Rough

\10\

Regarde-moi
Ne sois pas si fière
Demain va devenir hier

***

Je reprend peu à peu mes esprits dans une atmosphère plus que familière.
Normal, il s'agissait de mon lit, celui dont j'avais tant rêvé pendant mes trois heures de travail à la bibliothèque...

Attendez...?
Si j'étais à la bibliothèque...
Et que maintenant je suis dans mon lit...

Qu'est ce qu'il s'est passé entre-temps?

J'ouvre les yeux subitement et me redresse. Je n'aime pas du tout ce pressentiment.

Il m'arrivait de le ressentir les lendemains de cuite, quand je n'avais plus aucun souvenir, mais qu'au fond de moi je savais qu'un truc clochait.

Et ça ne ratait pas.
Il y avait toujours un truc qui n'allait pas.

Comme maintenant, Brad se tenait assis sur mon tabouret tout en sirotant un cappuccino Starbucks.

Je ne réalise pas tout de suite qu'il n'avait rien à foutre ici, ni que ma mère pouvait rentrer avec un client à tout moment, ni que j'habitais dans le pire quartier et le pire immeuble de toute la ville et que je ne souhaitais pas que ça se sache.

Non, la première chose que je me dis, c'est que moi aussi je veux un putain de capuccino, et même deux.

Comme si Brad lisait dans mes pensées, il me pointe la table de nuit du doigt et je découvre l'objet de mes convoitises posé dessus tel un signe divin.

Bon sang!

Je m'en empare et avale quelques gorgées lentement car ma gorge me faisait mal.

"T'as fait un malaise. Vu que le lycée allait fermer, j'ai demandé ton adresse à l'infirmière."

Et cette connasse lui a donné?
Non mais je vous jure...

J'ai trop fait chauffer mon cerveau, je n'avais rien avalé depuis plus de vingt-quatre heures et encore... C'était une simple portion de purée à l'eau.

Bref, finalement peut-être qu'il valait mieux que ça tombe sur lui plutôt que sur un fouineur comme Steven.

Je dis ça mais, je ne suis pas non plus ravie de le trouver ici. Surtout que ma chambre ressemble à une déchetterie et que mon appartement est sale, puant le cannabis.

Je prie dans mon for intérieur pour que ma mère n'ait ramené personne pendant sa présence ici...

"Tu sais... Je t'imaginais pas vivre dans un château mais... J'étais loin d'imaginer ça..."

Je hausse les sourcils.

Il n'a toujours pas trouvé le respect? Je sais pas, il aurait pu pendant ce laps de temps où j'étais inconsciente.

Je reste muette, parce que je m'attendais à n'importe quelle remarque de pitié ou même de proposition d'aide ou n'importe quoi de la part d'un égocentrique de riche... Mais non.

"Tu pourrais au moins ranger ta chambre."

Voilà ce qu'il a dit.
Je ne savais clairement pas quoi répondre, est ce qu'il était sérieux? Est ce qu'il essayait de détendre l'atmosphère?

Non, c'était simplement son naturel qui reprenait le dessus.

Mais je pense que je l'aurais détesté s'il m'avait dit un truc du genre: "Je suis désolé, je ne savais pas, tu as besoin d'aide? D'en parler? D'argent?"