X – Le point sur les recherches en cours
Le professeur Cheng fit son entrée dans le laboratoire. La rumeur des discussions s'éteignit et tous les visages se tournèrent vers lui. Il fit du regard le tour de la vaste salle : un quadrilatère blanc de dix mètres sur huit, haut de plafond, dans lequel un éclairage impitoyable traquait les moindres ombres. Le long de tous les murs, de vastes paillasses carrelées de blanc, encombrées de matériel d'analyse. Au centre, sur une grande table, une bulle transparente à l'aspect de couveuse, entourée de moniteurs stridulents, évoquait étrangement une salle d'opération.
C'était là qu'était rassemblée la petite foule à présent silencieuse. Le professeur Cheng reconnaissait les aides habituels du professeur Zelmaty, une partie du personnel administratif, emprunté et mal à l'aise dans ce lieu ; ainsi que divers officiels qui suivaient de près les travaux de l'Institut. Au milieu d'eux, la figure longue et glabre du directeur, que le professeur Cheng salua d'un signe discret de la tête : il était bon, en de telles circonstances, que celui qui défendait à l'extérieur les intérêts de l'Institut, et celui qui en incarnait la conscience politique, affichent une union sans faille. Au surplus, le directeur avait plutôt bien fait son travail : Cheng s'en apercevait en reconnaissant les invités rassemblés dans le laboratoire. Il y avait notamment là quelques hauts fonctionnaires influents de la Communication venus de Pékin (Cheng venait de reconnaître une grande femme à l'aspect sévère, qui attendait les bras croisés) et quelques beaux spécimens galonnés venus tout droit de Moscou.
Le professeur Cheng sourit, comme il savait parfois le faire : un sourire engageant, chaleureux, presque une marque de connivence.
« Mesdames et messieurs, commença-t-il, je voudrais vous adresser tous nos remerciements, en mon nom et au nom de l'équipe enseignante que je représente ici, pour avoir bien voulu répondre à l'invitation du directeur de notre Institut, monsieur Jirenkov. »
Il s'interrompit, respira profondément. Il avait l'air d'un hôte faisant les honneurs de sa maison à des invités de marque. Pour quiconque le côtoyait dans la vie de tous les jours, la transformation de Mr Cheng avait quelque chose de fascinant. Tout ce qui était pointes et angles chez lui semblait s'arrondir comme par miracle, depuis le sourire qui adoucissait son visage d'oiseau de proie jusqu'à sa voix, plus ample, plus grave, plus riche d'intonations.
« Et maintenant, permettez-moi de vous présenter l'intervenant principal de ce soir : notre exobiologiste en chef, le professeur Anatoli Nikolaïev. »
Se détachant du groupe, un petit homme en blouse blanche, à l'attitude raide, à l'œil brillant, au sourire un peu crispé, vint se placer à côté de Cheng et fit face à la petite foule, qu'il salua d'une inclinaison du buste.
« Le professeur Nikolaïev, continuait Cheng de la même voix chaude, cordiale, nous vient tout droit de l'Université d'État de Moscou, mais il collabore aussi avec l'agence spatiale russe Roscosmos. Il nous a fait l'amitié de reprendre au pied levé la direction du département placé jusqu'alors sous l'autorité du professeur Elshan Zelmaty, dont la collaboration avec notre Institut a cessé il y a peu. »
Il y eut des remous dans l'assistance, une vague rumeur de murmures. Mr Cheng poursuivait, imperturbable, le visage tourné à présent vers le petit homme debout à ses côtés :
« C'est donc le professeur Nikolaïev qui va nous faire l'honneur de présenter, ce soir, les résultats obtenus au cours de nos derniers mois de recherche sur les Shuriken. »
Cheng fit une dernière fois, du regard, le tour de la salle, s'écarta d'un pas, comme pour laisser le petit homme seul en scène ; en même temps, il ajoutait en russe :
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Shuriken
Science Fiction«J'avais trop de calmants dans le corps pour crier. Ma voix n'était qu'un murmure. Il a penché la tête vers moi pour m'entendre. Je lui ai dit que je ne voulais plus m'enfuir. Que ça n'avait aucun sens. Que nous retrouverions, là-bas, la même chose...