19.

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  Je suis pétrifié, au sens propre : figé sur place telle une statue de pierre. Je ne respire plus. À nouveau, j'ai l'impression que le temps s'est arrêté.

   « J'étais proche... Si proche... »

   L'homme semble aussi surpris que moi. Il ne bouge pas. C'est à qui bougera le premier. Mais même si je le voulais, je ne peux pas. Je n'ai pas d'armes et lui n'a qu'un mouvement à faire pour en finir. J'ai l'impression qu'on se regarde dans les yeux depuis une éternité déjà. Je crois le voir baisser puis redresser la tête dans un mouvement imperceptible. Puis il avance et... passe devant moi. Il ne m'accorde pas un regard de plus et entre comme si de rien n'était. J'attends encore quelques secondes, sans comprendre. Il ne revient pas.

   « Est-ce qu'il me laisse partir ? »

   Je n'ai pas le temps de cogiter plus là-dessus, c'est une chance qui s'offre à moi. Je m'élance sur un chemin en gravier. Dérape, me redresse, repars de plus belle. Devant moi, s'étend une forêt à perte de vue. Je me retourne finalement vers l'endroit où j'ai été pendant si longtemps captif. C'est avec étonnement que je découvre une charmante petite maison. Un peu plus loin se trouve une voiture de couleur noire, à l'arrêt.

   Je continue jusqu'à arriver dans une sorte de petite clairière. Ma respiration se transforme en buée dans l'air froid qui m'entoure. Essoufflé, je m'arrête un moment. Le petit corps semble de plus en plus lourd à mon dos et mes bras faiblissent. Je vois la forêt de tout côté, je ne sais pas quelle direction prendre pour rejoindre la route la plus proche. Dès qu'une voiture passera je lui ferai signe et demanderai à ce qu'on m'emmène à un poste de police. La clé USB dans la poche arrière de mon pantalon sera une preuve irréfutable si on me prend pour un fou.

   Je m'apprête à repartir quand j'entends une voix derrière moi qui m'interpelle.

   — Attends, Mikaïl.

   Je stoppe mon geste et me retourne lentement. Je reconnais cette voix. L'homme à la cigarette. Je le vois s'avancer toujours de son pas bancal vers moi. Il tient une cigarette entre ses doigts. Je sais que s'il me rattrape, il ne me laissera plus partir. Je fais volte-face et recommence à courir pour me réfugier dans la forêt.

   Paw.

   Une puissante détonation retentit dans la clairière et fait s'envoler des nuées d'oiseaux affolés par le bruit. J'entends le croassement des corbeaux est le battement d'ailes des volatiles.

   — Ne doute pas de ma capacité à viser. La prochaine se fichera entre tes deux yeux si tu ne t'arrêtes pas.

   Je sais qu'il en est capable. Je pourrai aisément courir et me mettre à l'abri de son tir, si je n'avais pas Rachel. Mais il est hors de question que je l'abandonne. Pas une seconde fois. Plus jamais. Je ne peux pas supporter l'idée qu'elle reste ici seule dans le froid aux mains de ce monstre. Je me retourne et laisse l'homme s'avancer vers moi. Plus il s'approche et plus mes chances de fuir s'amenuisent. Il range son arme dans son dos. Il sourit.

   — Discutons, Mikaïl.

   — De quoi ? Vous êtes un monstre ! Comment osez-vous sourire alors que je porte une de vos victimes sur mon dos ! Vous méritez tous de crever ! Enfoirés !

   Ma voix est tremblante, rauque. Je hurle.

   — Du calme. Ça ne sert à rien de s'énerver. Dans ce monde, il faut bien qu'on gagne notre vie. Tu sais, Mikaïl... la vie ne vaut pas grand-chose pour certains et la mort encore moins. J'ai simplement donné un sens à leur mort. Ces victimes comme tu les appelles, me rapportent un paquet d'argent. Les vidéos de morts sont très appréciées sur le marché noir. Et tu serais bien surpris en découvrant le nom de certains de mes clients...

𝐋𝐀 𝐂𝐀𝐕𝐄「 ᵗʰʳᶦˡˡᵉʳ 」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant