Chapitre 1

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I – Pièces à conviction

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I – Pièces à conviction

11 avril

« Les Shuriken ne connaissent pas le froid.

Ils traversent les étendues glaciales de l'espace repliés dans leur cocon. Fermés à l'univers, étanches, inertes comme des virus attendant de se reproduire. Des pierres, de la poussière interstellaire – gris comme la poussière, répandus en nuages granuleux comme la poussière... Qui s'en méfierait ? Le froid terrifiant du vide ne peut entamer leur carapace. Pas plus que le brutal embrasement de la décélération lorsqu'ils touchent l'atmosphère d'une planète.

Les Shuriken ne connaissent pas la peur.

Rien ne peut les faire hésiter. Rien ne parvient à les arrêter. Armes ou obstacles passifs, pièges, mines – ils passent. Ils submergent toute résistance. Ils sapent murailles et fondations. Ils démantèlent arsenaux et blindés. Aux premiers temps d'après le contact, à l'heure des découvertes, les militaires préféraient faire sauter leur armement plutôt que de le laisser tomber au pouvoir des Shuriken : précaution typique de soldat. Puis, ils ont compris que c'était inutile. Les Shuriken n'en ont cure. Nos armes seraient pour eux encombrantes, mal appropriées, faibles ; ils ont leurs propres méthodes. Ils nous laissent les nôtres.

Les Shuriken ne connaissent pas la solitude.

Ils naissent et vivent par grappes. On les a comparés à des insectes. Mais ils ne créent pas de colonies stables. Leurs groupes évoluent selon les stratégies du moment. Rationnels, évolutifs, efficaces... Mais isolés, ils ne donnent pas le moindre signe de trouble. Ils poursuivent leur activité quel que soit leur nombre : s'ils étaient en phase d'attaque, le dernier Shuriken continuerait à vous attaquer sans faiblir jusqu'à ce qu'il soit détruit – ou qu'il vous détruise. S'ils étaient en phase de colonisation, un seul serait suffisant pour prendre pied sur une planète. Encore une chose qui les rapproche des insectes : chaque Shuriken est une reine en puissance. Chaque Shuriken peut, à lui seul, recréer un nid. Mais sans cette vie grouillante des abeilles ou des fourmis : on dirait plutôt un champignon qui germe. Un gaz qui se répand. Un système qui se construit : froid, rationnel, mécanique.

Sont-ils seulement vivants ? Quand ils se déploient, ils ressemblent à des machines. « Déployer » : le terme même est ambigu. Un papillon déploie ses ailes ; on déploie un parapluie. C'est cette même ambivalence source de malaise qui émane d'un Shuriken en phase de réveil. Sa carapace se déroule, ses antennes pointent, ses pattes frémissent. S'il est seul – si vous avez eu la folie ou la chance d'isoler un Shuriken – il restera en attente. Comme un dormeur qui hésiterait encore à sortir du sommeil. Il vous observera. Vous verrez ses antennes frémir, ses embryons d'yeux semblables à ceux des crabes osciller doucement au gré de vos mouvements. Vous pourrez le toucher, le caresser, le détruire – il ne réagira pas. Mais tant que vous serez en sa présence, vous sentirez ce déséquilibre, ce malaise, comme un début de nausée – le sourd battement du sang à vos tempes, et la peur, oui, la peur pendant que vous sentirez son esprit palper le vôtre.

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