Chapitre 9

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Le Vieux-Port était le quartier le plus malfamé de Valash. Ce n'est pas pour rien que les Enfants-Pêcheurs y avaient établis leur quartier général. Ici, les femmes étaient fournisseuses de plaisirs et les hommes étaient des voleurs, des mercenaires ou des gangsters. Les Enfants-Pêcheurs se décrivaient eux-mêmes comme des survivants, mais leur activité comptait aussi bien les arnaques aux touristes et étrangers que les vols et les petits boulots de protection personnelle, et cette dernière activité était bien souvent une excuse pour pratiquer les premières. Ils étaient nombreux et rien ne se passait jamais à Valash sans qu'ils n'en aient entendu parler.

Altéa marchait en compagnie de Niro et Fass dans les rues du Vieux-Port. Niro ne cessait de mâchonner sa lèvre inférieure et de jouer nerveusement avec les plis de sa longue cape noire tandis que Fass, totalement décontracté, leur parlait de Valash et de son histoire.

"Tu dois te relaxer Niro.", dit-il au jeune Porteur de Lumière, "Si tu continues de te comporter comme quelqu'un luttant contre une terrible envie de chier, tu vas effrayer notre poisson."

"Votre plan ne fonctionnera jamais, je n'arrête pas de le répéter !", grommela Niro.

"Le Vieux-Port est mon territoire. J'ai des gars qui nous suivent et surveillent les alentours. Si ce Porteur de Lumière agit comme on l'a prévu et qu'il tente de s'en prendre à vous, alors on s'occupera de lui et ton maitre nous récompensera grassement."

"Même si, par miracle, votre plan fonctionnait, mon maitre ne cèderait jamais à votre chantage."

"Alors nous vous garderons ici jusqu'à ce que nos efforts soient récompensés.", répondit Fass avec un sourire édenté agrémenté d'un clin d'œil.

Altéa restait silencieuse. Elle avait bien compris que négocier avec Fass était inutile, il exécuterait son plan comme il l'avait prévu malgré toutes les protestations de Niro. De plus, elle était persuadée que Niro surestimait grandement les capacités de ce Porteur de Lumière. Une vingtaine d'Enfants-Pêcheurs étaient postés dans les rues alentour et elle imaginait difficilement qu'un seul homme puisse tous les affronter.

Elle observait L'Ouvrier qui se tenait fièrement aux abords de la ville, un escalier de pierre interminable grimpant sur ses côtes avant de pénétrer dans son ventre.

"L'Ouvrier est impressionnant, pas vrai ?", lui dit Fass en la voyant scruter la montagne, "Je vis ici depuis toujours et il m'arrive encore de m'extasier en l'observant, surtout au crépuscule et à l'aube, lorsque Kraos et Aleya passent derrière ses épaules et illuminent sa tête d'une auréole dorée ou argentée."

"Tu ne ressens jamais de honte à effectuer tes activités malhonnêtes sous le nez de L'Ouvrier ?", demanda-t-elle.

"De la honte ? Pourquoi devrais-je en ressentir ?"

"L'Ouvrier encourage les gens à travailler fièrement et avec acharnement. Il offre le travail comme médication aux tourments de l'âme.", dit-elle en le regardant dans les yeux.

"Et ? J'exerce mon métier avec fierté et acharnement."

"Mais pas honnêtement."

"Qu'est-ce qu'un métier honnête exactement ? Celui du Porteur de Lumière qui vous pourchasse, peut-être ? Ou bien celui des soldats qui rentrent brisés du front de guerre, se saoulant pour oublier où revivre leurs heures de gloire passées ? Ou peut-être le tien, celui que tu exerçais à Hazel ? Tu possèdes la même odeur singulière que les Enfants-Pêcheurs, la même lueur de hargne au fond des yeux que ceux qui se sont battus pour survivre."

Altéa serra les dents. Il avait raison, elle avait volé et escroqué nombre d'inconnus lorsqu'elle vivait à Hazel, mais au moins ne l'avait-elle pas fait au nez et à la barbe de L'Ouvrier.

Chasse Le Soleil, Traqué Par La LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant