Chapitre 6

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    Cela fait une semaine que je ne suis pas retourné au café. Je suis terrorisé par le fait d'y trouver Sunoo et Yuta, malgré les présences rassurantes de Namjoon et Sehun. Même celle de Seokjin m'avait calmé, après le passage de mes anciens bourreaux. Mais c'est plus fort que moi, je ne me sentirais plus jamais en sécurité dans cet endroit, sachant qu'ils l'ont découvert.

    Il est tard. Il doit être dans les alentours de vingt-deux heures. Tournant chez moi comme un lion en cage, j'ai décidé de sortir prendre l'air. Et en passant devant la supérette, je n'ai pas pu résister.

    Je pose la bouteille de soju sur le tapis, sortant ma carte bleue de ma poche arrière. La caissière me regarde d'un œil étonné. C'est vrai que je parais plus jeune que mon âge, et sur le coup, ça m'agace énormément. De plus, le soju est un alcool qui se boit en groupe, pas seul. Et certainement pas à un degré aussi élevé.

    — Vous voulez que je vous présente ma carte d'identité ? sifflé-je en la foudroyant du regard.

    Même si je semble plus jeune, je peux paraître très menaçant quand je le veux.

    À vrai dire, je n'ai même pas ma carte d'identité sur moi. Et je suis encore mineur. C'est juste un coup de bluff, que je suis certain de réussir, comme à mon habitude. Finalement, elle baisse les yeux et me demande le montant pour payer la bouteille. Je paye rapidement, attrape la bouteille, et sors du supermarché à pas rapides.

    J'ai besoin d'oublier, ne serait-ce qu'un instant, pour que ma conscience me foute la paix. Pour que Sunoo et Yuta disparaissent de mon esprit pour que je puisse enfin respirer normalement. Pour que mes cicatrices se referment l'espace de quelques heures.

    Je rejoins rapidement le parc et l'endroit tranquille que j'y ai trouvé, des ruines en pierre perdues entre les arbres où personne ne vient jamais. Même si l'automne leur fait perdre des feuilles, je suis toujours aussi bien caché qu'à l'été. Les arbres qui m'entourent sont particulièrement épais. Je m'assois en tailleur sur la pierre polie et débouche la bouteille, avant d'apporter le goulot à mes lèvres. 

    La première gorgée me fait presque gémir de plaisir. Je sens ma gorge se réchauffer, tout comme mon ventre. C'est une sensation délicieuse dont je ne me lasserais jamais.

    Le silence du parc me fait doucement sourire. Les bourdonnements qui habitaient ma tête disparaissent peu à peu. C'est reposant. J'en prends une deuxième gorgée, plus longue que la première, ainsi qu'une troisième, puis je perds le fil. Je glisse de la pierre et m'allonge par terre, l'esprit embrumé.

    Je reste peut-être une demi-heure, une heure ou deux, ou même plus, mais quand je sors de mon état comateux, je m'aperçois qu'il fait presque nuit. Je me rends compte avec quelques secondes de décalage que la bouteille est vide lorsque je l'apporte à mes lèvres. Moi qui ne voulais pas la boire en entier... autant finir, pas vrai ? Je bois le fond en un coup sec, et laisse ma tête basculer en arrière pour observer les étoiles qui commencent doucement à se dessiner dans le ciel.

    C'est magnifique. Taehyung aurait-il aimé ça, si je l'avais amené ici avec moi ? M'aurait-t-il  apprécié un peu plus, à la lumière de la lune ? Peut-être qu'il m'aurait trouvé beau. Peut-être qu'il m'aurait aimé. Peut-être qu'il aurait tellement aimé ce spectacle qu'il y aurait amené Jungkook.

    Espèce de connard.

    Sans même en avoir l'attention, mon bras jette violemment la bouteille au sol et elle se brise au sol en un millions de morceaux de verre, qui reflètent le ciel sombre et les étoiles. Et si... je le faisais ? Rien qu'une fois ? Juste, juste une fois ? Rouvrir une simple cicatrice ?

    Non, je ne peux pas, Sehun m'a fait promettre de ne pas recommencer. Mais j'ai tellement mal, mes poignets me grattent si fort ! Mes veines me brûlent, j'ai mal à la tête et j'ai envie d'extérioriser tout ça, parce que j'ai l'impression de devenir fou.

    — Yoongi ? Qu'est-ce que tu fais là ?

    Mes doigts s'arrêtent à quelques centimètres du premier bout de verre, et je me redresse, les sourcils froncés. Comme pris sur le point de faire une grosse bêtise. Ce que, effectivement, j'allais faire.

    Je connais cette voix. Je vois un peu flou, mais ce n'est qu'un détail. Un faible détail qui disparaît bien vite de mon esprit.

    — J-je... qui est là ? bégayé-je comme je le peux malgré l'alcool dans mon sang.

    — Qu'est-ce que tu fais par terre ? Et c'est quoi cette bouteille cassée, au sol ?

    Un éclair rose traverse ma vision et j'aperçois Namjoon s'accroupir devant moi en faisant attention aux bouts de verre. Namjoon ? Est-ce que c'est vraiment lui ou il n'est qu'une apparition de mon esprit ? Il me dévisage de ses yeux écorces, surpris de ma présence solitaire en plein parc, de nuit, avec un cadavre de bouteille aux pieds, et un morceau de verre trop proche de mes doigts. Doucement, il me relève :

    — Tu ne l'as pas cassé pour rien, pas vrai ?

    Je baisse la tête. Tout tourne autour de moi, et rapidement j'ai envie de vomir. Qui s'amuse à me faire tourner comme ça ? C'est vraiment pas drôle. Je finis par rendre mes tripes sur le sol, à genoux, après m'être évidemment tourné pour que le serveur n'assiste pas à ça.

    Bon dieu, je suis si pitoyable.

    J'éclate en sanglots, manquant de tomber, alors que Namjoon a dû me lâcher le bras pour que je puisse rendre de la bile en tout quiétude. J'en peux plus. Je suis à bout. Et je ne parle pas seulement de l'alcool et de mon mal de gorge.

    Des bras viennent me coller contre un torse, et un menton se pose sur le haut de mon crâne. Je dois probablement lui faire pitié, c'est pour ça qu'il me console. Pourquoi est-ce qu'il me consolerait, sinon ?

    Soudainement, je décolle du sol et je me retrouve dans ses bras, porté comme le ferait un prince pour une princesse. Mais je ne suis pas une princesse, et lui pas un prince. Et on n'est pas non plus amoureux. Taehyung doit sûrement porter Jungkook porter comme ça. Ils sont tellement beaux ensemble...

    Je les déteste.

    — Doucement, ça va aller, murmure le jeune homme en me portant en dehors du parc. On va aller chez moi, d'accord ? Je suis pas sûr que tes parents veuillent te voir dans cet état. Tu veux appeler Sehun ?

    Mes parents ? De quels parents parle-t-il ?

    Je reste surpris quand Namjoon me soulève comme si je pesais le même poids qu'une plume. Non, je ne devrais pas être surpris, il est un tas de muscles.

    — Non, soufflé-je. Il va me détester.

    Il va me détester. Il me détestera, comme tous les autres parce que merde, qui est capable de m'aimer sachant que je suis moi ? Si je n'étais pas moi, tout irait bien. Tout se passerait bien mieux.

    — Pourquoi il te détesterait ? Tu es à bout. Ça se comprend. Endors-toi, Yoongi, tu es en sécurité maintenant.

    Mon sauveur.

𝐄𝐅𝐅𝐅𝐄𝐓 𝐏𝐀𝐏𝐈𝐋𝐋𝐎𝐍 - namgiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant