?

   De la lumière ? Je cligne plusieurs fois des yeux pour voir si je ne rêve pas. Elle est bien là. Sous la porte. Je distingue tout juste les murs qui m'entourent. D'où peut-elle provenir ?

   Je me mets debout, prenant appui sur le mur derrière moi. Les battements de mon cœur s'accélèrent. Mes bras se raidissent. Je serre les poings involontairement. Le tranchant de mes ongles s'enfonce dans le creux de mes paumes, me laissant des marques sanguinolentes. Je voudrais crier. Hurler. Mais je ne fais rien. Je me mords simplement la lèvre inférieure pour m'en empêcher.

   Bientôt, j'entends des bruits de pas. Ils semblent venir de ma gauche. Ils résonnent dans toute
la pièce. Déchirant le silence du néant. Ils progressent. Lentement, sans précipitation. Il y a quelque chose de singulier dans ces bruits. Comme si leur auteur boitait.

   Soudain, plus rien. Les bruits se sont arrêtés. Le silence qui s'ensuit me glace le sang. J'ai la poitrine en feu à force de retenir ma respiration. Je n'ose plus faire le moindre mouvement. Je suis figé. Paralysé. Baissant les yeux vers le pas de la porte, je comprends enfin.

   Il est là.

   Les gonds grincent. Une maigre ligne apparaît et s'élargit sous mes yeux. La porte s'ouvre.

   La lumière inonde la pièce. Dispersant les ténèbres, mais pas ma peur. Une lumière puissante. Blanche. Semblable à celle produite par des néons. Elle me fait mal aux yeux. Je place un bras protecteur devant eux. Mon sang pulse dans mes veines. Je respire à nouveau, mais avec difficulté.

   Je plisse les paupières et dirige mon regard vers la porte. D'abord, je ne distingue qu'une ombre. Puis, ma vue se précise. Une silhouette se dresse dans l'embrasure de la porte. Celle d'un homme.

   Il s'avance vers moi.

   Je pousse un cri étranglé accompagné d'un brusque mouvement de recul. Je trébuche et me retrouve assis par terre. Mon cœur bat à une vitesse folle.

   « J'ai peur... J'ai peur... »

   Il s'arrête.

   « Que fait-il ? »

   Il n'est pas encore arrivé au centre de la pièce. Il tourne la tête vers moi. Je ne vois pas son visage. Son corps fait barrage à la lumière venant de derrière lui. Il reste là pendant un moment. Sans bouger. Puis, lentement, il se baisse et dépose quelque chose au sol. Un récipient. Il se redresse avec cette même lenteur et... tourne les talons.

   « Il s'en va ? Comment ça ? »

   Je ne sais pas à quoi je m'attendais. À quelque chose de bien pire, c'est sûr. Mais pas à ça. Cette réaction me paraît trop légère. Trop désinvolte. Comme si je n'étais pas dans cette cave sombre et humide, transi par le froid depuis plusieurs heures déjà. Comme si depuis tout ce temps, les sentiments de peur et d'incompréhension que j'éprouvais ne valaient rien.

   La colère monte. Me submerge. Effaçant toute trace de peur.

   — A... Attendez !

   L'homme se retourne.

   Ma voix est fluette. Enrouée. Elle est beaucoup moins impressionnante que je l'aurais voulu. Toutefois, je me relève et tente de paraître le plus sûr de moi que possible.

   — Qu'est-ce que je fais ici ? Et... où on est d'abord ? C'est quoi cet endroit ?

   — Mange.

   La porte se referme.

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
𝐋𝐀 𝐂𝐀𝐕𝐄「 ᵗʰʳᶦˡˡᵉʳ 」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant