Chap.3 - Dans les mâchoires du Loup (Partie 3/6)

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Une main secouait doucement la manche de sa robe. Elle protesta un peu, se tourna sur le côté... la main insista. « Kiryan, arrête ça », grommela Hisana, en ouvrant lentement les yeux. Lorsque sa vision s'ajusta, elle découvrit qu'il ne s'agissait pas de son frère mais de sa cousine, penchée sur elle. S'était-elle endormie ? Avait-elle dormi longtemps ? Elle sourit vaguement, se redressa sur son lit et grimaça de douleur en portant ses doigts à son front.

« Pourquoi tu ne te soignes pas ? demanda Louvette en désignant la bosse du l'index. Tu es bien Guérisseuse, non ?

— Ce n'est pas si grave. Je vais avoir quelques maux de tête et le bleu va sûrement descendre sur mon œil, et rien de plus. Je préfère garder mon pouvoir pour des choses qui le méritent vraiment.

— Tu as Guéri mon père.

— Ses brûlures étaient graves. Elles auraient cloqué, et elles risquaient de se changer en plaies et s'infecter. Il a vraiment manqué de prudence.

— J'ai frappé à la porte, mais tu n'as pas répondu, alors je suis venue voir si tu allais bien. J'espère que je n'ai pas mal fait ?

— Non, tu as bien fait, je te remercie de t'être inquiétée, répondit Hisana, amusée par ce passage du coq à l'âne. A quoi dois-je ta visite ?

— Le repas va être servi, je venais te chercher.

— Je te suis.

— Kiryan... ?

— Oublie ça. Je lui apporterai quelque chose plus tard.

— Oncle Harim ne va pas aimer ça.

— Il y a des choses qu'Oncle Harim aime ? » Louvette lui répondit d'un petit rire timide, et le rose lui monta aux joues.

Tout en parcourant la galerie en direction de la salle à manger, la jeune Guérisseuse observait sa cousine. Drôle de fille que la Promise au Don de la Maison du Loup.

Âgée de quatorze ans, mince et souple, elle faisait plus petite qu'elle ne l'était en réalité. Et bien qu'elle ait déjà passé son Nubilis, elle affichait encore le physique d'une enfant aux membres secs et aux articulations saillantes. Son semblant de poitrine tendait à peine le velours de son surcot brun. Ses longs cheveux, portés en queue haute, s'échappaient d'un petit chignon retenu par une jolie pique en bois précieux ouvragé, et cascadaient le long de son dos jusqu'à sa taille étroite, dans un mélange de mèches couleur châtaigne et de mèches grises. Outre cette capillarité particulière, elle avait comme son oncle une prunelle d'un bleu de glace, et l'autre de la même teinte acier que les yeux de son père. Cela lui conférait un regard étrange, difficile à soutenir et à déchiffrer, surtout quand elle le cachait sous des paupières toujours baissées. Son visage fin, probablement hérité de sa mère Aloÿs, arborait de hautes pommettes et un teint clair, parsemé de minuscules taches de rousseur. Son maintien trahissait la noblesse de ses origines, en dépit de son attitude humble. L'usure de ses mains aux longs doigts fins témoignait de son mode de vie modeste, à l'instar de sa tenue, râpée par endroits.

A cause de son comportement effacé et de sa mise ordinaire, un œil non exercé eût pu la confondre avec une servante, cependant, certains signes ne trompaient pas sur ce qu'elle était réellement. Sa façon de se déplacer, déliée, glissante et légère, silencieuse, cet art de faire en sorte de toujours pouvoir garder un œil sur la personne qui l'accompagnait, même en marchant devant, tout cela trahissait son appartenance à l'école du Don. Hisana sourit intérieurement ; Louvette était douée et elle possédait un physique malléable, facile à « modifier ». Bien grimée, judicieusement habillée et coiffée, elle pouvait aussi bien se faire passer pour une enfant que pour une adulte, pour une paysanne que pour une aristocrate, être vue ou demeurer inaperçue, vite oubliée. Elle deviendrait probablement une Davana bien plus compétente que son père, trop fier, soucieux de sa personne et colérique.

Le Dieu Menteur - Tome 1 - Les Enfants du DonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant