𝐄𝐅𝐅𝐅𝐄𝐓 𝐏𝐀𝐏𝐈𝐋𝐋𝐎𝐍 - namgi

Chapitre 5

    Je lève les yeux et serre les dents pour ne pas lâcher un grognement. Alors ils ne me laisseront jamais tranquille ? Même après tout ce temps ? Mes doigts se crispent sur mes genoux alors que je baisse la tête par automatisme. Je ne veux pas croiser leur regard, parce que je sais que je m'effondrerai.

    — Sunoo, Yuta, siffle Sehun en se levant pour se placer entre eux et moi.

    Je n'ose pas les regarder ; mes pupilles restent focalisées sur mes doigts tremblants. Le son de leurs voix me paralyse, mon corps est comme figé dans le temps. Pourquoi sont-ils ici ? Ils gâchent encore l'un des seuls endroits où je pouvais vivre en paix.

    Néanmoins, mon cœur se réchauffe un peu quand je vois du coin de l'œil mon meilleur ami faire barrière pour me protéger. Pour ne pas qu'ils me fassent du mal, une nouvelle fois. Ils m'ont déjà assez brisé comme ça.

    — Dégagez d'ici, reprend Sehun en serrant les poings. Je vous interdis de vous approcher de lui.

    J'entends dans sa voix qu'il commence à perdre patience. Il n'en n'a plus rien à faire de passer pour un type violent aux yeux de Seokjin, il n'y a plus que moi dans son esprit.

    — Et pourquoi pas ? fait Sunoo avec un sourire hypocrite. On n'a pas le droit de revoir un ancien ami ?

    Ses mots me donnent envie de vomir. Une première larme roule sur ma joue, et je m'en veux d'être aussi faible. Je ferme les yeux, espérant de tout cœur qu'ils vont sortir du café sans faire d'histoires.

    — Il n'a jamais été votre ami. Maintenant, dégagez.

    — Ou sinon quoi ? glousse Yuta.

    — Ou sinon je vous prends par la peau du cul et je vous jette dehors, grogne une voix derrière eux.

    Je connais cette voix. C'est celle de Namjoon. Malgré moi, un long frisson court le long de ma colonne vertébrale. Toujours figé, j'entrouvre un œil. Je le vois dominer clairement les deux jeunes hommes. Il est nettement plus musclé qu'eux, et son visage est sombre. Il pose sa main sur l'épaule de Yuta, l'air menaçant, et continue d'une voix doucereuse :

    — Maintenant, sortez de mon établissement ou ça ira très mal pour vous.

    Sunoo et Yuta s'empressent de déguerpir, un peu effrayés par la lueur de colère qui brille dans les prunelles du rose. Sehun lâche un soupir, les nerfs à vifs. Je n'ai pas besoin de le regarder pour savoir qu'il est épris par deux émotions ; la colère et la tristesse. Pour ne pas pouvoir me défendre comme il le voudrait, pour ne pas pouvoir faire cesser leurs menaces. Pour être impuissant face à eux, tout simplement.

    Je le vois s'accroupir à mes côtés, mais c'est plus fort que moi, je ne peux plus bouger. C'est comme si j'étais déconnecté de la réalité. Mes ongles se sont enfoncés si fort dans mon jean que je suis certain d'avoir des traces sur la peau de mes cuisses. Mon corps entier est pris de tremblements. Les images ne cessent de défiler devant mes yeux. Je ressens encore la douleur qui fuse dans tout mon corps.

    — Yoongi, Yoongi, répète Sehun en posant sa main sur ma cuisse. C'est fini, ils sont partis. Ils ne sont plus dans le café. Regarde-moi, Yoon'...

    Sa voix se fait suppliante, mais je n'y arrive pas. J'ai honte. Honte de tout ce qu'ils m'ont fait. Je suis sale. Souillé. Je me dégoûte. Comment ai-je pu croire leurs belles paroles ? Comment ai-je pu les laisser faire ce qu'ils ont fait ? J'aurais dû réagir, ce jour-là. Tout est de ma faute. Tout le monde le pense. Alors c'est que cela doit être vrai.

    C'est sûrement pour ça que Taehyung ne veut pas de moi. Après tout, qui voudrait d'un lycéen anciennement harcelé et abusé, hein ? Personne. Je dois sûrement lui faire pitié, après tout, comme tous les autres qui m'approchent.

    — Yoongi, s'il-te-plaît, ne pleure pas. Pas pour des connards comme eux. Je t'en prie...

    Il passe sa main sur ma joue et m'attire contre son torse, avant de me bercer doucement, comme on le ferait avec un enfant. Je referme les yeux. Je ne vois pas Seokjin arriver, visiblement remonté, et essuyant activement ses mains sur un torchon.

    — C'était qui, ces deux petits cons ? crache-t-il, irrité. Et qu'est-ce qu'il a, Joonie ? rajoute-t-il à voix basse dans ma direction. 

    J'entends quelques murmures, et je devine que Namjoon lui raconte ce qui vient de se passer. J'ai tellement honte. Je sens encore ses mains sur ma peau et les mots venimeux qui glissaient sur sa langue.

    — Je vais lui apporter une boisson, j'arrive.

    Seokjin s'éclipse rapidement, faisant voler son tablier dans les airs, laissant le rose devant la table, perdu, et ne sachant pas comment agir.

    Finalement, Namjoon s'approche de nous et pose sa main sur mon crâne avec douceur. Sehun s'éloigne un peu de moi pour laisser le champ libre à notre aîné, qui vient s'installer sur la banquette à mes côtés. Il fait tomber ma tête sur son épaule, et dépose un baiser tendre sur ma tempe, enroulant un bras autour de mes reins, se voulant rassurant au possible :

    — On est là, me souffle-t-il. Tu n'as plus à avoir peur, Yoongi. Respire et regarde-moi.

    Normalement, je l'aurais violemment repoussé. Je ne supporte plus les contacts physiques, à moins qu'ils proviennent de mes amis proches ; et encore. Avec Namjoon... c'est différent. À côté de lui, je me sens en sécurité. C'est comme si mon instinct me soufflait qu'il ne me fera jamais de mal. Et j'ai envie d'y croire.

    Il tourne doucement ma tête vers la sienne et nos yeux se croisent pour ne pas se lâcher. Il colle nos deux fronts ensemble et me sourit avec tendresse, comme si j'étais une des merveilles de ce monde. Mes joues rougissent, et je mordille ma lèvre, le cœur battant à toute allure.

    — Tu vois ? Tu vas mieux. Cale ta respiration à la mienne, ferme les yeux, calme-toi. Allez, fais ce que je te dis.

    Je referme les yeux, me concentrant uniquement sa respiration, et sur rien d'autre. Cela me touche, ce qu'il fait pour moi. Autour de nous, il n'y a plus aucun bruit.

    Seokjin dépose un verre de jus sur la table devant moi, en silence, avant de s'asseoir sur la banquette d'en face, et d'entraîner Sehun à en faire de même. Je sais qu'il rougit, qu'il est content de s'asseoir avec lui mais sur le moment, je suis enfermé dans le noir et mon souffle s'est calqué sur celui du plus vieux.

    Je rouvre les yeux une seconde fois, cette fois-ci en grand. La lumière m'aveugle un petit moment mais, je me réhabitue très vite et je tombe dans les iris de Namjoon, qui ne cesse de me regarder. De nouveau maître de mes esprits, je ne peux m'empêcher de reculer un peu, surpris par notre proximité dont je ne m'étais pas rendu compte, dans notre bulle.

    — Ils... ils étaient là, soufflé-je, la voix brisée. Sehun, qu'est-ce qu'ils faisaient là ?

    — Je ne sais pas, avoue-t-il en baissant ses prunelles.

    — Bois, nous interrompt Seokjin en me désignant le verre du menton. Tu en as besoin.

    — Merci, fais-je en le prenant entre mes doigts, timide.

    L'heure au café se finit avec la présence de la main du serveur à mes côtés sur ma cuisse, et son épaule collée à la mienne.