Jour 9 (partie 2)

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Je me suis réveillée, angoissée et apeurée dans le canapé. Il était 10 heures du matin, et nous étions le mardi 1er mai, jour férié. Il m'a fallu plusieurs minutes pour comprendre que la discussion que j'avais eu précédemment n'était rien d'autre qu'un cauchemar... Mais je n'arrivais toujours pas à me mettre en tête qu'il était possible que ce ne soit que cela, un mauvais rêve. Et si c'était un message? Et si tout cela était réellement de ma faute? Si maman avait disparu par ma faute, si papa était mort à cause de moi ? Je ne savais vraiment plus quoi faire...

Je me suis levée et j'ai regardé dans toute la maison, mais toujours aucune trace de maman... C'était si dur de ne pas la voir. Le deuxième jour sans elle venait de commencer et je ne sais pas comment j'avais pu garder espoir durant celui d'avant. Après la nuit mouvementée que je venais de vivre, tout ce que je ressentais n'étais plus que de la tristesse. Je me sentais terriblement mal. Bordel, où était-elle ? J'ai laissé un message sur sa boîte vocale, en sanglots: " Maman... t'es où? Ca fait deux jours que je ne t'ai pas vu, c'est si long... Pourquoi tu es partie comme ça, sans donner de nouvelles ? Reviens, je t'en pris, ou écris-moi, dis moi juste où tu es. Je m'inquiète tellement, maman, j'ai peur. Je...je ne peux pas vivre sans toi, tu sais ? Par pitié, reviens...".

Je suis restée quelques minutes allongée dans le canapé, à fixer le plafond, comme hier soir. Puis, j'ai fini par me lever et aller prévenir la police. J'ai enfilé ma veste et je suis partie en vélo. Il était déjà 10 heures. Personne dans les boutiques, écoles ; tout était fermé. Je me suis alors dirigée en direction de la police de garde, au centre du 11ème arrondissement. En temps général, j'aurai pris le métro, mais même là, la plupart des itinéraires étaient annulés (du moins non présents car c'était un jour férié).

Je sentais mauvais, j'avais les cheveux ébouriffés, comme si j'étais partie sur un coup de tête en plein milieu de la nuit. Mais bon qu'importe, j'étais accrochée à ce dernier espoir de retrouver ma mère, et plus rien ne me dérangeai autour, pas même l'avis des quelques personnes qui venaient se promener dans la rue.

Je suis rentrée dans le grand bâtiment, qui était pourtant presque vide,et je me suis dirigée au secrétariat. J'ai demandé un avis de recherche, la femme m'a demandé d'attendre quelques minutes et j'ai fini par me faire interroger par un policier. Je me suis installée sur une chaise, face à lui, dans une petite salle, où j'ai rempli toutes les informations, dans les moindres détails. Le policier a donné le numéro de téléphone de ma mère à son collègue, qui a appelé, pour vérifier.

On dit que les humains aiment avoir raison. Qu'ils insultent de menteurs tous ceux qui ne sont pas du même côté qu'eux.

J'avais entendu parlé un million de fois des justices qui étaient mal faites, non rendues. Et je ne savais pas, aujourd'hui, que j'allais avoir à faire à ce cas.

Maman a répondu, le policier est parti dans une salle voisine à celle dans laquelle j'étais déjà, et est revenu après avoir raccroché. J'étais choquée. Terriblement choquée. J'ai fini par dire, les yeux remplis de larmes:

- Ce n'est pas possible, monsieur, je l'ai appelé des centaines de fois, elle n'a jamais répondu.

- L'affaire est close, mademoiselle. Votre mère est à son domicile.

- Quoi? Mais ce n'est pas possible, j'ai tout vérifié, j'ai fais le tour de la maison des milliers de fois!

Les deux policiers m'ont regardé, agacés, et le deuxième (celui qui m'avais déjà interrogé avant) a soufflé, avant de dire:

- Ne vous en faites pas, on connaît assez bien les cas de votre genre. Ils veulent se faire remarquer. Les jeunes filles comme vous, en pleine crise d'adolescence, tout ce qu'elles veulent , c'est qu'on les voit. Qu'on croit à leurs histoires puériles, qu'on perde notre temps avec elles. Ecoutez, mademoiselle...Eli c'est cela? - j'ai hoché la tête - Désolé de vous décevoir, Eli, mais nous n'avons pas de temps à vous accorder, mon collègue et moi. Allez raconter vos petites histoires à vos amis. Sur cela, permettez moi de vous raccompagner à la porte.

- Ecoutez-moi je vous en prie ! Vous ne comprenez pas. Elle a disparu ! Elle n'est pas là ! S'il vous plaît, aidez moi.

- Désolé Eli, mais nous n'avons plus de temps à vous accorder.

Le policier qui avait appelé maman m'a raccompagné jusqu'à la porte,tandis que son collègue m'immobilisait. Je me débattais, et tentais de les laisser m'écouter. Mais rien n'y faisait, ils ne voulaient rien savoir. Je suis arrivée à la sortie, en leur demandant une dernière fois de m'écouter, ils se sont excusés tous deux poliment et m'ont claqué la porte au nez.

J'étais seule devant la grande place qui me séparait désormais du dernier espoir que j'avais encore, il y a une heure de cela. J'étais désespérée. J'ai fondu en larmes, en rejoignant mon vélo. J'ai commencé à monter sur celui-ci, mais je manquais de force. C'est vrai que je n'avais pas mangé depuis hier midi, mais je n'avais aucun appétit. Je n'avais plus envie de rien, rongée pas la haine et le désespoir. J'ai donc décidé de rentrer à la maison à pied. Peut-être que je n'avais fais qu'halluciner, pendant ces deux derniers jours. Peut-être que le policier disait vrai, que j'avais tout inventé. Peut-être étais-je devenue folle. Peut-être que maman était vraiment à la maison.

Il faisait beau, le soleil illuminait le ciel de ses couleurs jaunâtres, et les rayons brillaient sur la place en pierre. Plus j'avançais, et m'éloignais du bâtiment, plus mes pas étaient lourds,et plus mon coeur se brisait. J'ai senti une chaleur forte, puis une froideur subite dans mon corps. J'avais des frissons. J'ai entendu un bruit assourdissant résonner dans mes oreilles, interminable. J'ai senti mon corps trembler. Ma vue s'est assombrie. Je perdais le contrôle de moi-même. J'ai fais tombé mon vélo, involontairement, tandis que le bruit devenait de plus en plus fort. Je ne voyais plus que du noir, le soleil de Paris ne faisais plus aucun effet sur moi. Je me suis sentie tomber, violemment au sol. Puis, plus rien. Le vide.

ALONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant