𝐄𝐅𝐅𝐅𝐄𝐓 𝐏𝐀𝐏𝐈𝐋𝐋𝐎𝐍 - namgi

Chapitre 26

    Le repas se passe tranquillement. J'en ai énormément appris sur Namjoon. Déjà, il adore les films romantiques, ceux à l'eau de rose, qui d'habitude m'endorment plus qu'autre chose, et déteste les films d'horreur. Il est très tactile, ce qui n'est pas pour me déplaire, et a d'ailleurs gardé sa main sur la mienne pendant tout le repas, quand une fille est venue me draguer lourdement.

    Il est fils unique, et n'a plus que sa mère, qu'il surprotège. Il va en moyenne la voir deux fois par semaine, et en profite pour faire son ménage et ses courses, même si elle proteste à chaque fois. Il a perdu son père dans un accident de voiture, mais ne s'en souvient pas vraiment comme il était assez petit. De mon côté, je lui ai parlé de l'absence de mes géniteurs et de la solitude qui en découlait. C'est à ce moment qu'il m'a dit que Seokjin et lui-même se ferait une joie de m'accueillir, les jours où je me sentirais trop seul.

    Je lui ai avoué que je tirais un peu trop sur la bouteille, et que tout cela avait commencé avec mon amour à sens unique pour Taehyung. L'alcool, le tabac... quoique, non, j'ai commencé à fumer avant Taehyung. Namjoon m'a fait jurer d'arrêter en me prenant par les sentiments, et j'ai failli sangloter en mangeant mes pâtes à la carbonara. J'aurais aimé que, comme dans La Belle et le Clochard, on partage une assiette de pâtes et qu'on finisse par s'embrasser. J'aurais incarné le Clochard, bien entendu.

    Pourtant, même si je me sens en totale confiance avec lui, je n'ai pas eu envie de lui raconter mon épisode sur le pont. Seul Sehun le sait, et c'est très bien comme ça. En y pensant, j'aurais presque envie de me gifler. Si j'avais sauté de ce pont comme je prévoyais de le faire et que je n'avais pas envoyé de message à mon meilleur ami, je n'aurais jamais rencontré le serveur. Je serais passé à côté d'une personne incroyable.

    Non, Namjoon est plus que ça. J'ai l'impression de briller, quand il me regarde. Il me surestime beaucoup trop, à mon avis.

    Alors que nous discutons sans vraiment nous soucier des autres clients, qui font exactement la même chose de leur côté, je vois un jeune homme s'approcher, un type hideux qui nous regarde de loin depuis qu'il est arrivé. Il a la peau bronzée, les yeux ronds, et des cheveux aussi rouges que le sang. Bon, j'exagère un peu, il n'est pas hideux, il est magnifique, mais j'ai l'espoir que Namjoon le trouve hideux.

    À côté de lui, c'est moi qui suis hideux, avec ma peau trop blanche, les quelques mèches grises qui apparaissent dans mes cheveux à cause du stress et de la tristesse, mes cernes trop marquées qui se voient même avec le maquillage, mes yeux trop petits... non, je ne suis pas beau.

    Les yeux du nouveau venu s'attardent très peu de temps sur nos doigts toujours liés, et appuie ses deux mains sur la table, dardant ses yeux charmeurs sur le coloré. Et, de ce que je peux voir, Namjoon ne semble pas le trouver hideux.

    — Salut, fait doucement l'inconnu avec un sourire. Je m'appelle Esteban. Comment tu t'appelles ?

    Je le déteste. Je retire mes doigts des siens, et prends une gorgée de mon thé noir, me recroquevillant sur ma chaise. Comment est-ce que j'ai pu penser que je l'intéressais vraiment ? Évidemment qu'il va préférer ce Esteban à moi. Il est magnifique, et n'est pas aussi chétif que moi.

    Mes pensées si noires me donnent les larmes aux yeux, et je serre les dents pour ne pas éclater en sanglots douloureux. Ma gorge me brûle, et j'ai mal à la gorge. Esteban est tellement mieux que moi.

    — Namjoon, répond-il finalement. Écoute, je dîne avec mon copain, donc je trouve ça vraiment déplacé que tu viennes me draguer. Maintenant, si tu veux, je te propose de retourner à ta table et de nous laisser tranquille, ou sinon je me lève. Et je te jure que tu ne veux pas que je me lève.

    Sa voix est froide. Je ne l'ai jamais entendue si menaçante, si ce n'est le jour où il a dégagé Yuta et Sunoo. Je relève mes yeux larmoyants vers lui, et constate que son regard est noir, d'une teinte différente de lorsqu'il me regarde. Esteban est devenu blême, et après s'être vaguement excusé, retourne à sa table, et plonge son regard dans son assiette.

     À nouveau, Namjoon vient lier nos doigts, et me glisse d'une voix douce :

    — Yoongi, tu as vraiment pensé que je cautionnais le comportement de ce type ?

    — J'ai cru que... enfin, c'était stupide. Je suis désolé.

    Je baisse la tête, et je me sens encore plus mal, parce que j'ai douté de lui. Mon cœur se serre alors qu'une petite voix dans ma tête m'assure que le plus âgé serait mieux avec l'autre qu'avec moi.

    — Ne t'excuse pas, j'ai trouvé ta jalousie très mignonne. Même si tu t'es sûrement mis des pensées mauvaises dans la tête. Écoute, mon ange, c'est toi qui me plait, pas quelqu'un d'autre. Je te le répéterais tous les jours, si tu ne me crois pas.

    Mon ange. La première fois, je n'ai pas relevé ce surnom, étant donné que nous étions dans notre bulle et que cela sonnait comme normal à mes oreilles. Mais là, je ne peux m'empêcher de rosir, et encore plus sous son regard tendre. Il serre mes doigts dans les siens, et apporte ma main à ses lèvres, avant de poser un baiser sur son dos.

    — Je ne t'abandonnerais pas, d'accord ? Je tiens trop à toi pour partir.

    — Je te fais confiance.

    Ses yeux s'écartent, alors que sa moue s'éclaire. Oui, je lui fais confiance. Il est désormais l'une des personnes à qui j'accorde ma confiance, et seul moi sait qu'il n'y en n'a pas beaucoup. Elles se comptent même sur les doigts d'une main.

    Nous finissons par sortir du restaurant, après nous être battus pour payer l'addition. Finalement, c'est le serveur qui l'a fait, me faisant maugréer, et lui le faisant rire. Le trajet en voiture se fait sous les chants sonnant faux, et sous les rires.

    C'est désormais le temps pour moi de rentrer à la maison. Elle me paraît même effrayante, aussi sombre et aussi silencieuse. Namjoon me reconduit jusqu'à la porte, paraissant un peu mal à l'aise.

    — J'ai passé une super bonne soirée avec toi, Yoongi, me dit-il alors que je me tourne vers lui. Est-ce que tu... m'autoriserais à faire quelque chose ?

    Je hoche la tête. Avec douceur, il se rapproche de moi, et prend mon visage en coupe entre ses deux grandes mains. Son souffle se répercute sur ma joue, et son regard fait des aller-retours entre mes lèvres et mes yeux. Puis, avec lenteur, il pose un baiser simple, mais pourtant rempli de sentiments et de sensations, sur mes croissants de chaire. Mon cœur rate un battement, et je pousse un soupir quand il se recule, avec un sourire sincère, et les yeux scintillants dans la nuit.

    — Passe une bonne nuit, mon ange.