Chapitre 2

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Le vaisseau file dans l'espace. Il traverse l'univers et l'obscurité infinie entre les étoiles. Sa solide carapace extérieure le protège des dangers du voyage : astéroïdes, comètes, éruptions solaires ou encore radiations cosmiques. Des moteurs spéciaux, inventés par Jor-El, lui permettent de dépasser plusieurs fois la vitesse de la lumière, pendant que le petit Kal-El dort paisiblement à l'intérieur. L'explosion qui a détruit Krypton a secoué un instant la capsule, mais le bébé n'a pas été blessé. Il n'a pas la moindre idée de la vie incroyable qui l'attend.
Finalement, le vaisseau atteint sa destination : un système solaire lointain, à de nombreuses années-lumière des vestiges de Krypton. Plusieurs planètes tournent autour d'un brillant soleil jaune, apparu il y a moins de cinq milliards d'années. Le vaisseau dépasse les mondes les plus éloignés, y compris un géant entouré d'anneaux, et parvient à traverser sans encombre une ceinture d'astéroïdes avant de s'approcher de la troisième planète la plus proche du soleil. Ce monde bleu et vert est largement recouvert d'eau, mais on y trouve plusieurs grands continents et deux calottes polaires blanches. Son atmosphère riche en oxygène, bien que différente de celle de Krypton, a permis à la vie de s'y développer. Son soleil, plus jeune que le grand soleil rouge témoin de la destruction de Krypton, l'enveloppe dans sa lumière et sa chaleur. Faune et flore abondent sur cette planète que ses habitants appellent... la Terre.
Le vaisseau ralentit et quitte la vitesse-lumière. Il vole toujours à plusieurs milliers de kilomètres-heure et dépasse la lune pour pénétrer dans l'atmosphère terrestre. La chaleur de la friction rougit la capsule, mais la coque de celle-ci, résistante au feu, protège le bébé. Le vaisseau plonge à travers les nuages et se dirige vers un large continent dans l'hémisphère nord de la planète, dont les plaines à perte de vue permettent un atterrissage en douceur.
Le long voyage de Kal-El vient de se terminer... et sa nouvelle vie va bientôt commencer.
- Regarde, Jonathan !
Jonathan plisse les yeux pour voir ce que sa femme Martha lui montre. Ils viennent d'acheter des provisions à Smallville et rentrent en voiture dans leur ferme du Kansas. Le ciel est clair en cette nuit d'automne étoilée, mais Jonathan remarque rapidement une lumière scintillante qui fuse vers la Terre comme une météorite. Il s'attend à la voir disparaître bien avant qu'elle touche le sol, mais elle semble au contraire devenir plus grande et plus brillante. L'homme écarquille les yeux, inquiet.
-Ça se dirige vers la ferme ! s'écrie-t-il. Notre ferme !
Cela fait cinq générations que la famille Kent exploite ces terres. Jonathan sent son cœur se serrer. Il appuie sur l'accélérateur de sa camionnette poussiéreuse et roule à toute vitesse en direction de leur propriété. Martha et lui échangent des regards anxieux.
- Et si jamais ça touchait notre maison ? demande-t-elle. Ou la grange ?
- Je ne sais pas, répond-il sombrement.
La ferme familiale des Kent apparaît à l'horizon. La lumière de la lune éclaire la maison, la large grange peinte en rouge et le silo à grains. Un grand moulin à vent domine tous ces bâtiments, au milieu des champs de blé et de maïs qui attendent d'être moissonnés. Le météore siffle à travers le ciel comme un missile, auréolé de flammes.
- Attention ! crie Jonathan. Ça va s'écraser !
Le météore heurte un champ de maïs avec une violence inouïe, dans une explosion de terre et de poussière. La route tremble, et Jonathan se bat pour garder le contrôle de son véhicule qui se met à déraper. Il évite de peu un poteau téléphonique avant de réussir à revenir sur le chemin. Il freine, et la camionnette finit par s'arrêter en grinçant. Martha et lui sortent du véhicule. Ils ont du mal à respirer. Les yeux grands ouverts, ils regardent l'épais nuage qui s'est formé au-dessus de leur champ. Des rangées d'épis de maïs les empêchent de voir le lieu de l'accident.
- Qu'est-ce que... qu'est-ce que c'était ? balbutie Martha.
- Allons voir ! répond Jonathan.
La poussière commence à se dissiper. Jonathan est soulagé que le météore n'ait pas touché leur maison. Il espère que leurs récoltes n'ont pas été trop abîmées...
Soudain, il aperçoit quelque chose qui l'inquiète encore plus.
De la fumée s'échappe de son champ, là où la météorite - ou quoi que ce soit d'autre - s'est écrasée. Il sent une odeur de brûlé.
- Les récoltes ! s'exclame-t-il. Elles ont pris feu !
La caserne des pompiers de Smallville est à des kilomètres d'ici. Les fermiers n'ont pas le temps de courir chez eux pour appeler les secours. Ils doivent éteindre ce feu, et vite, avant que celui-ci ne détruise une année de travail. Jonathan s'empare d'une bâche épaisse à l'arrière de sa camionnette. Il court vers les champs avec Martha en se repérant grâce à la fumée. Leurs cœurs battent très fort.
- Vite ! lance Jonathan. On peut peut-être éteindre le feu avant qu'il se propage !
Martha le suit à travers les rangées d'épis de maïs. Elle est inquiète : que feront-ils s'ils se trouvent coincés au milieu des flammes sans pouvoir fuir ? Et si le champ tout entier prenait feu ?
- Fais attention ! crie-t-elle. Nos vies valent plus que ce maïs !
Ils traversent la dernière rangée, et ce qu'ils découvrent les stupéfie : un vaisseau spatial de la taille d'un tracteur gît au fond d'un cratère au milieu du champ. Quelques épis de maïs écrasés ont pris feu lors de l'atterrissage de la capsule.
Jonathan comprend tout de suite qu'il ne s'agit pas d'une météorite ordinaire, mais la priorité reste d'éteindre les flammes. C'est leur revenu qui en dépend : s'ils perdent leur récolte, ils pourraient également perdre la ferme.
- Attends ! l'interrompt Martha. Est-ce que tu as entendu ?
Jonathan n'entend d'abord que le crépitement des flammes... Soudain, il perçoit quelque chose d'autre. Quelque chose de complètement inattendu.
Les pleurs d'un bébé !
- Mon dieu ! s'exclame Martha. Ça vient de l'intérieur de cet engin !
Jonathan se frotte les yeux, abasourdi. Un bébé ?
- Il est en danger, Jonathan ! continue-t-elle. Il faut le sauver !
- Je sais, répond-il.
Éteindre le feu est désormais une question de vie ou de mort. Martha et Jonathan dévalent les parois du cratère en glissant sur la terre meuble. Ils ne se soucient plus de la récolte ni de leur propre sécurité : ils doivent sauver l'enfant qui se trouve à l'intérieur de cette capsule.
Jonathan utilise la large bâche pour étouffer les flammes les plus hautes, tandis que Martha s'occupe des plus petites avec sa veste. Ils ne peuvent se permettre d'ignorer une seule étincelle, ou le champ entier s'embrasera.
La chaleur est intense, effrayante. La fumée leur pique les yeux. La sueur coule sur leur front alors qu'ils combattent le feu jusqu'à ce qu'enfin le dernier foyer s'éteigne. Une odeur de pop-corn flotte dans l'air. Jonathan écrase une braise obstinée du talon de sa botte.
- C'est fini, je crois, halète-t-il, le visage couvert de suie.
Il regarde autour de lui pour vérifier qu'ils n'ont rien oublié, mais il ne voit que des cendres. Il a des crampes au bras et lâche enfin la bâche, brûlée en plusieurs endroits.
- Dieu soit loué ! soupire Martha. Et le bébé ?
Jonathan ne l'a pas oublié. Il l'entend toujours pleurer à l'intérieur du vaisseau écrasé. Maintenant que le feu est éteint, le fermier peut enfin examiner l'ovni et découvrir l'origine des larmes.
- Qui peut bien laisser tomber un bébé du ciel ? demande Martha.
- Si seulement je le savais... répond Jonathan.
Ils s'approchent prudemment de l'appareil. Un panneau noirci par la chaleur coulisse sur le côté pour révéler une cavité rembourrée au milieu de la capsule. À l'intérieur se trouve un bébé en bonne santé qui pleure à perdre haleine. À la grande surprise des fermiers, le nouveau-né n'a pas l'air d'avoir été blessé, ni par le feu ni par le choc. Il ne présente pas la moindre trace de brûlure.
- Oh, le pauvre chou !
Martha se précipite pour secourir l'enfant. Elle le libère de son vaisseau et le berce tendrement dans ses bras. Réconforté, le bébé s'arrête de pleurer. Il regarde Martha et Jonathan avec ses grands yeux bleus. Un duvet de cheveux noirs recouvre son crâne.
- D'où... d'où crois-tu qu'il vienne ? demande Martha.
Jonathan examine le vaisseau spatial sans trop s'approcher. Ça ne ressemble à rien qu'il ait déjà vu, sauf peut-être dans des films de science-fiction. On dirait presque quelque chose de biologique, comme si on avait fait pousser la capsule plutôt que de la construire. Des plaques d'os solidifiés se chevauchent pour former la carapace extérieure. Le rembourrage à l'intérieur ressemble à de la soie, recouverte d'une couche de gel protecteur.
- Je ne sais pas, marmonne-t-il. Peut-être de Russie ?
Martha secoue la tête.
- Regarde ce vaisseau, Jonathan. Tu trouves vraiment qu'il ressemble à quoi que ce soit sur Terre ?
- Pas vraiment... répond-il en levant les yeux pour regarder les étoiles. Tu penses que ça vient... d'ailleurs ?
Il observe le bébé dans les bras de son épouse. Celui-ci a l'air tout à fait normal, mais est-il vraiment un visiteur d'une autre planète ? Jonathan ne s'est jamais vraiment posé de questions sur les extraterrestres et les ovni jusqu'à maintenant. Il lui est difficile de croire qu'une soucoupe volante a atterri dans son champ.
Mais d'où pourrait venir ce bébé, sinon ?
- J'imagine qu'on doit prévenir la police, conclut-il.
- Non ! proteste Martha avec une force surprenante. On ne peut pas livrer ce pauvre bébé au gouvernement ! Qui sait ce qu'ils lui feront, surtout s'ils pensent que c'est un envahisseur extraterrestre ou je ne sais quoi. Ils pourraient l'enfermer quelque part dans un laboratoire... ou pire, ajoute-t-elle en s'accrochant fermement au bébé. Regarde-le, Jonathan ! C'est juste un bébé. Il a besoin de quelqu'un qui s'occupe de lui, quelqu'un qui l'aimera, peu importe d'où il vient.
- Quelqu'un comme nous ? demande Jonathan.
Ils ont toujours voulu avoir un enfant, mais le destin le leur a refusé. Maintenant, il semblerait qu'un bébé leur soit littéralement tombé du ciel.
- Pourquoi pas ? s'obstine Martha.
- Mais on ne peut pas adopter un bébé en claquant des doigts ! s'exclame Jonathan. Ce n'est pas comme ça que ça se passe. Il y a des lois, des règles pour ce genre de chose. Tu ne peux pas adopter un bébé comme si c'était un chat errant que tu aurais trouvé sous ton porche.
Martha désigne le vaisseau spatial du menton.
- Il n'y a rien de normal dans cette situation, Jonathan. Je ne pense pas que les règles habituelles s'appliquent aux bébés venus de l'espace.
Son époux réalise qu'elle a pris sa décision. Pour être honnête, il n'a pas plus envie qu'elle de livrer le bébé au gouvernement. L'arrivée d'un extraterrestre peut faire peur à beaucoup de monde, et les gens effrayés prennent parfois des décisions dangereuses. Ils pourraient penser que ce bébé est un monstre et l'emprisonner ou même le tuer. Ou alors des scientifiques tenteraient toutes sortes d'expériences sur lui.
Jonathan n'a pas l'intention d'accepter ça.
- Bon, comment on l'appelle, dans ce cas ?
- Je pensais l'appeler Clark.
Martha sourit au bébé qui gazouille, heureux dans ses bras.
- Clark Kent.

Man of Steel : La naissance d'un super-héros (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant