Chapitre I - Nightmare

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"L'histoire est un cauchemar dont je cherche à m'éveiller."
James Joyce

Les coups de feu emplissaient les rêves de la brune, tout le temps les mêmes. Ou en tout cas, venant de la même personne. Les cris des témoins condamnés, le sang des victimes coulant sur le sol. La jeune femme se réveilla en sursaut à l'entente d'un énième coup de feu, tremblante. Elle posa sa main sur sa poitrine pour tenter de calmer son cœur mais tout ce qu'elle remarqua fut la couleur de sa peau. Ses veines s'étaient colorées de noir et ses mains s'étaient noircies elles aussi.

Elle prit une grande inspiration et ferma les yeux, se concentrant sur le bruit de la pluie contre le velux de la misérable pièce qui lui servait de chambre. Après quatre grandes respirations, sa peau revint à sa couleur d'origine et la jeune femme s'assit en tailleur sur le matelas, face à la croix accrochée au mur au dessus de son lit. Elle attrapa la petite feuille pliée sous son oreiller et se mit à lire les lignes écrites.

- "Que le Père, le Fils et le Saint-Esprit..."

Ses yeux parcouraient rapidement les mots et sa bouche les prononçaient à la perfection, entraînée depuis des années à les répéter chaque nuit.

- "J'ordonne et commande à tous les esprits impurs de nous laisser immédia-"

Elle ne put finir qu'une violente douleur à la tête lui prit. Elle laissa tomber la feuille sur son lit et massa ses tempes, grognant de douleur. La douleur ne faisait que s'intensifier chaque seconde, comme toutes les nuits depuis son arrivée au couvent. Épuisée par cette impuissance face à ce mal, elle enfonça sa tête dans son oreiller, étouffant un cri à travers les plumes du coussin. Puis la douleur cessa, partie aussi rapidement qu'elle était venue. De légers coups sur la porte en bois et une petite voix se firent entendre.

- "Charlie ? Tout va bien mon enfant ?"

La brune releva lentement la tête, à moitié sonnée puis ses fins doigts vinrent toucher ses pommettes. Un liquide poisseux et noir s'écoulait de ses yeux et vint se mélanger aux larmes qu'elle laissa couler. Elle s'essuya rapidement du revers de la main et se tourna vers la porte, d'où la bonne-sœur la questionnait toujours.

- "Oui ça va, vous pouvez aller vous recoucher sœur Amanda. Rassura-t-elle.

- Bien. Si tu as un problème n'hésite pas à appeler la sœur Elisabeth, elle sera à ton étage durant cette nuit."

Charlie entendit ensuite des pas quitter le dernier étage, redescendant les vieux escaliers grinçant. Evidemment qu'elle n'allait pas sortir de sa chambre, elle n'avait pas vu d'être humain depuis des années. Elle se mourait dans cette minuscule pièce et elle donnerait n'importe quoi pour voir un être vivant. Malheureusement, elle était destinée à rester confinée durant le restant de sa vie, pour son bien mais aussi celui des autres.

La puissance qui habitait son corps était si puissante qu'elle avait même tué quelqu'un par la seule force de sa pensée. Les bonnes-sœurs décrivaient cette puissance comme étant le mal incarné, le diable lui-même. Aussi loin que ses souvenirs remontaient, Charlie avait toujours eu cette force en elle, déchaînant les éléments, créant un élan de folie chez les animaux, repoussant ses semblables.

Elle se demandait même pourquoi elle était toujours en vie, cela ne servait à rien d'enfermer une personne pour le restant de ses jours juste pour contrôler ce qu'elle habitait. Mais on continuait sans cesse de lui répéter que si elle venait à mourir, la force qu'elle contenait se déchaînerait sur quelqu'un d'autre et tout le monde voulait éviter la casse. Stupide idée, s'était-elle dit au départ, mais elle avait fini par comprendre. Alors elle restait sagement dans sa chambre, récupérant à des horaires bien précis ses repas devant la porte, laissés par les sœurs quelques minutes plus tôt.

Elle jeta un coup d'oeil sur l'horloge et remarqua qu'il était cinq heures du matin. Elle ne voulait pas se rendormir, elle avait bien trop peur de refaire des cauchemars. Alors elle se leva et partit s'asseoir au bureau près de son lit. Elle alluma la petite lampe à huile et sortit un des crayons qu'elle avait piqués lors de son arrivée. Elle n'avait pas le droit à un quelconque objet pouvant la blesser, au risque qu'elle se suicide sous la pression de cette force obscure. Elle prit ensuite une feuille qui était restée dans le mobilier durant de longues années puis commença à dessiner le tireur de ses rêves.

De longs traits puis de plus petits, de loin on aurait pu croire qu'elle raturait la feuille mais en s'approchant, un visage humain prenait petit à petit forme. Elle continua à gratter la feuille avec le graphite durant d'innombrables minutes puis elle se recula d'un coup. Les traits humain la fascinaient comme l'effrayaient. Elle rangea le crayon dans le tiroir puis prit le papier entre ses fines mains. Elle fronça les sourcils, ne reconnaissant pas l'homme qu'elle venait de dessiner. Elle passa nerveusement sa main sur son visage, soupirant bruyamment.

L'homme qu'elle avait dessiné devait avoir la trentaine, de longs cheveux sombres qui semblaient tomber sur ses larges épaules. Ses yeux étaient très clairs et ses sourcils étaient froncés, sûrement par contrariété ou bien par concentration. Une barbe de plusieurs semaines couvrait ses joues. Charlie avait réussi à transmettre une multitude d'émotions dans le regard de cet inconnu. Il semblait brisé de l'intérieur et voulant chercher la paix, qu'elle soit intérieur ou avec les autres.

Lorsqu'elle voulut toucher son dessin, un mal de crâne immense lui prit et elle grimaça en grognant, fermant les yeux. Elle tapa du poing sur le mobilier et la douleur s'arrêta net. Elle rouvrit les yeux et les écarquilla en voyant l'état de son dessin. De longues traînées rouges apparaissaient sur le papier, défigurant l'homme qu'elle avait dessiné. Elle voulut toucher la nouvelle couleur mais elle se rendit compte que ses doigts étaient, eux aussi, couverts de rouge. Le sang de cet homme.

Help Me || bucky barnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant