Chapitre 1 : Heures supplémentaires

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Bonjour, voici le premier chapitre qui introduit les événements à venir dans cette histoire. Elle ne devrait pas être particulièrement longue mais j'espère bien qu'elle vous plaira et qu'elle rendra hommage aux belles amitiés (même si parfois elles peuvent être ambiguës !). Chacun devrait pouvoir avoir la chance d'avoir son Maes HUGHES !

Allez, bonne lecture à tous !

Chapitre 1 : Heures supplémentaires.

Assis dans mon fauteuil, je me surpris à divaguer, en pensant que la plupart des gens imaginaient que les lois de non-fraternisation, qui régissaient l'armée d'Amestris, interdisant les rapprochements entre militaires, n'étaient là que pour dissuader la formation de couples entre hommes et femmes. Quelle naïveté et face à un constat aussi hypocrite, je ne pus réprimer un petit sourire en coin : Les généraux qui avaient pondu ce texte s'étaient complètement fourvoyés et j'étais bien placé pour le savoir...

Pour être honnête, bien sûr, que j'aimais ma femme ! Plus que tout au monde ! Dans le cas inverse, je ne l'aurais jamais épousée et je n'aurais certainement pas fondé une famille avec elle. Je pouvais le déclarer haut et fort, sans aucune honte, ni arrière-pensée : mes enfants et ma bien-aimée demeuraient, à ce jour, ma fierté et ma plus belle réussite, en ce bas monde. Personne ne pourrait me faire dire le contraire. Mais voilà, pour être totalement franc et aller au bout de mon raisonnement, elle n'avait, cependant, pas été ma seule et unique âme-sœur... En effet, autrefois, j'avais connu un autre amour, bien avant elle. Sur cette terre, seuls deux êtres avaient eu, en quelle sorte, le privilège de se disputer cette place de choix dans mon cœur. Peu importait les rumeurs et ragots qu'on pouvait colporter sur mon compte, c'était du vent ! Il n'y en avait eu rien que deux. Il était vrai aussi que je n'avais pas eu à choisir entre l'une ou l'autre : c'était les circonstances, les accidents de la vie, le destin qui l'avaient fait pour moi. En fait, avec du recul, je pouvais me rendre compte que j'avais été lâche et peu courageux, à cette époque. Si j'avais retenu mon premier amour, peut-être aurions-nous été capables de nous battre ensemble pour essayer, là-aussi, de faire bouger les lignes, amener l'Armée et la société à changer dans le bon sens, en montrant l'absurdité de ces lois, si souvent transgressées et fréquemment à l'origine de drames...

Il nous avait fallu attendre l'avènement du Général Grumman, au poste de Généralissime, pour voir, enfin, un certain relâchement dans l'application stricte de ces règles. Cet officier était un homme bon et humaniste qui avait compris, bien avant tout le haut-commandement, que ses directives causaient plus de mal à ses subordonnés qu'elles ne les protégeaient réellement. En ce jour, j'étais fier de marcher dans les pas de cet illustre militaire que j'avais toujours admiré, en dépit d'une certaine excentricité. Il m'avait beaucoup apporté et beaucoup appris durant mes jeunes années. Le Général avait été l'un de mes premiers soutiens lorsqu'il avait compris quelles ambitions dévoraient mon âme.

Cette nuit-là, à mon tour, j'allais participer à mettre un terme à l'un des plus vieux non-sens de l'Armée : en effet, je m'apprêtai à abolir, définitivement, ce texte aberrant qui avait meurtri bon nombre de mes camarades et bien d'autres militaires avant moi. Les dossiers contenant les déclarations officielles d'abrogation étaient soigneusement posés sur mon bureau, face à moi. En faisant tourner mon stylo entre mes doigts, je ne pouvais m'empêcher de penser que si quelqu'un avait eu l'audace de le faire pour nous, il y avait trente ans de ça, peut-être que les choses auraient été bien différentes... Serions-nous encore ensemble aujourd'hui ? Qui aurait pu le dire ?

Chaque jour qui passait, tu me manquais davantage et encore plus, en cette date d'anniversaire. Ce soir, j'avais si froid. J'avais tellement mal en pensant à toi et à tous ceux que tu avais laissé au bord du chemin. En partant aussi brutalement, tu nous avais tous rendu orphelins. Je n'avais de cesse de me demander si tu avais été vraiment conscient du nombre de personnes qui tenaient sincèrement à toi et que tu avais rendues heureuses. Sans aucune prétention, je pouvais me compter parmi ce cercle d'amis proches... Si tu savais comme j'en souffrais encore aujourd'hui. Contrairement à ce que voulait l'adage, le temps n'avait pas apaisé mes blessures, bien au contraire : j'avais tout juste été en mesure d'apprendre à vivre avec et, sans vouloir me plaindre, il y avait des jours où ces dernières me semblaient vraiment trop lourdes à porter. Par chance, mes enfants et mes amis étaient là pour me soutenir ou me pousser vers l'avant, le plus souvent de manière inconsciente. Sur cet aspect, je n'avais véritablement pas changé : en matière de sentiments, je restais une personne peu expansive. Seule ma douce épouse était réellement au courant de la profondeur de ma peine à ton égard. Même si elle savait que nous entretenions des rapports très particuliers, il était impossible pour elle de se douter jusqu'à quel point. Je n'avais jamais eu ni le courage, ni l'honnêteté de lui en parler. Notre relation restait l'un de mes secrets les mieux gardé, encore aujourd'hui, même si pour ma part, il était loin d'être honteux...

Allez, revenons à cette soirée du 5 septembre 1944 ! Le ciel était déjà bien sombre et on sentait qu'il y avait une certaine tension dans l'air. Cet après-midi, l'atmosphère avait été très pesante et l'air presque irrespirable, au Quartier Général de Central. L'orage menaçait. Ce n'était qu'une question de temps, avant que les éléments ne se déchaînent. Pour apposer ma signature sur ces fameux documents, comme tu pouvais t'en douter, je n'avais pas choisi cette date au hasard. A ma manière, je voulais te rendre hommage par un acte fort, concret, qui t'aurait ressemblé et qui allait, j'en étais persuadé (peut-être un peu trop naïvement), changer le visage froid et sans âme de l'Armée. Quoi de plus noble que de reconnaître l'Amour au sein de ses rangs ? Pour l'occasion, je m'étais même servi un verre ou peut-être même deux ? Avais-je vraiment compté ? J'avais réussi à récupérer, en ton honneur, une bouteille de cet inoubliable alcool que nous avions découvert ensemble, malgré nous, à Ishbal. Un véritable tord-boyau ! Mais bon, à quoi bon se mentir puisque j'étais seul ce soir ?

Avant qu'elle ne quitte, pour de bon, le poste de commandement, je m'étais rendu dans l'aile où travaillait ma merveilleuse colonelle. Nous avions bavardé joyeusement, durant quelques minutes, autour d'une tasse de café, dans son bureau, à l'abri des regards indiscrets. Puis, avant de la laisser, je lui avais demandé de ne pas m'attendre pour dîner et d'embrasser affectueusement les enfants pour moi, en la prenant tendrement dans mes bras et en lui déposant un doux baiser sur le front. Je lui avais aussi dit de ne pas s'inquiéter si je rentrai tard car j'avais encore beaucoup de travail à terminer. Mais je savais que ma douce n'était pas dupe et bien qu'elle n'ait rien ajouté, elle m'avait très certainement percé à jour. Elle était si perspicace et si observatrice... Simplement, elle m'avait embrassé, à son tour, et m'avait souri avant de me permettre de partir, en murmurant de prendre soin de moi. Ce qui était beau avec elle, c'était qu'on n'avait pas besoin de se parler pour se comprendre et depuis tout ce temps nous conservions, toujours, l'un envers l'autre, une confiance mutuelle inébranlable, défiant toutes les épreuves de la vie...

Cette fois-ci, j'y étais. Il ne me restait plus qu'à accomplir l'ultime geste et tout serait enfin terminé. Les trois liasses de feuillets composants chaque copie de la loi d'abrogation avaient déjà été, préalablement, datées et paraphées par mes soins. Il ne manquait plus que ma signature, sur la dernière page de chaque exemplaire pour qu'elle devienne officielle ! En y pensant, que de bouleversements résultant de simples bouts de papier ! Même si je n'avais aucun doute quant au bien-fondé de ce texte, je ne pouvais empêcher ma main de trembler, submergé par une certaine émotion, en apposant ainsi mon nom, à l'encre noire, indélébile. J'étais vraiment fier de ce que nous avions été capables d'accomplir grâce au Parlement et à certains de mes hommes. Je posai mon stylo à plume, soulagé, et je continuai à faire distraitement tourner le bouchon entre mes doigts, comme pour évacuer la part de nervosité et de stresse accumulés, depuis ces derniers mois, à cause des très nombreux débats menés autour de ce projet de loi. Certaines confrontations avaient été enflammées voire très virulentes, et rien n'était véritablement gagné d'avance. Mais nous n'avions rien lâché. Nous nous étions battus jusqu'à la dernière ligne droite qu'était le vote par les représentants du peuple. A l'annonce des résultats, la victoire n'avait été que plus belle ! Que de chemin parcouru pour en arriver là...

Perdu dans mes pensées, je ne prêtais plus guère attention au capuchon de mon crayon qui virevoltait allègrement dans ma main. Soudain, sans prévenir, ce dernier s'échappa entre mes doigts et tomba sur le sol feutré de la pièce, en glissant sous mon bureau. Trop pressé de me baisser pour le ramasser et sans doute un peu trop grisé par l'alcool que j'avais ingurgité plus tôt, je heurtai violemment ma tête contre le plateau en bois massif du meuble, aux bords saillants. Sommé mais encore conscient, je portai dans un mouvement réflexe, ma main à mon front, au niveau du point d'impact, situé légèrement au-dessus de mon sourcil droit. Un liquide chaud et collant s'échappait déjà abondamment d'une profonde entaille et coulait à présent dans mon œil. J'eu un vertige suivi d'un haut-le-cœur qui me firent tituber. Ma vue se brouilla et je sentis que je perdais progressivement l'équilibre. J'eus beau tenter de me rattraper au mobilier, mon corps commença à basculer, malgré moi, vers l'avant et je m'étalai sur le sol de toute ma longueur. Une vive douleur enserrait ma tête comme dans un étau. Mes yeux se voilèrent progressivement, me laissant complètement aveugle. Au même moment, mes oreilles se mirent à bourdonner, ne percevant plus aucun son autour de moi, à l'exception de ceux de ma respiration chaotique et des battements un peu trop rapides de mon cœur. Sans que je ne puisse rien faire, je sombrai, petit à petit, dans le néant, incapable de lutter plus longtemps...

Voilà... La suite au prochain épisode ! En espérant avoir quelques commentaires...

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