Chapitre 4

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"Jeen, tu m'entends ? Jeen ! Ça va ? Je suis désolé, je ne t'avais pas vu ! Réponds-moi !"

Il semblait paniqué. Ça m'a fait doucement rigoler. Mais mon rire a entraîné une fulgurante décharge dans mon nez, je me suis tout de suite stoppée et j'ai approché mes mains au niveau de la zone douloureuse. Je saignais et ça faisait super mal. 

"Merde, si ça se trouve, je t'ai cassé le nez, comment tu vas faire ?" 

Il continuait à débiter un flot de paroles bien trop conséquent pour moi, alors j'ai arrêté de l'écouter. J'ai redressé la tête pour pouvoir le regarder en face et, encore un peu sonnée, la seule chose que j'ai trouvé à dire c'est :

"Pourquoi tu parles espagnol ?" 

J'ai envie de me claquer. J'aurais pu faire bien d'autres choses, comme m'énerver qu'il m'ait mis la porte dans la tronche ou je ne sais quoi d'autres. Tout sauf ça. Néanmoins, avec ma question, Liam a arrêté de parler. Il me regarde d'un air étonné. Passer les quelques secondes d'étonnement, il m'a dit :

"Ma mère est espagnole. Mais ce n'est pas la question. Viens, il faut vite t'emmener à l'infirmerie pour que l'on puiss..."

Et voilà, il était repartis. Je me demandais même comment c'était humainement possible de sortir autant de mots à la seconde. Ainsi, il avait des origines espagnoles. C'est sans doute pour ça qu'il était si actif tout le temps. C'est quand même étonnant, il est arrivé aujourd'hui et j'ai bien plus d'interférences avec lui qu'avec certaines personnes avec lesquels je suis en cours depuis toujours.   

Je me lève et le suis jusqu'à l'infirmerie. Sur le chemin, il continue de parler sans relâche. Il est beaucoup trop bavard. Une fois arrivés, l'infirmière me dit que je n'ai pas grand-chose, que mon nez n'est pas cassé, qu'il faut que je mette de la glace dessus et que je vais sûrement avoir un bel hématome. En repartant, Liam me propose de me raccompagner jusque chez moi. 

"Ça va aller, c'est pas loin. 

-J'insiste, c'est moins qui t'est mis dans cet état donc je veux vraiment te raccompagner pour m'assurer que tu arrives jusqu'à chez toi saine et sauve." 

Je soupire et je lui souffle un "si tu veux"

On monte les escaliers qui mènent directement aux étages des habitations à partir du couloir principal sous le regard des étudiants résidents. Je pense que, dès demain, des rumeurs vont se répandre plus vite qu'une traînée de poudre. 

Étrangement, pendant tout le chemin, il n'a pas dit un mot. Une fois arrivé, j'allais le saluer pour rentrer chez moi mais il m'a devancé :

"Ah ! c'est rigolo, j'habite juste en face" en me pointant une porte qui se trouvait de l'autre côté du couloir. Effectivement, nous étions voisins. Il continue :

"Je voulais encore m'excuser pour ton nez. Je ne t'avais pas vu, il faut que j'aille  moins vite dans les couloirs. Mais je voul... Non, attends. Je vais encore m'étaler et je pense que ce ne serait pas utile. D'ailleurs, désolé de t'avoir assommé avec mes bavardages incessants, je parle beaucoup quand je suis stressé, et là, je t'avoue que j'étais bien stressé. Bref, avant que je ne m'étale encore plus, saches que je suis là. À plus tard" 

Et il est parti. J'ai même pas eu le temps de le remercier. Tant pis. Je rentre également chez moi. J'ouvre le freezer pour trouver de la glace à mettre sur mon nez quand je me rend compte que, du coup, avec tous ces événements, je n'ai même pas mangé, et que mon assiette doit encore être sur une des tables de la cafet. Tant pis, je mangerais demain. 

Pendant deux bonnes heures, je me concentre sur le ménage de mon appartement pour me vider la tête. Il n'était pas très sale mais j'essaie de trouver un moyen de ne pas penser à cette journée, trop intense pour moi. Je n'ai pas l'habitude d'autant d'agitation. Normalement, je vais courir le matin, je vais en cours, j'écoute pas en cours, puis je rentre chez moi, je travaille et je vais me coucher sans plus. Je n'ai pas une vie passionnante, je n'ai pas vraiment d'amis, je ne sors pratiquement pas mais ça me convient bien comme elle est. 

Depuis une heure, j'essaie de lire un texte qui nous a été donné en cours mais mes pensées n'arrêtent pas de divaguer. De plus, chez mon voisin, une fête a commencé, normal, on est jeudi soir, les étudiants sortent et font la fête, mais du coup, impossible de rester concentrée. Et puis je repense au garçon qui a chamboulé ma journée, à ses yeux froids mais si magnifiques, à son sourire charmeur, ses dents blanches et bien alignées, à ses cheveux bruns en bataille dans lesquels on a envie de passer la main pour les remettre en place. Alors, oui, il est beau, et non, il ne me laisse pas indifférente, mais je crois que c'est également le cas de toutes les filles qui peuvent croiser sa route. Mais je ne pense pas qu'il s'intéresserait à moi. Je secoue la tête pour éloigner toutes ces pensées de moi. Pourquoi je me fais des films comme ça ? On se connaît à peine, j'ai dû, en tout et pour tout lui dire trois mots et de toute façon, je ne peux m'attacher à personne. Donc la question est réglée. 

Je pars prendre les somnifères prescrits par mon médecin. D'habitude, j'arrive à m'endormir sans mais avec le volume élevé de la musique, je pense que si je n'ai  pas un peu d'aide, je ne dormirais jamais. 

La lune et ses étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant