Chasse Le Soleil, Traqué Par La Lune

Chapitre 18

Cela faisait déjà plusieurs jours que Sarge marchait sous la voute des arbres ternes de La Ceinture Fangeuse. Il avait d'abord pensé pouvoir quitter la forêt rapidement, calculant qu'il arriverait sur le territoire de Kraos en quelques jours, mais c'était sans compter sur le sol marécageux qui transformait chaque pas en épreuve et la faune terrifiante qui peuplait cet endroit.

Une journée à peine après avoir quitté les Monts Scintillants, il avait fait une rencontre terrifiante qui lui avait fait prendre pleinement conscience des raisons pour lesquelles personne ne s'aventurait jamais dans cette forêt marécageuse. Un groupe de vers géants, de véritables monstruosités longues comme deux hommes allongés et à la bouche bardée de rangées de dents effilées.

Par il ne savait quel miracle, il était parvenu à s'en sortir vivant. Il était convaincu que les monstres avaient rencontrés une autre proie en le poursuivant car il avait entendu plusieurs cris impossibles à identifier derrière lui tandis qu'il prenait ses jambes à son cou. En tout cas, cette rencontre lui avait fait sérieusement réviser ses plans. Il était revenu sur ses pas jusqu'à rejoindre la Trainée du Ver et avait décidé de la longer jusqu'à être sorti de la forêt terrifiante.

Désormais, il marchait sous les arbres près de la Trainée du Ver, ayant décidé qu'il était plus sûr de ne pas marcher en terrain dégagé mais en prenant toujours bien soin de ne jamais trop s'éloigner de l'orée des bois.

Le trajet pour rentrer chez lui serait bien plus long ainsi et il devrait s'assurer de ne pas être repéré par les soldats Kraosi lorsqu'il remonterait en direction de Kraos, mais au moins les créatures monstrueuses qui peuplaient les bois ne s'aventuraient que très peu jusqu'à la limite des arbres, lui octroyant une sécurité toute relative.

Il avait eu tout le temps de réfléchir à la demande insensée de L'Ouvrier au cours des derniers jours et en était arrivé à la conclusion qu'il avait pris la bonne décision. Il n'avait aucun moyen d'aider les Sombrals à défendre les Monts Scintillants face à l'armée Kraosi. Comment un seul homme pourrait-il faire la différence face aux Porteurs de Lumière Kraosi et à leur arme diabolique ? Malgré tout, il ne parvenait pas à se débarrasser du poids de la culpabilité qui gonflait dans sa poitrine au fur et à mesure qu'il s'éloignait des Monts Scintillants, et une petite voix ne cessait de chuchoter dans sa tête, lui intimant de faire demi-tour, d'apporter son aide aux Sombrals, d'honorer la demande de L'Ouvrier.

Dans ces conditions, lorsque son sentiment de culpabilité devenait trop lourd, il pensait aux terres de son père en Kraos. Il pensait aux petites gamelles d'eau que l'on faisait bouillir lors des nuits plus froides par chez lui et dont la vapeur recouvrait de buée les vitres des maisons, invitant les voyageurs à entrer et à venir se reposer dans les petites chaumières accueillantes et douillettes. Il s'imaginait alors en voyageur, arrivant à portée de vue de la chaumière de son père et apercevant les petits carrés de lumière jaune, éclairées à la flamme vacillante d'une bougie où celle, plus stable, d'un feu de cheminée, petites fenêtres littérales sur le confort et la chaleur d'un foyer... Son foyer. Dans ces moments, la culpabilité s'allégeait et son désir de rentrer chez lui prenait le dessus, le rendant impatient de retrouver son foyer, ainsi que le travail aux champs qu'il connaissait si bien et qui ne demandait rien d'autre que de la patience et de la persévérance.

Alors qu'il avançait entre les racines noueuses et les mares de boues, Sarge entendit soudain des voix qui venaient d'un peu plus loin. Son cœur fit un bond dans sa poitrine, il n'avait pas entendu de voix autre que la sienne depuis plusieurs jours. Il aperçut un mouvement devant lui et se jeta au sol, rampant dans la boue pour se cacher derrière un arbre qui se tordait dans tous les sens. Les voix se rapprochèrent et il pût bientôt entendre ce qu'elles disaient.