Chapitre 6

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L'air était humide sous le couvert des arbres et des relents de moisissure lui provenaient de tous les côtés.

Bien qu'il ait peu réfléchi à cette décision de déserter l'armée, Sarge avait tout de même un plan en tête. Il comptait longer la bordure extérieure de La Ceinture Fangeuse afin de remonter vers le nord et arriver à proximité de Karano, la capitale Kraosi, avant de se diriger ensuite vers l'Ouest pour rejoindre le domicile familial. Une fois là-bas, il travaillerait surement aux champs avec son père, avant de lui reprendre la ferme après quelques années, effaçant par le labeur les souvenirs du charnier auquel il avait assisté.

Alors qu'il avançait sous le plafond de branches ternes qui occultaient avec une aisance surprenante la lumière de Kraos, Sarge repensait à la terrible arme mise au point par les Encapés. D'où cette arme tirait-elle son pouvoir ? Des Pierres de Lumière ? Mais il n'avait jamais entendu parler de Pierres de Lumière capable de provoquer une telle destruction. Certes, elles pouvaient accorder aux Porteurs de Lumière des pouvoirs défiant l'imagination, mais penser qu'elles permettraient de décimer un bataillon ennemi aussi rapidement et avec autant de violence était ridicule. Et pourtant, c'était bien des Pierres de Lumières que les encapés transportaient dans leurs sacs en toiles et que Sarge les avait vu verser dans la gueule de la machine avant d'effectuer leurs expérimentations.

Tandis que Sarge se posait ces questions, il continuait de progresser sur le sol marécageux de La Ceinture Fangeuse, suffisamment loin de la bordure extérieure de la forêt pour ne pas être vu de l'extérieur tout en prenant bien soin d'avoir toujours à portée de vue les petites fenêtres de lumière qui perçaient les arbres et indiquaient la sortie de la forêt.

Alors que Sarge se demandait ce que penserait son père en découvrant son fils sur le pas de sa porte alors qu'il aurait dû servir dans l'armée encore quelques années, il crût entendre un grognement sourd provenant de derrière un amas d'arbres sur sa droite. Son cœur bondit aussitôt dans sa poitrine et Sarge s'arrêta quelques instants, retenant sa respiration.

Au silence ne répondirent que les craquements des branches que le vent faisait danser et quelques rares chants d'oiseaux. Sarge s'autorisa à nouveau à respirer et reprit son chemin, se demandant bien malgré lui s'il n'était pas trop tard pour retrouver son bataillon. Peut-être n'avaient-ils pas encore remarqué son absence ? Peut-être lui pardonneraient-ils dans tous les cas en voyant qu'il avait changé d'avis ?

Alors qu'il n'avait fait que quelques pas, il entendit de nouveau le grognement. Cette fois il en était sure, quelque chose sur sa droite produisait ces sons. Sarge s'arrêta à nouveau.

Le grognement se répéta et il se rendit compte qu'il n'avait pas l'air menaçant. Il ressemblait plutôt à une supplique, à l'appel à l'aide d'une bête blessée et acculée.

Sarge jeta un coup d'œil sur sa gauche. D'ici, il pouvait toujours distinguer l'orée de la forêt, mais s'il s'enfonçait plus profondément pour chercher la source de ces grognements, il la perdrait probablement de vue.

"Ne perdez jamais de vue la sortie, où vous ne quitterez plus jamais cet endroit.", c'était les conseils que l'on offrait au sein de l'armée à quiconque devait effectuer une mission autour de La Ceinture Fangeuse et risquait donc de devoir s'y aventurer.

Sarge se remémorait les conseils qu'on lui avait prodigué au sujet de la Ceinture Fangeuse, hésitant, lorsque le grognement s'éleva à nouveau. Il semblait plus désespéré, pour autant que puisse l'être un grognement animal.

Repensant au massacre de la cavalerie Aleyenne auquel il avait assisté un peu plus tôt, il se décida finalement à s'enfoncer plus profondément dans la forêt afin de découvrir la source de ces grognements.

Chasse Le Soleil, Traqué Par La LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant