Chapitre 3

36 3 0
                                    


La lune se glissa au-delà de l'horizon, à la poursuite du soleil, tandis que ce dernier se levait de son coté, espérant lui aussi rattraper son amante.

Les sanglots se faisaient moins nombreux dans la petite chambre aux "Douceurs d'Armella". Altéa avait pleurer toute la nuit et il semblait bien que son corps eût épuisé ses réserves de larmes. Alors que ses pleurs se faisaient plus rares, son cœur lui aussi semblait se tarir et se vider, et sa souffrance devenait plus froide, plus passive.

Au petit matin, Armella se pencha sur elle et, tout en douceur, repoussa les cheveux que les sanglots de la nuit avaient collés à son visage.

"Tu devrais rentrer te reposer. Nous allons nous occuper d'Acquila.", lui dit-elle.

Altéa accepta en silence, elle se sentait terriblement fatiguée. Elle lâcha la main de sa mère à contrecœur et, après un dernier regard sur son visage blanc comme un linge qui semblait étrangement plus apaisé qu'elle ne l'avait jamais été au cours de la dernière année, elle quitta la petite chambre en se trainant de fatigue. Armella la regarda sortir épuisée de la chambre, une douceur infinie dans les yeux et le cœur lourd.

Le reste du trajet jusque chez elle ne fût qu'un mélange brouillon de sons, de formes, de couleurs et d'odeurs indistinctes. Elle s'écroula sur le lit et sombra aussitôt dans un sommeil sans rêves.

Elle se réveilla plusieurs heures plus tard, toujours fatiguée. Il lui fallût du temps avant que les brumes du sommeil ne se dispersent et que les souvenirs ne ressurgissent. Lorsqu'elle se rappela enfin du corps inerte de sa mère sous les fines couvertures, elle plongea la tête dans ses bras et pleura en silence quelques minutes.

Elle finit par se lever et se rendit aussitôt aux "Douceurs d'Armella" sans prendre le temps de manger. De toute façon, il ne restait en guise de nourriture que des vieux bouts de pain rassis qui trainaient sur la table.

La grande salle était toujours vide, mais les ténèbres étaient absentes cette fois-ci. Le soleil caractéristique du sud perçait à travers les fenêtres et éclairait la salle, ses rayons réchauffant le vieux bois des tables et des chaises. Altéa traversa la salle et sortit par une porte à l'arrière qui donnait sur la cour.

Là, elle trouva Armella ainsi que les six femmes de la veille, la totalité du personnel des "Douceurs d'Armella", réunis autour d'une caisse en bois dont le couvercle avait été grossièrement clouté.

Devant le cercueil se trouvait un petit carré d'herbe comportant trois amas de pierre superposées.

Les employés des "Douceurs d'Armella" se considéraient comme une petite famille et il était donc coutumier d'enterrer le personnel décédé à cet endroit, les cimetières officiels d'Hazel étant soit trop pleins, soit trop couteux. De toute façon, les Camora se succédaient au pouvoir depuis des générations et les problèmes des bas-quartiers n'avaient jamais été une de leurs préoccupations, si bien que chacun devait s'occuper de ses morts à sa façon. Il n'était pas rare d'enterrer ses proches sur sa propriété. Tout bien considéré, ce n'était pas un mauvais endroit pour une sépulture. Le soleil brillait toute l'année sur la cour et de jolies fleurs poussaient autour du carré d'herbe sous lequel reposaient déjà trois autres personnes. De plus, l'endroit était toujours plein de vie et de nombreuses personnes passaient devant ces tombes chaque jour.

Un trou fraichement creusé attendait là, dernière demeure terrestre qu'occuperait Acquila Masrim. Juste à côté, un seau de bois était posé sur l'herbe, de nombreux vers grouillaient à l'intérieur, formant un petit amas visqueux.

"Nous t'attendions pour commencer.", lui dit Armella lorsqu'elle les eût rejoints.

La cérémonie fût tout ce qu'il y avait de plus simple. Armella prononça un discours, vantant les mérites d'Acquila, son honnêteté, sa bienveillance et son amour sans limite pour Altéa. Les six autres femmes prononcèrent également quelques mots, certaines se contentant de faire leurs adieux, d'autres racontant des anecdotes qu'elles avaient partagées avec elle.

Chasse Le Soleil, Traqué Par La LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant