La Promesse

Chapitre 1

2 ans après la mort de Percy

Philippe Dale était un garçon intelligent.

Premier de sa classe depuis toujours, il avait le regard fier de ceux qui ont des ambitions. Avec ses deux années d'avance, il était le cadet de son école d'architecture et avait presque cinq ans d'écart avec ses camarades les plus âgés, ceux qui avaient redoublé deux à trois fois. Ceux-là même que le garçon méprisait, considérant qu'ils n'avaient pas leur place dans la classe d'un prodige comme lui.

Toute sa vie, on lui avait répété qu'il était supérieur aux autres, qu'il méritait le meilleur.

C'était avant de rencontrer Annabeth Chase.

Elle avait débarqué quelques mois plus tôt, en plein milieu de l'année scolaire, avec ses yeux argentés pleins de défi et son menton fièrement relevé.

Elle avait trois ans de plus que Philippe et pourtant, elle avait automatiquement pris la tête de la classe. Philippe l'avait haï pour ça, sans cesser de l'admirer.

De l'admirer parce que, chaque jour qui passait, ses cernes augmentaient. Parce qu'elle se battait pour ne pas sombrer. Parce qu'il y avait quelque chose de curieusement éteint dans ses pupilles.

Elle chacait quelque chose, c'était évident. Et elle refusait que quiconque ne le découvre.

Et plus Philippe essayait de connaitre son secret, plus elle lui filait entre les doigts.

Les mois passaient et la blonde demeurait un mystère entier. Mais Philippe l'appréciait de plus en plus.

Il appréciait cette façon qu'elle avait de repousser ses longues mèches blondes derrière son oreilles. Il appréciait le papillonement constant de ses paupières qui cachaient par intermittence ses prunelles d'argent. Il appréciait sa voix grave et douce qui ne prenait pas de gants pour dire ce qu'elle pensait.

Il tombait peu à peu sous le charme d'Annabeth Chase.

***

Ce matin-là, Philippe se leva à l'heure, comme tous les autres matins. Il s'habillait, déjeunait, se brossant les dents et se coiffait, comme tous les autres matins. Ils sortit se chez lui à l'heure à laquelle il sortait toujours, salua son voisin, évita la plaque d'égout gelée mal emboitée sur laquelle il avait trébuché tant de fois et se dirigea vers son arrêt de bus.

Arrêt de bus sous lequel se trouvait déjà... Annabeth Chase.

Une Annabeth Chase en uniforme qui tenait la main à deux enfants qui ne devait pas avoir plus de trois ans.

Une fille et un garçon aux épaisses crinière emmêlées, blonde ou brune.

Sans même réfléchir, Philippe se rapprocha d'elle.

-Salut, lança-t-il.

Elle se retourna calmement.

-Salut, répondit elle, pas surprise pour un sou

Il y eut un silence léger durant lequel Philippe ne put s'empêcher de détailler du regard les trois personnes qui se trouvaient devant lui.

Tout d'abord, il y avait Annabeth. Annabeth et ses épaisses boucles blondes qui cascadaient jusqu'à ses reins. Annabeth et ses yeux anthracite rivés vers l'horizon. Annabeth et sa figure pâle aux traits tirés et fatigués.

Agrippé à sa main gauche comme si sa vie en dépendait, un petit garçon aux cheveux clairs et emmêlés dardait sur lui son regard orageux. Sa peau était blanche et immaculée comme les premières neiges. Son nez au pli rieur se plissait alors que l'air frais le rougissait. Quand il se rendit compte que Philippe le regardait, il lui offrit un sourire un peu tordu qui fit apparaître une fossette sur sa joue.

L'étudiant rougit et détourna les yeux, portant son regard sur la dernière personne.

C'était une petite fille. Une toute petite fille qui se démarquait des deux autres à ses cotés par toutes les couleurs qui semblaient danser sur son corps. Tout d'abord, il y avait sa peau. Sa peau brunie par un soleil inexistant en cette période de l'année et mouchetée de taches de rousseur. Puis sa crinière foncée. Aussi foncée que les épais cils qui ourlaient ses yeux d'écume. Sa bouche carmin était plissée dans une moue adorable.

Là où ceux qui devaient être ses frères et sœur collectaient le blond, le blanc et le gris, elle portait fièrement le noir, le brun et le vert. Elle.ne lui jeta pas un coup d'œil, perdue dans ses pensées.

-Sinon, qu'est ce que tu fais là, demanda-t-il, troublé malgré lui par la ressemblance entre les trois.

-Ils ont changé de crèche et je les accompagne, repondit-elle sans le regarder.

-Pourquoi votre mère ne le fait pas ? s'étonna-t-il. La crèche n'est pas vraiment sur le chemin de l'université.

Elle secoua la tête :

-Il y a des choses qui t'échappent, murmura-t-elle finalement.

Le jeune homme haussa les sourcils :

-Alors explique moi, souffla-t-il. Dis moi ce que je ne comprend pas.

Elle esquissa un sourire triste qui serra le cœur de Philippe.

-Je n'ai pas de compte à te rendre, lança-t-elle en secouant la tête.

-Le bus arrive maman, intervint le petit garçon.

Le véhicule s'arrêta devant eux, laissant s'échapper un flot humain de voyageurs. Les deux étudiants montèrent et se perdirent dans la masse grouillante de la foule, même si le blond avait plutôt l'impression qu'Annabeth le fuyait.

Ce ne fut que le soir, alors qu'il repensait à cette curieuse rencontre qu'il se rendit compte que le petit garçon l'avait appelée 《maman》.