Chapitre 6

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Quatre ans plus tard...
Shelby est le meilleur ami de Clark. En fait, c'est même son seul ami. Le fox-terrier brun aux poils ébouriffés bondit dans la cour en remuant la queue avec enthousiasme. Clark lui lance un bâton à rapporter, un jeu dont le chien plein d'énergie ne se lasse jamais. Shelby aboie joyeusement tandis que son maître jette de nouveau le bout de bois.
- Va chercher ! crie Clark.
Le chien court après le bâton. Il saute et le rattrape dans les airs.
- Bien joué, Shelby ! s'exclame Clark. C'est mon toutou, ça !
Le chien revient vers son maître, le bâton entre ses babines. Clark sait qu'il a envie de recommencer, mais ils doivent d'abord jouer un peu à se disputer le bâton. Le garçon attrape le bout de bois et fait comme s'il ne parvenait pas à l'arracher au chien. Clark doit faire attention à sa force. Il a dix ans désormais, et devient de plus en plus costaud et rapide.
- Allez, le chien ! Lâche ça !
Ils tirent tous les deux un côté du bâton. Shelby secoue la tête, refusant de céder. Clark joue le jeu :
- Oh, tu es trop fort pour moi, tu es une vraie terreur ! Donne-moi ça. Allez, lâche !
Shelby continue à s'accrocher au bâton quelques minutes, puis le jeu finit par l'ennuyer. Il abandonne le bout de bois, recouvert de bave. Clark essaie de ne pas toucher les parties gluantes, mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Il essuie ses doigts sales sur son jean.
- Beurk, marmonne-t-il.
Une camionnette tourne dans l'allée et se gare devant la maison. Jonathan Kent sort du véhicule, un sac de courses à la main. Il sourit en voyant Clark et Shelby jouer. C'était une bonne idée, de prendre un chien. Le garçon méritait d'avoir au moins un ami.
- On dirait que Shelby et toi vous amusez bien ! s'exclame Jonathan en se dirigeant vers la porte de la maison. Laisse-moi donner les courses à ta mère, et je vous rejoindrai peut-être !
- Hé, papa ! lance Clark. Attends !
En évitant le chien qui aboie dans ses jambes pour continuer à jouer, le jeune garçon court vers son père. Cela fait longtemps qu'il guette une occasion comme celle-ci, longtemps qu'il essaie de trouver le courage de lui parler. Pourquoi pas aujourd'hui ?
- Tu as une minute ? demande-t-il.
- Bien sûr, fiston, réponds Jonathan en posant les courses sur la première marche du perron. Qu'est-ce qu'il y a ?
Clark se racle la gorge. Il a répété cette conversation dans sa tête toute la journée. Il a envie que la discussion se passe bien.
- Je me demandais juste, commence-t-il, si tu as eu le temps de réfléchir à ce dont on a parlé la dernière fois... Tu sais, quand je t'ai dit que je voulais rejoindre une équipe de foot... comme les autres enfants...
Son père soupire.
- Clark, je pensais que le sujet était clos. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
- Mais ce n'est pas juste ! proteste Clark. Tous les autres ont le droit de faire du sport. Les inscriptions mieux ce week-end, ce n'est pas trop tard !
- Mais tu n'es pas comme tous les autres, Clark, tu le sais. Et si tu t'impliquais trop dans un match et que tu montrais, sans le faire exprès, à quel point tu es fort et rapide ? Ou pire, si tu blessais quelqu'un par inadvertance ?
- Je ferais très attention, promet Clark. Tu peux me faire confiance.
- Je te fais confiance, fiston. Je sais que tu ferais de ton mieux. Mais ça n'en vaut pas la peine.
- C'est facile pour toi de dire ça, grommelle Clark. Ce n'est pas toi qui es coincé ici tout le temps, à jouer avec un chien stupide !
Il jette un coup d'œil à Shelby qui sautille toujours entre ses jambes en attendant avec impatience que son maître lui lance de nouveau le bâton. L'enfant se sent soudain coupable. Ce n'est pas la faute du chien si ses parents ne veulent pas qu'il fasse du sport. Il se penche et caresse la tête de Shelby.
- Désolé, mon toutou. Je ne voulais pas dire ça.
- Écoute, je comprends, continue son père. Je sais que ça n'est pas facile et j'aimerais que ce soit différent mais, pour l'instant, il vaut mieux faire attention. Plus tard, peut-être, quand tu seras grand...
- Tu dis toujours ça !
Clark a l'impression d'avoir entendu le même sermon toute sa vie, et c'est sans doute le cas. Il en a assez. Il espérait une autre réponse.
- Combien de temps vais-je devoir cacher ce que je peux faire ? insiste-t-il.
- Je ne sais pas, fiston.
Son père reprend les courses et ouvre la porte. Il s'arrête devant l'entrée et se retourne vers Clark.
- Je suis désolé, mais je ne reviendrai pas sur ma décision, conclut-il.
La porte se ferme derrière lui. Clark et Shelby se retrouvent seuls dans la cour. Le chiot continue à aboyer pour attirer l'attention du garçon. Clark a l'impression que le monde entier lui en veut. Pourquoi son père est-il tout le temps si têtu ? Pourquoi ne peut-il pas l'écouter, pour une fois ?
- D'accord, d'accord, lance-t-il avec impatience à Shelby. Allez, attrape !
Frustré, il lance le bâton de toutes ses forces. Il réalise soudain, une seconde trop tard, qu'il l'a jeté trop violemment. Le bout de bois fend les airs en direction de la fenêtre du grenier.
- Oh non ! s'exclame Clark. Pas maintenant !
Il panique en réalisant qu'il est en train de faire une bêtise, quelques secondes à peine après avoir promis qu'il serait capable de se contrôler. Si Clark brise la fenêtre maintenant, ce sera la preuve que son père avait raison depuis le début, et celui-ci ne lui fera plus jamais confiance !
Désespéré, Clark bondit dans les airs. Ses jambes puissantes lui permettent de sauter à une hauteur de trois étages, et il tend la main vers le bout de bois. Il étire le bras au maximum, et ses doigts se referment enfin sur le bâton. Le bois plein de bave est encore glissant, mais Clark parvient à l'attraper au dernier moment. Il laisse échapper un soupir de soulagement.
- Je te tiens !
D'accord, mais qui le tient, lui ?
Il continue dans son élan, incapable de s'arrêter. C'est finalement Clark, et non le bâton, qui brise la fenêtre et vole dans les airs. Il traverse le plafond du grenier comme un boulet de canon, détruisant la cheminée au passage. Les briques explosent en morceaux et s'effondrent dans une avalanche de verre brisé, de bois et de tuiles. Le choc est assez bruyant pour qu'on l'entende dans toute la ferme. Les aboiements de Shelby s'ajoutent au tumulte.
Houla, pense Clark, je vais me faire gronder.
Il essaie de s'accrocher à quelque chose pour s'arrêter, mais tout va trop vite. Il dépasse le toit et file ensuite vers le ciel, très haut au-dessus de la ferme, jusqu'à ce que la gravité se rappelle enfin à lui. Il tombe et atterrit dans une meule de foin à côté de la grange. La paille jaillit dans tous les sens. Des poulets effrayés s'enfuient vers leur poulailler.
Clark n'est pas surpris d'être indemne, mais ce n'est pas ce qui l'inquiète. Il entend déjà ses parents crier dans la cour, tandis que Shelby continue à aboyer. Clark s'extrait de la botte de foin. Il a de la paille dans les cheveux et sur ses vêtements. Il brosse ses habits pour enlever les éclats de verre, sans s'inquiéter de se couper. Son tee-shirt rouge est déchiré en plusieurs endroits. Il jette un coup d'œil nerveux aux dommages qu'a subis la ferme.
Il ne peut pas voir l'avant de la maison de là où il est, mais la cheminée a disparu. Elle a été réduite en morceaux. Il ne reste qu'un amas de briques cassées, éparpillées sur le toit abîmé. Clark avale sa salive. Il n'ose même pas regarder le reste de la ferme.
- Clark ! appelle son père, en colère.
Viens par ici !
Pendant une seconde, le garçon hésite à s'enfuir. S'il se met à courir maintenant, il pourrait être dans une autre région avant que ses parents ne s'en rendent compte. Il pourrait même être dans un autre pays.
Mais Clark a reçu une bonne éducation. Il sait qu'il doit prendre ses responsabilités. Il se dépêche de se retourner devant la maison, mais pas aussi vite qu'il en est capable. Le vent de sa course suffit à faire tomber les derniers éclats de verre et de paille de ses vêtements.
- Je suis là, murmure-t-il. Je suis désolé.
Ses parents se tiennent tous les deux dans la cour et évaluent les dégâts point la fenêtre du grenier n'est plus qu'un trou béant, comme le toit juste au-dessus. Des briques et des morceaux de verre jonchent le perron. On dirait qu'un missile a frappé la maison, ce qui est à peu près le cas.
Sauf que le missile s'appelle Clark.
Shelby continue à aboyer, et le garçon réalise avec un air penaud qui tient toujours le bâton dans sa main. Il le tend au chien pour qu'il puisse jouer avec.
- Oh, Clark ! soupire sa mère. Il faut que tu fasse plus attention...
Elle a l'air plus déçue qu'en colère et secoue la tête tristement.
- Je peux tout réparer ! s'empresse de répondre le garçon. Tu sais que j'en suis capable ! Ça ne vous coûtera rien du tout !
Il ne plaisante pas. Grâce à sa force et à sa vitesse surhumaine, il sait qu'il peut restaurer le toit plus vite que n'importe qui, à condition que son père lui explique comment faire. Il a juste besoin d'un marteau, de clous, de bois et de quelques briques. Il se demande combien les matériaux coûteront. Peut-être qu'il peut payer avec son argent de poche ?
- Ce n'est pas le problème, Clark, répond Jonathan en montrant la fenêtre brisée. C'est exactement ce dont nous parlions tout à l'heure. Imagine que quelqu'un t'ait vu, ou ait été blessé à cause de ton insouciance ?
Clark ne sait pas quoi répondre. Il regarde ses pieds.
- Mais... bredouille-t-il, je ne voulais pas... C'était un accident...
- Je sais, l'interrompt son père avec fermeté. Mais je veux que tu te souviennes d'aujourd'hui. Tu comprends, maintenant ? C'est pour ça que tu ne peux pas jouer au foot avec les autres enfants.
Clark regarde les ruines. Il sait que son père a raison.
Mais cela ne le console pas pour autant.

Man of Steel : La naissance d'un super-héros (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant