24 - L'inquiétude

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** 24 décembre 2019, à Paris. **

* Emma *

Les minutes passent, pourtant nous sommes encore assis à une table désormais vide. Enfin, presque tous. C'est sans compter sur Henry qui rit à gorge déployée pendant que Zelena le balade de haut en bas. La voilà maintenant en train de soulever son neveu au dessus de sa tête, comme elle le peut. L'intéressé tend les bras en l'air, imitant les ailes d'un avion en vol. Les autres adultes de la pièce contemplent la scène le sourire aux lèvres. Je lance une œillade à la brune à mes côtés. Cette dernière lève les yeux au plafond lorsque sa demi-sœur panique à l'idée que notre fils retombe mal. Celui-ci, en revanche, ne s'en formalise guère, trop occupé à s'amuser.

– Il lui en faut peu pour s'inquiéter à tout bout de champ, souligne Regina à mon intention.

– C'est un trait de famille, argué-je avant de boire la moitié de mon verre.

Ce n'est que le quatrième du réveillon et je commence à sentir mon crâne s'alourdir. Ma prévenante petite-amie a raison; je dois m'abstenir davantage. Je ne voudrais pas finir saoule devant mon enfant, quand même. Dos à moi, ma conjointe pivote en ma direction suite à ma réplique humoristique. Quoi qu'une forte part de vérité s'y impose, en réalité. Je ne suis pas mieux sur cet aspect-là, j'en conviens. Néanmoins, ma compagne s'affole en permanence vis-à-vis de ceux qui lui sont chers.

Ma camarade me tire la langue en guise de réponse. Une énième preuve de ma maturité inexistante ayant déteint sur elle. D'après ses dires, l'élue de mon cœur était bien différente avant de me rencontrer. Je dois admettre une évolution radicale de son comportement depuis le début de notre histoire, c'est indéniable. Cependant, j'ai des difficultés à l'imaginer aussi froide, distante et insensible qu'elle ne s'est décrite à plusieurs reprises. Certes, mon interlocutrice ne possédait pas les qualités adéquates pour une relation sérieuse mais son éternelle persuasion lui a permis d'en apprendre à ce propos. Puis sept ans plus tard, nous voici ici. Avec un bambin, entourées de nos proches respectifs. Les siens devenant les miens et inversement. Un foyer emplit d'amour, ce dont nous avons longtemps rêvé.

– Je n'ai jamais été autant effrayé que la fois où j'ai su que tu étais à l'hôpital, m'avoue-t-elle soudainement.

** 25 septembre 2015 **

Les mains sur le volant de ma voiture, je jette un œil à ma radio. Vingt-et-une heures, je n'en suis pas surprise. Les dîners hebdomadaires chez mes parents s'éternisent toujours. Chaque samedi soir, j'ai droit à des tonnes de questions, des papouilles et de la nourriture. Beaucoup trop, à mon goût. Ma mère adore gaver ses invités jusqu'à ce qu'ils n'en puissent plus, moi en particulier. Souvent, je repars avec les restes alimentaires des repas antérieurs. D'ailleurs, une délicieuse odeur de poulet rôti embaume mes narines en ce moment. L'atout d'avoir une maman et une copine passionnées de cuisine, c'est que je ne risque pas de mourir de faim.

Je soupire à cette réflexion. D'habitude, ma concubine se joint à moi – du moins, la plupart du temps. A deux, nous faisons bloc contre les interrogations indiscrètes de mes géniteurs. Hors, j'ai dû les affronter seule aujourd'hui. Mademoiselle Mills s'est défilée, prétextant une horrible migraine. Oui, elle en a de manière régulière, je vous l'accorde. Hélas, je la connais à la perfection. Malgré son excellente entente avec ma famille, les longs soupers auprès d'eux et de leur curiosité débordante ne l'enchantent pas. Dans le fond, je la comprends sur ce point. C'est pourquoi je ne lui inflige rien à ce sujet. A quoi cela servirait-il? Ses semi-tentatives de mensonge ne fonctionnent pas sur moi, toutefois elle ne peut s'empêcher de réitérer l'exercice dès que l'envie lui en prend. Un nouvel échec à ajouter à une liste non-exhaustive. Quel dommage, chérie.

Au pied du sapin [SWANQUEEN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant