14 - La Saint-Valentin

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** 24 décembre 2019, à Paris. **

* Emma *

– Mon chéri, les parents ressentent parfois le besoin de se retrouver ensemble, argumente ma brune.

– Pourquoi? Vous m'aimez plus?

Les individus attablés se retiennent de rire aux questions spontanées du benjamin de la famille. Tous y parviennent – moi y compris – malgré la réaction non discrète de Regina. Les pupilles de celle-ci sortent de leurs orbites sous la surprise. Durant quelques secondes, un silence inhabituel trône au sein de la pièce. J'adresse une œillade de soutien à ma moitié qui déglutit avec difficulté. Son embarras se lit sur ses traits pourtant le jeune garçon ne s'en soucie guère. Ses prunelles enfantines scrutent sa locutrice tandis que la concernée ne sait plus où se mettre. D'ailleurs, son teint cramoisi de gêne ne semble pas ralentir Henry dans son élan. S'il a envie d'un éclaircissement de la situation, il finira par l'obtenir.

– L'amour que nous te portons est éternel, rien ne pourra effacer cela. Cependant, certains moments restent privilégiés pour les adultes, comme ta maman et moi, tu comprends? tente-t-elle d'expliquer du mieux possible.

Mon fils hausse les épaules, dubitatif. Son intelligence avancée doit soupçonner qu'un ou plusieurs éléments ne tournent pas rond. En revanche, sa méconnaissance sur le sujet ne lui permet pas de saisir l'intégralité de l'histoire précédente. Heureusement, personne n'aura à lui retracer les détails croustillants de cette journée-là. Du moins, pas aujourd'hui.

Ma compagne se sert une deuxième tranche de gâteau sous mon regard amusé. Son immense gourmandise s'avère invisible à première vue grâce à sa taille de guêpe. Manger ce que l'on désire sans grossir d'un kilos; beaucoup en rêvent mais peu réussissent. Néanmoins, ma camarade a la chance de détenir cette capacité innée. C'est pourquoi elle ne se prive jamais du moindre excès, dans la limite de l'acceptable à ses yeux.

– Retire ce sourire malicieux tout de suite, Em'! décrète ma conjointe, la bouche pleine de chocolat. Et au lieu de m'observer en train de savourer ce succulent dessert, raconte plutôt un autre souvenir. C'est à toi de jouer.

Mon rictus déjà apparent s'accentue encore. En effet, mon tour est venu de relater un énième récit. Mon cerveau s'active alors à la recherche d'une nouvelle anecdote. Une tâche compliquée puisque la plupart des événements importants de notre relation ont été délivrés au cours de la soirée. Bien sûr, des péripéties en tout genre demeurent secrètes. Par exemple, la majorité de nos petites aventures quotidiennes sont ignorées de nos proches – du chérubin, en particulier.

Je baisse la tête vers mes jambes. D'un geste mécanique de la main, j'essuie une poussière incrustée sur ma tenue. J'adore la couleur blanche. Synonyme de pureté, de paix et d'innocence, sa simplicité me correspond à part entière. Seul point négatif : cela se salit assez facilement. Mon esprit se concentre une minute sur mon vêtement, comme pour déclencher une illumination mentale. Puis, telle une ampoule s'allumant au-dessus de mon crâne, une idée me vient. Le voilà le prochain épisode.

** 14 février 2015 **

Je me gare face à l'immeuble de ma dulcinée, troublée par son dernier texto. Son message remonte à une demi-heure environ et me quémande de la rejoindre au plus vite à son domicile. Ni plus ni moins. Aucun motif évoqué, juste une unique phrase dénuée de justifications. Au début de notre liaison, j'aurais passé le trajet à cogiter, à m'inquiéter à l'égard de ma partenaire. Maintenant, mes pensées se montrent différentes. Il m'arrive toujours de me tourmenter quand nous sommes éloignées ou qu'un imprévu surgit à son travail. Mais en dépit de mon caractère prévenant, je deviens davantage sereine vis-à-vis de mon couple. Une forte et perpétuelle confiance s'est instaurée entre moi et ma bien-aimée au fil des ans. Une union solide à laquelle se raccrocher si nécessaire.

Au pied du sapin [SWANQUEEN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant