22 - Le réconfort

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** 24 décembre 2019, à Paris. **

* Emma *

– Ensuite, le chaton a disparu aussi vite qu'il est venu et nous ne l'avons jamais revu.

Quand Regina clôture ce vingt-et-unième souvenir, notre fils hoche la tête pour confirmer ses propos. J'avoue que l'idée de ramener ce sujet sur le tapis ne me satisfait que très peu. J'aime les animaux et je sais ô combien Henry souhaiterait en posséder un au quotidien. Néanmoins, les nombreuses griffures et mini-traumatismes que j'ai enduré au cours de ma jeunesse ne me manquent en rien. A l'opposé, cela a crée une forme de rejet de ma part. Sans parler des importantes responsabilités incluses, de la saleté et j'en passe. 

Le bonheur de ma progéniture s'avère essentiel à mes yeux. Toutefois, je ne suis pas prête à me confronter à de telles contraintes pour le moment. En revanche, nous pourrons peut-être en discuter à nouveau dans plusieurs années.

– Je veux des histoires! réclame l'infatigable bambin, tourné en ma direction.

Mes beaux-parents rient de son enthousiasme en débarrassant la vaisselle restante sur la table. Le repas est terminé depuis longtemps sans que l'on ne bouge pour autant. C'est donc sous mon initiative que chacun participe aux tâches ménagères à sa manière. Certains emmènent les débris et couverts à la cuisine, d'autres se sont occupés de remettre le salon en ordre. Entre le dîner tardif et la partie de cache-cache entamée plus tôt, un peu de rangement n'est pas de refus. Je me réinstalle à ma place, agacée par l'inconfort de mes chaussures. Les talons que je porte aujourd'hui sont mes préférés, c'est indéniable. D'ailleurs, ils seraient parfaits si je n'avais pas les pieds en compote à présent.

Je jette un coup d'œil à ma montre; minuit sonne dans une heure, environ. A cette pensée, ma main droite se glisse à l'intérieur de mon sac, lui-même accroché au dossier de ma chaise. Comme prévu, mon pouce heurte la petite boîte dissimulée ici avant notre départ de la maison – soit en fin d'après-midi. Une vague de nervosité m'envahit soudain. Serais-je à la hauteur?

– Em'? C'est à toi d'en raconter une, il me semble.

Je sursaute à la prise de parole de ma conjointe. La concernée ainsi que l'ensemble des invités me consultent du regard. Au vu de leur expression faciale similaire, mes réflexions internes n'ont échappées à personne. Encore moins à la femme partageant ma vie puisqu'elle me dévisage avec un mélange d'inquiétude et d'amour. Afin de la rassurer, je lui envoie un sourire sincère qui – je l'espère – suffira à masquer mon début d'appréhension. Je ne dois pas me faire remarquer. Pas maintenant.

– En effet, c'est à mon tour. Et justement, une anecdote me revient en mémoire, me repris-je en démarrant un énième récit.

** 16 janvier 2017 **

– Au secours!

Ce cri aigu perfore mes tympans et mes paupières s'ouvrent à la seconde où il est émis. Croyant reconnaître la voix de mon enfant, je me redresse en trombe dans le lit. Assise, j'inspecte le réveil situé sur ma table de chevet. Cinq heures quinze du matin. Devant l'urgence de la situation, mon cerveau se déconnecte un instant, laissant mon subconscient guider mes actions. Mes bras évincent les draps de mon corps tandis que mes jambes m'aident à me mettre debout. Le parquet glacé sous mes orteils n'est que dérisoire, je ne m'en formalise guère beaucoup. Ce n'est qu'en ayant allumé ma lampe nocturne que je me rappelle de ma compagne à mes côtés. Celle-ci se manifeste lorsque j'enfile mon peignoir en quatrième vitesse.

– Qu'est-ce qu'il se passe? Tu vas où? m'interroge ma partenaire d'un ton endormi.

– Vérifier quelque chose, t'inquiète pas.

Voilà les seuls mots que je crache avant de me précipiter vers la chambre de l'intéressé. Mes doigts tremblent quand j'active la poignée de sa porte. Malgré l'obscurité de la pièce, je discerne entièrement la silhouette de ma progéniture. A demi-relevé sur son matelas, le chérubin halète. Ma propre respiration s'accélère face à cette vision troublante puis je me dépêche de le rejoindre. Le peu de réflexes musculaires disponibles en moi me poussent à toucher son front. Pas de fièvre à première vue mais une légère chaleur tout de même. Et surtout, une transpiration excessive pour un individu au repos. Je le constate en palpant ses paumes; elles sont en sueur.

– Mon ange, tu as mal? Tu es peut-être malade, je devrais prendre ta température.

– Non, j'ai vu un monstre, parvient-il à bafouiller avec peine.

Un cauchemar. Un moment, je me remémore les infimes fois où Henry en a été victime. Comme chaque gamin, ça lui est arrivé à de nombreuses occasions. Cependant, ses tourments ne l'ont jamais mis dans un tel état de terreur. Lors de mon adolescence, j'ai vécu une scène identique durant plusieurs nuits consécutives. Afin de me calmer, mes géniteurs m'encourageaient à exprimer mes tracas. D'après eux, cette méthode contribue au fait de s'apaiser et d'interpréter le sujet de nos angoisses. Actuellement, je n'ai toujours pas saisis le sens des miennes mais le mécanisme pourrait fonctionner sur le garçonnet. Ne serait-ce qu'en partie.

En adéquation à mes pensées, je caresse son dos avec tendresse dans le but de le mettre en confiance. A son âge, les moindres émotions sont décuplées par une imagination débordante. Et dans le cas de mon locuteur, cette affirmation se montre davantage véridique. Son immense passion pour les livres lui a permis de se construire une bulle, une armure contre les parasites néfastes. Néanmoins, cela engendre aussi un grand développement créatif ainsi que des songes réalistes et riches en détails. Sans doute trop, parfois.

– J'étais ici, dit-il en désignant sa couchette, mais je ne pouvais pas bouger. Ma couette me serrait à la gorge et un méchant m'observait là-bas.

Je suis son mouvement de tête du regard et comprends ce dont il s'agit. Un coin de la salle est occupé par une chaise où des vêtements sont empilés en désordre. Notamment ceux prévus pour la journée du lendemain, en plus d'un ou deux pyjamas. Notre proximité m'oblige à entrevoir des résidus de frayeur au sein des prunelles grises enfantines. Ses sourcils se froncent et ses traits virent au dégoût à l'égard du tas d'habits inanimés. Leur disposition aléatoire mêlée à la pénombre rendrait tout le monde perplexe – pendant un court instant, du moins. Il n'est donc pas étonnant que Henry ait pu croire à la présence d'une bête épouvantable en sortant de son hallucination. Au contraire.

D'un geste bienveillant, je déploie la main jusqu'au mur dans l'objectif de solliciter l'unique ampoule du dortoir. Les délicats rayons jaunes éclairent certains endroits du lieu en question, à commencer par ladite garde-robe réduite. J'offre un sourire affectueux à mon fils dès que sa bouille mi-rassurée mi-confuse pivote vers moi. Ses iris ronds examinent ma figure à la recherche d'un ultime appui, d'un dernier soutien.

– Ce n'était qu'un mauvais rêve, trésor. Tu sais, notre esprit invente souvent de fausses choses mais cela ne se produira pas en vrai, lui certifié-je pour atténuer ses craintes.

Ses lèvres s'élargissent en un fin rictus, preuve de sa sérénité semi-retrouvée. Lorsque je lui suggère de se détendre, il hoche le menton avant de s'allonger sous sa couverture bleue et blanche. Je le borde correctement afin de l'empêcher d'attraper froid, tout en lui procurant un sentiment de sécurité supplémentaire. Ma progéniture enroule ses petits bras autour de mon cou et me chuchote un ''merci maman'' à l'oreille. Mon cœur se gonfle de joie à l'entente de son timbre chaleureux. J'embrasse son crâne à hauteur de son cuir chevelu puis le laisse se rendormir avec tranquillité. Après ce désagréable contre-temps, Morphée ne devrait pas tarder à emporter mon jeune prince auprès de lui.

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Il ne reste plus que deux chapitres avant la fin (+ l'épilogue), on s'en rapproche! J'ai hâte de vous dévoiler la fin (qui est déjà écrite, d'ailleurs ^^) même si cette histoire va me manquer (je l'aime beauuucoup trop ^^)! A bientôt pour la suite!

Au pied du sapin [SWANQUEEN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant