Callie: L'envers du decor

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*Callie*

Samedi midi, j'arrive "Au cabaret", heure à laquelle ma grand-mère de substitution se lève. Elle a les yeux qui collent encore un peu dû au maquillage de la veille. Je pousse les quelques bouteilles traînant sur le comptoir du bar pour mettre le sac en papier que j'ai ramené. Depuis le début de l'ouverture de la boîte, nous enchaînons les records d'affluence, attirant chaque semaine de nouveaux clients. Comme le dirait ma grand-mère Ursula : "Si tu veux que ton entreprise prospère, vise un large public."
Elle a sans doute raison au vu du succès d'hier. Même si cela l'oblige à faire quelques concessions. J'espère que le départ de Zac ne va pas trop l'affecter car à la maison VonCartier rien n'est plus pareil.
De sa voix rauque, mamy Ursula râle sur mon ami Bryan. Il est tellement mignon dans son baggy, son marcel blanc et sa casquette en arrière avec un bandana en dessous. On dirait vraiment un gamin prépubère.

- Tu crois que le décor du spectacle va s'accrocher tout seul Bryan ?

Il ne dit rien mais n'en pense pas moins quand je le vois lever les yeux au ciel.

Une ombre se profile dans l'embrasure de la porte d'entrée des artistes. Le dernier arrivant se pointe la fleur au fusil tout en se déhanchant comme une diva avec son bel imper noir sur l'épaule.

- Bonjour mes amours, maman a découché cette nuit mais elle est revenue toute revigorée, nous dit Tim en se tremoussan.

Il embrasse la maîtresse de maison avec deux bises qui ne touchent pas son visage. Tim s'approche de nous et Bryan lui raconte que la reine mère est d'humeur massacrante.

- J'espère que tu as ramené sa dose Callie car sinon tu recevras l'une de ses tentacules en pleine figure, me prévient Tim.

- Je ne suis pas encore sourde mes petits loups, s'insurge notre grand-mère.

- Ne t'inquiète donc pas bel apolon, j'ai ramené tout ce qu'il faut sur le plan du bar, lui chuchoté-je avant de me retourner sur notre adorable grand-mère.

Après cette plaisanterie, je m'attèle à rendre notre moment à quatre des plus agréables. Je sors du sachet kraft : un moka latte pour notre reine, un cappuccino pour notre grande Diva et deux thés aux baies de goji avec un soupçon de sucre pour mon ptit poussin et moi même. Quelques viennoiseries sur un plateau argenté vintage comme l'ambiance dancing queen qui règne autour de nous. La boule à facette ne tourne pas mais son coté kitch plaît toujours autant et fait plein d'effets sur le dancefloor.
Une petite réunion s'improvise autour de notre déjeuner et les instructions de grand-mère Ursula arrive rapidement :

- Bryan, n'oublie pas de mettre les confettis et les paillettes dans la malle cette fois-ci.

Il acquiesce sans mot dire. Tandis que ce beau brun de Tim toujours bien apprêté en toutes circonstances, prévient sa mère qu'il ne portera pas une fois de plus l'horrible perruque rousse. Une petite dispute se profile. Bryan et moi nous nous éclipsons dans les loges sans chercher à savoir qui aura le dernier mot. Au lieu de cela, nous préparons les accessoires pour la scène de ce soir car le cabaret écrira un nouveau chapitre de son histoire dans ce nouveau bâtiment. Celui de nouveaux show dont le mien que j'ai préparé depuis un bout de temps avec mon pote Vince.

Tout en plaçant le décorum, Bryan me demande ni vu ni connu :

- C'était qui ce beau gosse avec ton Christian Grey ?

- Déjà ce n'est pas mon Monsieur Christian Grey, il n'est pas mon style. Beurk, un mec aussi coinsoss très peu pour moi. Et puis, tu connais mon penchant pour les types baraqués comme Vin Diesel.

- Bon sinon, tu sais s'il est celib' l'autre beau gars ?

- Je n'en sais rien mais crois-moi ce mec est un pur hétéro tout ce qu'il y'a de plus cliché. Cole m'a dit que c'est son pote qui a eu l'idée d'inviter des cowgirls pour qu'ils puissent s'amuser.

- De toute façon, le petit hétéro j'en fais mon affaire.

- Tu veux toujours draguer l'impossible.

- C'est ce qu'il y a de plus intéressant sinon la vie d'homo ne serait pas aussi palpitante, repousse t-il sa chevelure imaginaire en arrière.

- Ce n'est pas tout ça mais j'ai rendez-vous. Donc activons-nous pour que tout soit prêt.

Une fois les préparatifs terminés, je pars vite à mon cours de danse. C'est ce qui me permet, entre autre, de payer mon loyer. J'espère que mon show du weekend sera aussi payant que les autres de l'ancienne boîte d'Ursula. J'aime pouvoir m'exprimer sur scène, que l'éclairage suive mes pas pour envoûter la salle.
En bas de l'immeuble, je me précipite pour ouvrir aux premiers parents arrivés. Je leur dis que je vais vite me préparer. Ils savent à quel point la ponctualité n'est pas mon fort. J'ai de la chance que les progrès de leurs progénitures suffisent à ce qu'ils ne m'en tiennent pas rigueur. J'entraîne essentiellement des petites filles de 6-7ans mais j'ai aussi des adultes qui veulent apprendre les différentes danses latines. J'ai cela dans le sang depuis que je suis gamine. Mes origines n'étant pas en reste, je sais de quoi je parle grâce à mon padre qui aime tant danser contrairement à ma soeur et ma mère.

Pour le cours du jour, je reprends où nous en étions la semaine dernière. Les pas de la chorégraphie étant rappelés, nous pouvons passer à la suite. J'aime sentir tout mon corps vibrer au son et à la rythmique endiablée de la salsa cubaine.

***
De retour à mon appart, je dépose mes affaires dans ma chambre sinon ma colloc va me faire la tête. Shrek entend mes pas et me saute dessus dès qu'il me voit. Je le récupère dans mes bras, il me lèche de partout...Beurk, il pue de la gueule. Qu'est-ce qu'il a encore une fois mangé ?

- Jodie ! Crié-je à travers tout l'appartement. Qu'as-tu donné à mon chien ?

- Rien et tu sais pourquoi ?

Je ne réponds pas connaissant déjà ce qu'il en est.

- Parce que je ne suis pas dogsitteuse. Je tolère simplement ce chien pour toi.

- Jojo ne soit pas si désagréable devant mon shrekounet, dis-je en pinçant les joues de celui-ci. Il t'adore, tu sais.

- Oui, eh bien ton chien mange tout ce qui traîne donc ne t'étonne pas si un jour il meurt empoisonné au dentifrice.

- Tu voudrais vraiment mettre fin à la vie de cette bouille d'amour, lui montré-je le minois tristounet de Shrek ainsi que le mien.

- Oust ! Vous deux ! J'ai du travail à fournir pour un client des plus exigeant. Quant à toi boule de poil, se tourna-t-elle vers mon griffon. Ne viens plus manger mes barres de céréales. Puis Jodie nous claqua la porte aux nez.

- Ok ma Geek préférée, mon petit shrekounet ne viendra plus dévorer tes biscuits de régime. Encore faut-il ne pas les laisser traîner, haussé-je le ton pour qu'elle l'entende.

Comment peut-on appeler ça des barres minceur ? Ça ressemble plus à des biscuits pour chiens. Pas étonnant que Shrek en soit friand. Je me pose tranquillement sur le sofa et dépose mes pieds sur la table basse. Je sens mon corps s'alourdir sous le poids du sommeil quand Shrek me saute dessus, me réveillant ainsi en sursaut. Alors que j'allais lui râler dessus, je me rends compte qu'il est déjà l'heure de partir « Au Cabaret ».

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Never seen the rainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant