Chasse Le Soleil, Traqué Par La Lune

Chapitre 5

Le lendemain à l'aube, le campement fût rapidement démonté et le bataillon se remit en marche. Ils devaient arriver rapidement à destination afin que les Porteurs de Lumière aient tout le temps d'effectuer leurs expérimentations avant qu'ils ne repartent le soir même et leur rythme de marche fût donc bien plus soutenu que la veille. Sarge scrutait toujours les sous-bois de temps à autre tandis qu'ils longeaient la bordure extérieure de La Ceinture Fangeuse. La présence de la forêt décrépite le rendait mal-à-l'aise et de ses profondeurs insondables émanait une odeur de mousse en décomposition qui prenait d'assaut les narines des soldats.

Moins de deux heures plus tard, ils arrivèrent enfin à La Trainée du Ver. Lorsque Sarge posa ses yeux sur la gigantesque tranchée de plusieurs dizaines de mètres de large qui cisaillait le continent d'Est en Ouest, il ne pût s'empêcher de penser à la fameuse Quête des Amants qu'avait reçu Harimdel. Le Kraosi légendaire d'antan avait-il réellement existé ? Et qu'en était-il de Sigma Ligma ?

La Trainée du Ver, le vestige de la Quête des Amants que chaque enfant, Kraosi ou Aleyen, entendait conter dès sa plus tendre enfance, était la frontière physique qui séparait les royaumes de Kraos et d'Aleya. Ici, les soldats du bataillon étaient plus tendus que jamais, même le capitaine Denarion exprimait des signes d'anxiété, ce qui était suffisamment rare pour être signalé. Après tout, le front de guerre s'étendait tout le long de La Trainée du Ver et, plus on approchait de La Ceinture Fangeuse, plus les conflits gagnaient en intensité. La Trainée du Ver s'enfonçait dans le périmètre de La Ceinture Fangeuse et se prolongeait jusqu'aux Monts Scintillants. Il s'agissait du seul passage viable jusqu'à ces montagnes tant convoitées et les royaumes de Kraos et d'Aleya s'affrontaient depuis des lustres pour en prendre le contrôle, ou tout du moins, pour empêcher l'autre d'en avoir le contrôle.

Ils devraient passer le reste de la journée ici, une journée entière sur le qui-vive, prêt à réagir à tout problème. Il avait déjà hâte de repartir d'ici et de s'éloigner de ce lieu dangereux, mais il fit son devoir de soldat, montant la garde assidûment afin de permettre aux Porteurs de Lumière d'effectuer leur travail.

Alors que les soldats s'affairaient tout autour, les Porteurs de Lumière se mirent également au travail. Comme à leur habitude, ils s'assurèrent qu'aucun soldat n'était à portée de voix. Ils découvrirent ensuite la structure montée sur roue et se mirent en œuvre, certains s'activant autour de l'avant du cylindre de métal, d'autres trimballant de grands sacs en toiles qui émettaient une légère lueur nacrée une fois ouverts.

Sarge les avait déjà vus à l'œuvre auparavant, mais il ne pouvait résister à l'envie de jeter quelques coups d'œil dans leur direction tandis que lui et les autres hommes du bataillon formaient un périmètre de sécurité autour d'eux. Il les avait vu expérimenter avec cette machine de nombreuses fois, mais il n'avait toujours pas réussi à comprendre son usage.

Les Porteurs de Lumière versaient désormais le contenu d'un des grands sacs de toiles par l'ouverture situé à l'avant du cylindre de métal. Sarge savait ce qui était supposé se produire après ça, un grand flash de lumière blanche, accompagné d'une puissante détonation.

Le cylindre fût orienté vers le haut, diriger vers le ciel au-dessus des arbres de La Ceinture Fangeuse, et l'encapé en chef vint se placer à l'arrière. Il passa sa main par une petite ouverture situé à l'arrière et déclara : "Premier es..."

Alors même qu'il finissait de parler, un grand flash de lumière aveuglant se produisit et une détonation avala la fin de sa phrase. Ce fût très rapide, mais les soldats ne purent retenir un sursaut. Bien qu'ils aient déjà assister à ce spectacle plusieurs fois auparavant, ils n'arrivaient toujours pas à s'y habituer, et la détonation assourdissante que produisait l'étrange machine ne pouvait que les inquiéter davantage sachant que des patrouilles Aleyennes passant à proximité pouvaient à tout instant être attirées par le bruit.