Des sols bruns rouge de Maradi au bitume crasseux de la seine Saint Denis

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Enfant un drame a changé ma vie.

A cinq ans le décès de mon père m'a obligé de me défaire de l'illusion sécurisante selon laquelle il pouvait être invincible et immortel.

Sans une famille au complet on n'est comme coincé dans un sablier qui sert à chronométrer le temps. Et où le vent de la tristesse se transforme dans notre esprit en une violente tempête de sable.

Puis avec la volonté on décide de l'affronter et de la traverser et tous fini par s'éclaircir dans la vie.

Mon mal-être s'est exprimé jusqu'à mes dix ans par des plaintes somatiques.

Puis en grandissant j'ai découvert que mes deux meilleurs amis avaient aussi des épreuves de santé ou de famille pouvant rendre leurs vies difficiles.

La vie ne tient qu'à un fil et c'est avec le même qu'on doit apprendre à coudre toutes nos plaies.

Pour ma part j'ai quitté Niamey à cinq ans avec ma mère pour vivre à Maradi chez mon oncle Moussa jusqu'à mes dix ans jusqu'au jour où ma maman m'a annoncée que nous allions partir pour la France :

-« Akil dans dix jours nous partons pour Paris.

Tu verras c'est très beau il y a des fontaines d'eaux et des parcs avec des jeux »

-« Ah bon et mes amis Hassane et Houssein ? »

-« Ça restera tes amis.

Mais là tu vas partir pour tes études et tu te feras de nouveaux amis. »

Ma mère ne s'entendait pas trop avec l'une des femmes de son frère, mais comme elle ne voulait pas lui dire elle a préféré qu'on parte sagement en gardant tous ces détails pour elle.

Je pense d'ailleurs que cette mésentente avec sa deuxième épouse a rapidement accéléré notre départ vers la banlieue Nord de paris.

Comme le mari de la sœur à ma mère allait définitivement revenir au Niger après avoir fini ses études il s'est occupé par un réseau d'amis à nous trouver un appartement à Villepinte.

J'avais dix ans lorsque j'ai quitté le Niger le cœur lourd et rempli de questions. Je me rappelle très bien du moment où l'avion a décollé j'ai regardé à travers le hublot en mâchant un chewing-gum lorsque l'avion s'éleva en haut du ciel pour me laisser voir peu à peu disparaître l'étendue du fleuve Niger.

Sous mes yeux je le voyais doucement rapetisser en gagnant progressivement de l'altitude sous les reflets des rayons du soleil en fixant avec une légère inquiétude en regardant l'aile de l'avion traverser les nuages.

À cet instant je me demandai vraiment à quoi allait ressembler ma nouvelle vie.

Je venais à peine de quitter ma zone sahélienne qu'après quelques heures d'avion et une course de taxi je suis arrivé en plein centre d'une jungle bitumée avec ma mère.

En sortant du taxi d'un chauffeur qui avait l'air pressé j'ai posé une question à ma mère avant de manquer de me faire renverser par une bécane de crosse qui fonçait sur une allée pour faire ses levées de roue:

-« Maman où est-ce qu'elle est la Tour Eiffel ?»

-« ici il y a des Tours mais pas celle d'Eiffel.

La vie mon fils ce n'est souvent pas comme on te la présente sur les cartes postales.

Viens ! On va aller voit à qui ressemble notre nouvelle maison.»

En une fraction de seconde ma mère agrippa mon tee-shirt pour me tirer vers elle au moment du passage d'un motocross qui frôla mon pied.

À cet instant j'entendis la puissance d'une onomatopée provenant de sa bouche avant qu'elle s'enflamme pour faire la morale.

-« Tchiiiip!

Akil!

Fais attention ici ce n'est pas comme en Afrique.

Si tu tombes ce n'est pas certain que quelqu'un vienne te relever.

Tu gardes les yeux ouverts et tu fais attention à toi.

C'est compris!? »

-« Oui ! Désolé maman. »

Elle m'a caressé un instant le crâne avant que nous marchions en trainant nos valises sur une trentaine de mètres avant de nous engouffrer en plein cœur du quartier pour au bout de quelques minutes trouvé l'adresse qui menait jusqu'au pied d'un vieil immeuble à la façade marquée par le temps.

Devant le hall un groupe de quatre jeunes discutaient entre eux.

En arrivant nous sommes brièvement salués par une dizaine de gosses perchés en ligne assis sur une barrière rouillée.

En entrant dans l'immeuble une furtive transaction se produit entre deux hommes sans que nous y prêtions attention.

Ça y'est la porte de l'ascenseur s'ouvre et nous appuyons sur le quinzième étage pour enfin retrouver notre nouveau logement.

Dès qu'elle voyait que je semblais trop pensif.

Ma mère m'a toujours valorisé en cessant de me répéter que je finirais par devenir quelqu'un d'important.

Pour donner un espoir à quelqu'un il suffit simplement d'impulser à son esprit que le meilleur existe et qu'il pourrait ressembler à demain.


Jusqu'à la mort du Franc CFAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant