Chapitre 18 : Kayser

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Les vagues abstraites que je réalisais sur les côtes de ma cliente étaient une véritable plaie à faire. Elle n'arrêtait pas de se dandiner sous mes aiguilles. Je lui expliquais pour la dixième fois qu'elle devait cesser de bouger si elle ne voulait pas ressortir d'ici avec le pire tatouage de ce siècle. Cela ne l'empêchait aucunement de se dévisser la tête pour tenter de capter mon regard. Beaucoup de femmes passaient entre mes mains dans l'espoir de passer également entre mes draps et d'habitude, cela se finissait de cette manière. Mais plus maintenant alors que je venais de rencontrer la plus belle et forte de toutes.

J'étais partis, la veille au soir, dans l'espoir de la faire réagir car elle tentait encore de me maintenir à distance et cela m'irritais profondément. Je voulais qu'elle vienne à moi. Qu'elle se rende compte d'elle-même que ma présence auprès d'elle lui était nécessaire autant que la sienne l'ait pour moi. Elle m'obsédait littéralement. Elle hantait chacune de mes pensées.

Alors que j'entamais la partie délicate des ombres sur cette océan déchaîner, la porte de ma salle de travail s'ouvrit doucement.

- Quelqu'un pour...

Il fut couper par une tornade aux cheveux noirs qui le poussai sur le côté pour le dépasser. Mina entra dans la pièce comme une furie, prit la chaise qui se trouvait dans un coin de la salle et la posa près de moi. Elle avait son ordinateur sous le bras.

- Je sais pas ce que tu me fais, ni comment tu le fais mais je commence vraiment à en avoir marre. Je vais rester ici, près de toi et faire ce que j'ai à faire parce que j'ai besoin de mes putains d'émotions pour ça.

Ok, elle était énervée mais elle était là. Elle était venue d'elle-même comme je le souhaitais. Elle avait fait un pas vers moi et même si cela n'était pas pour les raisons que j'espérais, c'était un bon commencement. Elle avait besoin de moi.

- C'est qui cette tarée ? s'écria ma cliente.

Je me détournais de ma tornade pour concentrer mon attention sur la femme allongée sur mon fauteuil, prêt à répliquer une phrase acerbe. Je n'eus pas le temps. Mina posa l'ordinateur sur le comptoir derrière nous et se releva pour se mettre face à la femme aguicheuse.

- Traite-moi encore une fois de tarée et je te rendrais si méconnaissable auprès de ta famille que tu auras besoin d'un bon coup de bistouri pour avoir de nouveau cette petite gueule de salope.

La cliente hoqueta sous la menace létale. Elle se releva pour chercher mon soutien en se cachant à moitié derrière moi. Mina grinça un rire mauvais.

- Si tu crois qu'il te protégerait de moi, tu te trompes, ma jolie. Il ne peut rien pour toi si j'en décide comme...

Elle se stoppa brusquement, pinça ses lèvres. Mes sourcils se froncèrent. Comme qui ?

Avait-elle déjà fait du mal à quelqu'un ? Etait-elle une adepte de la violence ?

Par cette vindicative, je pris conscience que je ne connaissais rien de cette femme. Elle m'obsédait depuis plus d'un mois alors qu'elle était une parfaite inconnue.

Etait-elle dangereuse ? Dans ce cas était-ce une bonne idée de l'inclure dans ma famille ?

- Rallonges-toi. Elle ne te fera rien, dis-je à ma cliente en regardant durement Mina.

Elle souleva un sourcil comme si je l'avais mise au défi puis elle abandonna la partie en soufflant et s'assied à mes côtés en soupirant. La femme craintive de la savoir si près d'elle hésita à reprendre place.

- Pour te répondre, je ne suis personne, marmonna tristement Mina les yeux baisser sur son ordinateur.

Mon cœur se serra. Elle avait vécu des choses que je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi. Elle avait tout perdue, enfant. Confrontée à une violence sans nom alors qu'elle était qu'une âme pure et cela avait foutu le bordel dans son esprit innocent. Elle avait dû, certainement, apprendre à se construire avec ses images qui la hantaient. Voir encore et encore ce massacre injuste.

- Tu n'es pas personne, mon ange, lui dis-je avant de me remettre au travail.

Je ne savais rien de la suite de l'histoire mais pouvais présumer qu'elle avait fini dans une famille d'accueil ou en foyer, seule et malheureuse au point que son cœur s'était anesthésié afin de la préserver.

Le silence de la pièce était percé par le clapotis de ses doigts sur le clavier qu'elle taper avec une vitesse hallucinante et le grésillement de mon dermographe.

Une heure plus tard, mon travail s'acheva sur la femme tendue à l'extrême coucher devant moi. J'avais peut-être perdu une cliente régulière mais cela en valait le coup car Mina était resté assise près de moi. Et lorsque je me levais de mon siège après avoir recouvert le tatouage d'un film transparent, elle se leva aussi sans relever le visage de son écran et me suivit jusqu'au-devant de la boutique. Elle s'assied sur la chaise haute derrière le comptoir et posa sa machine sur celui-ci pendant que je donnai les précieuses recommandations à ma cliente. Rider me regarder du coin de l'oeil alors qu'il était occupé à tatouer la cheville de minette qui n'avait d'yeux que pour lui puis la regarda, elle. Trop occuper par ce qu'elle faisait, je n'étais pas sûr qu'elle se rende vraiment compte que nous étions à l'avant du salon.

C'était la pause déjeunée, je lui demandais alors ce qu'il voulait manger. Une fois sa commande prise, je contactai le restaurant qui nous livrait tous les jours nos repas. Je pris le même menu que moi pour Mina et raccrochai.

- Dans dix minutes.

- Parfait, j'aurais fini avec la miss, m'informe-t-il en lui faisant un clin d'oeil qui la fit rougir de plaisir.

Je scrutais les recherches de ma belle et vu qu'elle cherchait encore des informations sur cette fameuse Kitty Milton. Pourquoi ? Je tentais ma chance.

- Pourquoi tu cherches des infos sur cette femme ? murmurais-je à son oreille.

Son odeur emplit mes poumons. Tel un camé, je la respirais profondément. Elle sentait le caramel chaud et la poire. Délicieux.

Ailleurs. Loin. Très loin d'ici, elle répondit d'une voix rauque.

- Parce qu'elle m'a sauvé la vie.

Je me figeais instantanément. Voilà pour quoi elle était là. Elle avait besoin de ressentir pour la retrouver.

« Parce qu'elle m'a sauvé la vie.»

Une phrase. Huit mots. Il lui aura fallu seulement cela pour me bouleverser au-delà de tout. Elle avait vu ses parents mourir mais je ne m'étais pas poser la question de ce qui était advenu d'elle ce jour-là. Je venais d'en avoir un petit aperçu. Elle avait été en danger elle aussi. Elle aurait dû y rester aussi. Un tremblement me parcourut. Deux sentiments me prirent à la gorge. La peur pour cette jeune fille et la colère pour cette personne qui aurait pu m'enlever la femme qui tapait frénétiquement sur le clavier, l'air sérieuse. Tout d'un coup, je voulais moi aussi retrouver cette courageuse femme et lui exprimer toute ma reconnaissance.

- Je connais quelqu'un qui pourrait nous aider à la trouver.

Elle quittai son écran pour dévier la tête, avec une vitesse dangereuse, vers moi. Un de ces sourcils de leva.

- Nous ?

- Oui, nous, confirmais-je gravement.

Emotions locked upOù les histoires vivent. Découvrez maintenant