Chasse Le Soleil, Traqué Par La Lune

Chapitre 32

Une violente secousse fit trembler la caverne du Cœur de la Montagne avant de se répercuter partout dans les Monts Scintillants. Tout tremblait, de la plus profonde caverne au plus haut sommet. À l'extérieur, l'affrontement qui faisait rage entre Kraosi et Sombrals fût interrompu par les secousses qui ravageaient le sol. Les Lances de Lumière cessèrent d'émettre leurs détonations cataclysmiques tandis que tous tournaient la tête en direction des Monts Scintillants qui tremblaient violemment et produisaient des craquements assourdissants, de nombreuses pierres se déchaussant de leurs emplacements pour venir rouler le long des pentes abruptes tels des rats fuyant le navire.

À l'intérieur de la caverne du Cœur de la Montagne, Altéa Masrim était enveloppé d'une bourrasque d'air brulante qui faisait virevolter et claquer au vent sa longue natte de cheveux noirs dans son dos. Ses yeux, habituellement d'un bleu de glace, ressemblaient désormais à ceux des Sombrals, comme si deux soleils s'étaient logés dans leurs orbites. Les chuchotements des Amants qui, quelques secondes auparavant l'incitaient à agir, émettaient désormais des sons jubilatoires qu'un humain n'aurait su produire et la colère de L'Ouvrier pouvait se faire ressentir depuis la Pierre noire comme la nuit qui enchâssait le Cœur de la Montagne et commençait déjà à se lézarder tandis que la Lumière contenue dans la Pierre Stellaire gigantesque, aussi claire que du cristal, s'agitait et se rebellait contre les entraves de L'Ouvrier.

Sarge, qui était parvenu à la hauteur de la jeune femme, tenta de l'atteindre de la main mais rétracta bien vite cette dernière en sentant la chaleur épouvantable qui l'enveloppait.

"Altéa, arrête !", lui cria Sarge, sans succès. La jeune femme arborait un sourire extatique qui laissait deviner aisément l'état second dans lequel elle se trouvait.

Depuis le Cœur de la Montagne, des rubans de lumière sinueux semblaient glisser sous la peau de sa main et s'immiscer dans son corps, effectuant une rotation cyclique avant de revenir à nouveau au Cœur de la Montagne. La gigantesque Pierre Stellaire émettait des pulsations assourdissantes, comme les battements d'un cœur disproportionné, qui faisaient éclater un peu plus à chaque fois la Pierre noire de L'Ouvrier qui enveloppait sa base et se couvrait progressivement de lézardes.

Contre son oreille, Sarge entendit soudain la voix de L'Ouvrier :

"Les Amants ont atteints leur objectif, les Monts Scintillants sont condamnés.", sa voix, d'ordinaire impérieuse et fière, semblait désormais plus faible, plus ténue.

"Non ! Il doit bien y avoir quelque chose que je peux faire ! Je ferais n'importe quoi !", lui répondit Sarge, abattu.

"La Lumière est libérée, il n'y a rien que tu puisses faire à ce sujet. Ne te le reproches pas, tu as fait tout ce que tu as pu. En revanche, il t'est encore possible de nuire à l'accomplissement de tous leurs objectifs. Puise dans la bonté qui est en toi, dans ta faculté à pardonner...", sa phrase s'arrêta net sur ces mots. La Pierre noire qui enchâssait le Cœur de la Montagne vola en éclats sous l'action d'une ultime pulsation.

Le Cœur de la Montagne s'alluma soudainement et brilla d'un éclat insoutenable qui envahit toute la caverne. La gigantesque Pierre de Lumière, désormais libérée de ses entraves, s'arracha doucement du sol pour s'élever dans les airs tandis que les pulsations qu'elle émettait s'accéléraient et se muaient en un vrombissement assourdissant.

Alors que la gigantesque pierre s'élevait dans la caverne, Altéa en fit de même et ses pieds quittèrent le sol, la bourrasque brulante qui l'enveloppait s'intensifiant tandis que ses longs cheveux noirs claquaient violemment au vent.

"Hahahahahahaha !!", des lèvres roses et douces que Sarge avait pris l'habitude d'admirer discrètement s'écoula un rire clair empli d'une joie sans égale. La Lumière qui parcourait le corps de la jeune femme lui procurait une extase et une euphorie qu'elle était incapable de réprimer plus longtemps. Des lignes de Lumière blanche se dessinaient désormais sous la surface de sa peau, formant des symboles ésotériques qui se déplaçaient le long de ses membres et de son visage, disparaissant par moments sous les plis de la longue cape noire qu'elle portait avant de ressurgir autre part.