8- La rupture (passagère?)

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** 24 décembre 2019, à Paris. **

* Emma *

Les iris de ma moitié pétillent tout au long de son récit. Ce septième fragment de notre histoire paraît divertir l'ensemble de nos convives et Henry en particulier. Notre fils se dandine sur sa chaise, un énorme sourire sur sa bouille enfantine et les pupilles remplies d'étoiles. Je sens mon cœur se gonfler de bonheur en le voyant émerveillé à ce point par les aventures qu'il entend depuis le début de la soirée. Lui qui était si pressé d'ouvrir ses cadeaux lors des précédents réveillons n'a rien réclamé ce soir. En revanche, à peine ma compagne a-t-elle fermé la bouche pour siroter son verre de champagne que le petit redemande un épisode de son conte favoris. Celui qu'il a baptisé «Mes mamans» quelques minutes auparavant.

– C'est trop bien d'être amoureux, moi aussi je veux ça! s'extasie-t-il, admiratif. On est toujours heureux, c'est beau.

– Tu as encore le temps pour connaître l'amour, lui assure Cora avec bienveillance.

– Grand-mère a raison et puis parfois, deux personnes s'aiment tellement fort qu'elles peuvent se disputer ou même se séparer. Heureusement, les choses finissent souvent par s'arranger ensuite.

Les phrases de Regina réveillent une image douloureuse dans mon esprit. Une représentation qui équivaut au souvenir le plus destructeur de ma relation conjugale. Et de ma vie en général. Je risque un coup d'œil en direction de ma partenaire, sachant que sa tirade précédente découle de notre passé commun. Le regard chagriné qu'elle me retourne confirme mon hypothèse, me faisant froncer les sourcils. J'attrape sa main et la serre avec tendresse, visant à lui montrer que cela est derrière nous. Que je suis là, maintenant. Que je le serai toujours. 

Sa peau frissonne à mon contact mais je la sens se détendre sous les caresses de mon pouce sur sa paume. Ses doigts se pressent autour des miens pour m'empêcher de rompre notre échange. Lorsque mon âme-sœur se comporte ainsi c'est dans le but de masquer ses sentiments, quels qu'ils soient. Voulant donc évincer les mauvaises sensations qui l'envahissent, je m'avance vers elle avant de l'embrasser avec toute la délicatesse du monde. Un affectueux baiser d'une fraction de secondes qui suffit à nous emporter sur un petit nuage. Notre cocon remplit d'amour. Notre bulle, rien qu'à nous.

– Oui mais pas vous! renchérit le chérubin, toujours autant énergique. Ça ne vous ait jamais arrivé, hein?

Ma petite-amie se crispe aussitôt à ma droite. Je réprime une grimace quand ses ongles s'enfoncent par mégarde dans mon épiderme, sachant que sa réaction est immédiate et involontaire. Je sais que ma dulcinée éprouve de la culpabilité à propos de la tournure que les événements ont pris il y a quatre années. Elle s'en veut toujours alors que j'ai aussi ma part de responsabilité. Je souhaite lui rappeler cette fatalité qu'elle a tendance à oublier dés que l'un de nos proches y prête allusion en lui offrant un rictus. Je consulte ma brune d'une œillade interrogatrice et son bref hochement du menton me confirme son accord. Je commence à raconter cet extrait sensible de notre liaison, non sans mal.

** 21 juin 2015 **

– Tu passes ton temps à être jalouse pour un rien, j'en ai marre! m'agacé-je en faisant les cents pas.

– Excuse-moi de ne pas apprécier que tu distribues des sourires charmeurs à tous les types que l'on croise! s'exclame ma conjointe, haussant la voix.

Mains sur les tempes et paupières fermées, je souffle un grand coup. Lorsque mes prunelles se reconnectent avec l'environnement qui m'entoure, elles tombent nez à nez avec l'horloge arrondie qui orne l'un des murs de son séjour. Il est dix-neuf heures vingt-cinq et je perds patience. Je ne saurais dire si c'est en raison de l'épuisement qui m'engloutit pendant ce jour chaotique ou à cause de la crise de ma moitié qui dure depuis le milieu de l'après-midi.

Au pied du sapin [SWANQUEEN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant