Le 28 Primeronde de Verlune de l'an 1718, 246ème Cycle de Sash. Cité de Lô, en Pays de Lô, Obenhane.
Accoudé à la fenêtre de sa chambre à l'auberge Aux Pantoufles du Roi, Teshivan Amara profitait d'un rayon de soleil entre deux averses. La capuche rabattue du manteau posé sur ses épaules servait moins à le protéger du froid qu'à assurer son anonymat. Le sigil sur sa tempe gauche, composé de trois cercles argentés figurant un trèfle et d'une étoile dorée à sept branches, associé à sa longue chevelure d'une teinte auburn sombre peu courante, trahiraient son identité, s'il n'y prenait pas garde. Entre ses doigts, il chiffonnait un bout de parchemin déjà frotté et re-frotté tant de fois qu'il feutrait et s'épluchait. L'élégante écriture de la copiste d'Esper s'effaçait, mais le mage connaissait le message par cœur. Le Premier requérait son aide afin de trouver un garçon aux cheveux blancs et aux yeux verts, peut-être accompagné d'une fille lui ressemblant. Il parlait aussi d'une affaire d'incendie en rapport avec ces jeunes gens. S'il les localisait, il devrait les surveiller à distance et, en cas de contact fortuit, se retirer au moindre signe d'hostilité de leur part pour attendre son supérieur, qui se chargerait d'eux en personne dès que possible.
Le mage poussa un centième soupir. Son voyage professionnel à Lô couronné de succès, il avait escompté rentrer chez lui sans tarder, mais voilà qu'on lui confiait une mission à durée indéterminée. En soi, l'idée de reporter son retour à Jala ne le dérangeait pas, même s'il imaginait les conséquences. Aeglith, son partenaire, allait devoir se coltiner les tâches quotidiennes pendant plusieurs semaines encore, et il le lui ferait payer, quand ils se reverraient. Il n'avait pas fini de l'entendre rouspéter ! Ce serait légitime, après tout, et Teshivan le prendrait pour ce que c'était, un témoignage d'affection. Ça ne l'inquiétait pas. En revanche, le comportement du Premier le préoccupait. L'homme portait son lot de défauts, notamment celui de toujours vouloir faire le travail lui-même. Il le sollicitait peu, et lui réservait les mandats diplomatiques - qui consistaient la plupart du temps à réparer les dégâts causés par son mauvais caractère, presque aussi légendaire que son incommensurable pouvoir. Cependant là, il s'agissait d'autre chose. La question devait être grave et très urgente, si le meilleur Traqueur des six continents envoyait un subalterne s'exposer au danger à sa place.
« Triste ! Triste ! chantonna une voix flûtée. Le magicien est triste ! ». Il se tourna vers la Florellie qui l'observait, depuis son pot. Elle dandinait de la tige en agitant doucement ses bras de feuilles. Sa tête de pâquerette s'ornait d'une triple épaisseur de pétales d'un rouge profond. Son cœur formait une petite boule jaune sur laquelle contrastaient ses minuscules yeux noirs. On ne voyait sa bouche que lorsqu'elle parlait, ou qu'elle souriait. « Je ne suis pas triste », répondit-il, en l'effleurant du bout du doigt. « Je suis juste ennuyé.
— Nuyé ! Nuyé ! Pourquoi est-il tant nuyé ? » Il laissa échapper un petit rire. Simples, gentilles, drôles et mignonnes, les inoffensives Florellies rassuraient les Humains qui raffolaient de ces petites bouilles florales jusqu'à en oublier qu'elles appartenaient aux Onistes - les êtres non-humains dotés de la capacité d'échanger entre espèces à l'aide du Verbeal, le langage verbal unique d'Esperane. On leur conférait un statut à mi-chemin entre l'animal de compagnie et l'objet décoratif. Moins remuantes qu'un chiot, elles comptaient parmi les cadeaux préférés à offrir à une jeune fille ou un enfant, ou à un ancêtre gâteux en mal d'auditoire. Les mères de familles excédées et les hauts-fonctionnaires sous pression les appréciaient de même. Elles savaient écouter, elles se montraient toujours amicales et optimistes, elles n'avaient pas l'esprit plus grand qu'une goutte de rosée, ni la mémoire moins éphémère, ce qui s'avérait pratique quand on ressentait le besoin de s'épancher sans risques. Leur innocuité et leur joyeuse spontanéité les protégeaient de la haine des Hommes envers les autres peuples, tout autant qu'elles leur nuisaient.
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Le Dieu Menteur - Tome 1 - Les Enfants du Don
FantasyAprès l'incendie de leur foyer, Kiryan et Hisana sont les derniers survivants de la Maison du Faucon. Au centre de toutes les convoitises, ils ne peuvent plus se fier à personne. Le Don qu'ils détiennent, leur héritage et leur position font d'eux...