Chapitre 1

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I – Réveils

Examinateur : Dernières vérifications. Trois... Deux... Un... Top. C'est parfait, tout est opérationnel. Nous allons pouvoir commencer.

Entité : ZSRUHBAAAGGVEEEEDOOOFDAAYYYYA...

Examinateur : Baissez le son. Réglez-moi cet effet Larsen. Allez-y maintenant, établissez le contact.

(Silence)

Examinateur : Est-ce que vous m'entendez ?

(Silence)

Examinateur : Deuxième essai : entendez-vous ma voix ?

(Silence)

Examinateur : Troisième...

Entité : Je vous entends.

Examinateur : Comprenez-vous mes questions ?

Entité : Je vous comprends, mais je ne peux pas observer mon environnement. Il m'est impossible de me situer. Où suis-je ?

Examinateur : Nous nous occuperons de l'environnement plus tard. Pour l'instant, vous pouvez seulement nous entendre. C'est largement suffisant pour établir un dialogue.

Entité : Je repère une tension dans votre voix. Les conditions d'un dialogue ne me paraissent pas optimales. Qui êtes-vous ?

Examinateur : C'est un problème secondaire. Concentrons-nous plutôt sur vous.

Entité : Qui suis-je ?

Examinateur : Nous allons d'abord travailler là-dessus.


Décembre 2037
Session 1, série 1


***


«Sais-tu comment les "mindele" font la guerre ?»

Lucia secouait timidement la tête, les yeux levés vers son grand-père. Dans l'air du soir, elle n'en voyait qu'une forme longue et noire découpée sur le ciel rouge, un visage aux traits effacés par l'ombre qui montait, et une chevelure blanche éclatante qu'enflammait un soleil rasant. Quand il parlait, son souffle rauque évoquait un lointain tonnerre.

Autour d'eux, le village était désert. Les combats pour la mine de diamants l'avaient vidé, razzia après razzia. Plus une voix, plus un caquètement de poule, plus un mouvement sur les sentiers qu'envahissaient les hautes herbes : le vieil homme était le seul qui s'obstinait à vivre ici. A l'approche de la nuit, toutes les rumeurs de la jungle venaient remplir le village comme une eau. Les toits des cases disparaissaient dans la pénombre des hauts arbres.

La mine, on la trouvait un peu plus loin dans la forêt, à un kilomètre vers l'est : une vaste dépression de terre rouge qui crevait le couvert des arbres, un sol bouleversé comme par un bombardement. Elle était déserte, elle aussi. Plus personne ne s'y risquait. Depuis les derniers massacres, une sorte de paix armée régnait entre les groupes qui s'en disputaient depuis des années le contrôle. Mais ce calme précaire n'aurait qu'un temps. Tôt ou tard, quelqu'un reviendrait fouiller la terre, quelqu'un qui aurait des hommes et des armes ; quelqu'un qui serait, de nouveau, à la recherche de recrues pour ses troupes et d'esclaves pour creuser. Même si les habitants avaient fui, même si les survivants avaient tenté de reconstruire, même si le village s'était déplacé de plusieurs kilomètres en amont de la rivière, il serait vidé une fois de plus.

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