Jour 1

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C'était un matin comme les autres. Le réveil a sonné et je l'ai éteint. Je me suis rendormie comme à chaque fois avant que le second réveil de 6h10 vienne me réveiller à nouveau. Je suis descendue et il y avait toujours cette odeur merveilleuse de mon enfance, mélange de pain grillé, chocolat chaud et café. Comme à son habitude maman était déjà levée et lisait son journal, en laissant les doux rayons du soleil de printemps venir peindre son visage d'une couleur dorée. Elle était comme ça depuis toujours, à l'arrivée des beaux jours, à boire son café tout en lisant le journal, assise dans le fauteuil juste à côté de la fenêtre,en attendant que je me lève. La plupart du temps, elle venait me réveiller, parce que j'avais pris la mauvaise habitude d'éteindre mon second réveil et de me rendormir juste après, en pensant qu'un nouveau viendrait perturber mon sommeil.

Enfin voilà, une matinée normale dans la vie normale d'une fille normale. Rien de plus normal.

J'ai pris deux tranches de pain que j'ai fais grillé et que j'ai tartiné de confiture ainsi qu'un chocolat chaud, et je me suis assise en silence sur l'une des quatre chaises qui entouraient la seule et unique table de cuisine.On échangeait peu de mots le matin avec maman. On préférait seulement s'asseoir, manger et regarder le soleil se lever peu à peu. Fut un temps, on allumait la télévision et on aimait regarder les informations du jour. Mais, depuis quelques mois, plus rien. Maman s'était lassée de toutes ces infos qui revenaient en boucle. Ils ne faisaient que parler de l'Amérique.

Au mois de février dernier,en un temps record de deux jours, et par on ne sait quelle prophétie,le continent Américain tout entier s'était retrouvé enfouit sous l'océan.

C'était un drame planétaire, c'est vrai. Toute la France, le lendemain de la tragédie s'était réunie dans les rues, et nous avions chanté en cœur, pleuré et prié pour tous ceux qui étaient désormais partis.C'était triste, et à la fois beau, tous ces gens, qui chantaient en cœur pour des milliards de personnes qu'ils ne connaissaient pourtant pas. Certains avaient réussi à s'enfuir de l'Amérique je ne sais comment. Mais les dégâts étaient plus que considérables.

Nous suivions toutes les nouvelles informations sur la disparition du continent, mais les jours passaient, et nous n'avions toujours pas la réponse à la question que nous nous posions tous le plus : pourquoi ?Pourquoi avoir fait disparaître ce continent si grand ? Il était clair qu'il ne s'agissait pas d'une catastrophe naturelle, car les météorologues et autres scientifiques s'en seraient rendus compte. Quelqu'un était derrière ce désastre sans nom, un monstre,qui vivait encore probablement, en sachant qu'il avait ôté la vie à quelques milliards de personnes. 

Bref, nous en avions eu marre. Cela faisait maintenant plus de deux mois que la tragédie était passée , et toujours aucune réponse. Nous avions lâché l'affaire, et laissé le mystère planer à jamais dans nos esprits.

Malgré tout, la vie en dehors reprenait son cours, j'entamais déjà la fin de mon année de seconde. C'était mon moment favori de l'année, le début du printemps, quand le soleil revenait après sa longue trêve hivernale, redorer les rues de Paris.

Rien ne changeait depuis toutes ces années, les hivers étaient toujours aussi froids, les étés toujours aussi chauds. Tout le monde recommençait à sortir dans les rues, comme si le fait que le soleil soit de retour changerait la routine habituelle.

C'était les deux derniers mois avant la fin de mon année scolaire, et il faut avouer que cela m'était égal. J'avais passé une année ennuyante. Ma classe n'était pas comme celles qu'on voit dans les films, où tout le monde est soudé et s'entend bien, il faut dire que c'était plutôt l'inverse. J'étais seule. Tout le temps seule. Il faut avouer que cela ne me dérangeais pas tant que ça, la solitude n'est pour moi pas un problème. Et, avouons le, quand on est seul, il n'y a personne pour venir nous causer des ennuis.

En cours, j'écoutais souvent, mais parfois, quand la fatigue me prenait, je me mettais subitement à dessiner. Je dessinais des choses sans aucuns sens, des formes, des genres de logos. Je ne sais pas pourquoi mais ça me faisais du bien.

Dans ma classe, je parlais parfois à quelques personnes, mais cela s'arrêtait à là. Pas de réelles amitiés. Maman s'en inquiétait parfois, mais je lui disais que tout allait bien et j'inventais même des fausses histoires en lui faisant croire que j'avais des amis, mais que leurs parents étaient sévères et ne voulaient pas qu'ils invitent de personnes chez eux pendant les périodes de cours. Quand c'était les vacances,je lui disais que j'avais beaucoup de devoirs et qu'il fallait que je me concentre pour mon avenir. Parfois c'était vrai, mais c'était aussi souvent faux. Je dois avouer que je n'étais pas fière de lui mentir comme ça, mais je voulais juste qu'elle ne s'inquiète pas trop. Elle était admirative, et aimait me regarder travailler, et venter à ses collègues mes bonnes capacités à l'école.

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Comme je vous le disais avant, aujourd'hui était un jour comme les autres, une rentrée scolaire parmi tant d'autres. Après avoir déjeuné, j'ai enfilé ma veste et mes baskets et je suis partie à l'arrêt de bus à pied. Maman partait en même temps que moi, mais devait prendre un autre trajet. Alors, je marchais. Ce n'était pas si désagréable, je prenais mes écouteurs et marchaient pendant quinze longues minutes jusqu'au bus. En hiver c'était autre chose, mais il faut avouer qu'en cette fin d'avril, le trajet était plutôt agréable.

J'arrivais au lycée et même routine, cours, déjeuner et encore cours. Je ne mangeais pas à la cantine, mais dans un petit parc à côté, et c'était probablement le moment que je préférai : être seule, tranquille, sans avoir à subir le regard des autres...

Je rentrais entre 17 et 18 heure, goûtais, faisais mes devoirs, regardais la télé, et les jours d'après pareil, et encore pareil, jusqu'au week-end.

Maman était la seule personne à qui je tenais encore sur cette planète. Elle était ma meilleure amie, ma seule famille. Nous avions nos petits rituels à nous, nos secrets... C'était la seule personne en qui j'avais confiance. Je lui racontais tout.


Si seulement j'avais su.

ALONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant