21 - La responsabilité

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** 24 décembre 2019, à Paris. **

* Regina *

A ma gauche, Emma porte son verre de champagne à ses lèvres, non sans m'adresser une œillade lourde de sens. A travers ses pupilles légèrement dilatées, je discerne l'entièreté de son désir refoulé. Notre récente escapade privée me revient alors en mémoire. Malgré les quinze minutes écoulées depuis, j'ai l'agréable mais troublante intuition que ses paumes n'ont jamais quitté mon corps. Je remue la tête afin de m'en débarrasser, pourtant le doute persiste en moi.

Une soudaine source de chaleur m'enflamme la cuisse. Perplexes, mes prunelles descendent tout de même vers le phénomène en question. Sans surprise, ma théorie se confirme. En effet, je ne tarde pas y découvrir les doigts de ma bien-aimée tripotant le tissu de ma robe. Mon cerveau se court-circuite aussitôt et ce pour la cinquantième fois de la soirée, environ. Pourquoi faut-il qu'un simple contact chamboule la totalité de mes pensées? Maudite condition humaine!

– Tu as conscience de la torture que tu m'infliges là? chuchoté-je, penchée en sa direction.

En guise de réponse, elle hausse les épaules de manière provocante et faussement innocente. A cela s'ajoute l'un de ses rictus malicieux dont personne d'autre n'a le secret. Le message véhiculé par ses soins est assez clair. Un brin victorieux traîne sur sa figure attendrissante dès que je clos les yeux, mal à l'aise. Mon rythme cardiaque commence à s'emballer davantage à l'idée qu'un tierce individu s'interroge sur mon état. Ce qui n'arrive pas.

A la seconde où je recouvre mes facultés visuelles, j'en saisis la raison. Tous sont accaparés par les adorables pitreries de l'enfant de la famille et je ne peux que lui en être reconnaissante. Sur ce coup-là, les blagues de mon fils me sauvent d'une éventuelle confrontation des plus étranges avec mes proches. Comment serais-je censé leur décrire la tornade d'émotions qui se bat en moi maintenant? A mon grand soulagement, ma conjointe cesse enfin son abominable supplice en stoppant ses attouchements inappropriés au contexte actuel.

– Une de mes collègues réfléchit à faire adopter ses chiots, nous indique Zelena au cours de la conversation de groupe, vous ne seriez pas intéressés, par hasard?

A l'évidence, mes parents et ceux de ma dulcinée répliquent de façon négative. Pour cause, tous en possèdent déjà au sein de leurs foyers respectifs. Comme je m'y attendais, ma demi-sœur pose son regard suspicieux sur moi. C'est vrai, nous sommes les seuls à ne détenir aucune créature à la maison. Et si la rouquine s'apprête probablement à m'assigner une remarque à ce sujet, elle n'est pas l'unique à le vouloir. D'ailleurs, le chérubin installé à sa droite trépigne d'impatience à propos de notre réaction à venir. A son âge, n'importe qui souhaite le meilleur des camarades de jeu. Que celui-ci soit à poils, à plumes ou à écailles, Henry a toujours compté sur la présence d'un animal domestique auprès de lui.

– Je sais que quelqu'un ici serait heureux d'en avoir un, relevé-je devant la bouille envieuse du cadet, mais ça engendre plusieurs responsabilités. Tu l'as appris un jour mon trésor, tu t'en souviens?

** 11 avril 2018 **

Je soupire lorsqu'une secousse me tire de mon profond sommeil. Mon premier réflexe aurait pu être de blâmer ma copine sur-le-champ. La concernée me réveille souvent ainsi lors de mes grasses-matinées, mon incertitude s'avère donc légitime. Toutefois, la chevelure dorée que j'aperçois sur le matelas m'informe de mon erreur. Par la force des choses, j'arrête de lutter et ouvre les paupières. Étonnamment, ma vue s'acclimate vite à la faible lumière ambiante. En revanche, je fronce les sourcils face au minois inquiet de ma progéniture, à quelques centimètres de moi. Que se passe-t-il encore?

Au pied du sapin [SWANQUEEN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant