9 - La réconciliation

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** 24 décembre 2019, à Paris. **

* Regina *

J'ôte ma main devenue moite de l'emprise de ma copine. Elle termine le récit du huitième souvenir de notre relation, me confrontant à trois réactions divergentes. La première est celle des adultes autour de la table qui connaissent ce passage sensible et qui nous lancent un regard compatissant. La mine attristée de Henry me procure l'effet d'un poignard en plein cœur. Ses pupilles larmoyantes me donnent envie de courir le prendre dans mes bras, de lui annoncer la suite moins catastrophique de cette histoire. Et en dernier lieu, Emma dont l'œillade ne m'a pas délaissée tout au long de sa narration, tente de faire bonne figure. Je le vois à la brillance qui modifie la couleur mi-verte mi-grise de ses somptueux iris.

La culpabilité me ronge davantage lorsque je me remémore les propos abjects qui n'ont pas été cités devant notre fils. Des paroles que je ne me suis pourtant pas privée de hurler à ma compagne, quatre ans et demi plus tôt. Je baisse la tête, honteuse de mon comportement intolérable. Elle n'aurait pas dû me redonner une chance. Je méritais d'être anéantie comme je l'ai été durant la séparation que je nous ai infligé. Mon manque de courage et mon ego parfois trop volumineux m'ont amené à passer deux mois loin de la femme de ma vie. Pas un appel, pas un message. Aucune nouvelle, aucun signe de vie.

– Ne pleure pas mon chéri, ta maman et moi avons survécu aux mauvais événements. D'ailleurs, il y a une belle réconciliation que tu seras ravi d'entendre. Tu veux?

Blotti contre son autre mère, il opine du menton avec enthousiasme. Sa gaieté soudaine apporte un rictus timide sur ma bouche ainsi que sur celle de ma blonde. La joie de notre enfant est communicative, aussi bien à nous qu'à l'ensemble de nos familles. Tous s'arrêtent de manger et pivotent en ma direction, prêts à m'écouter. Je déglutis en croisant les sept visages qui n'exigent qu'une chose: un nouvel épisode de leur conte favoris.

** 16 août 2015 **

Cinquante-cinq jours se sont écoulés depuis la plus grosse dispute de notre liaison. Mille trois cent vingt heures sans toucher ses boucles dorées du bout des doigts, sans entrevoir ses pommettes arrondies se retrousser alors qu'elle rit à l'une de mes blagues. Soixante-dix-neuf mille deux cents minutes qui me privent de ses yeux scintillants d'excitation rien qu'en se posant sur ma personne et de ses douces lèvres sucrées que je n'aurai peut-être plus l'occasion d'embrasser.

Sa bouille angélique n'est pas sortie de mes rêves cette nuit, comme c'est désormais le cas à chaque seconde qui se consume de ma misérable existence. Je ne suis qu'une imbécile écervelée et dépourvue de sentiments. Mon cœur de pierre, je l'ai en permanence. En revanche, celui-ci s'est ramolli dés l'instant où j'ai rencontré la demoiselle dont je suis tombée amoureuse en un coup d'œil. Cette jolie créature qui a abaissé mon épaisse carapace avant même que je ne l'y autorise. Elle qui m'a redonné force et espoir quand j'en avais besoin. Et moi, qu'est-ce que je lui ai offert en retour? Je l'ai envoyé sur les roses telle une malpropre à cause de ma jalousie mal placée. Je ne suis pas digne d'être aimé, encore moins par quelqu'un d'aussi sincère, charmante et attentionnée.

Par conséquent, je doute quant à l'utilité de ma présence sur le pallier de son ancien appartement. Le courage n'a jamais été ma principale qualité, loin de là. Je me suis toujours conduite en lâche qui privilégie la fuite aux explications claires et précises. En particulier lorsque je suis en tord et je le suis la majeure partie du temps. D'autant plus au sujet de ma petite-amie perdue. Je serre le sachet que je tiens en main, me demandant si je ne dois pas plutôt faire demi-tour. Sa stupide ex-copine ne devrait pas se trouver devant le logement de ses géniteurs en cette journée si spéciale. Elle fête ses vingt-six printemps et il m'est impensable de continuer à vivre sans mon âme-sœur. Même si elle ne sera pas enjouée de me voir débarquer ici, je ne peux reculer dorénavant.

Au pied du sapin [SWANQUEEN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant