𝟬𝟱:𝟮𝟯 𝘼𝙈

𝟢𝟦:𝟥𝟫 𝗉𝗆

ᴺᴼᵂ ᴼᴺ ᵀᴴᴱ ᴿᴬᴰᴵᴼ: ᴶᴱᵀ ᴮᴸᴬᶜᴷ ᴴᴱᴬᴿᵀ, ⁵ˁᴼˁ

Le livre que me tend Thaïs est un peu abîmé. C'est avec un sourire sincère que je le saisis, depuis le temps qu'elle m'en a parlée...

— Je te dirai ce que j'en ai pensé.

— Il est incroyable.

Les mots sont forts, c'est qu'il doit vraiment être excellent. Je range l'ouvrage vieilli dans mon sac et tourne la tête vers le bord de mer. Zadig, Hugo et Hongjoong se balancent du sable et rient aux éclats. Thaïs souffle la fumée dans l'air moite, les nuages recouvrent quasiment tout le ciel. Une après-midi banale en somme. Hugo est torse nu. Il ne va pas tarder à pleuvoir mais il n'a pas l'air de s'en préoccuper et je me laisse rêver, le mirage n'est pourtant pas si loin, je pourrais presque l'effleurer du doigt... mais la réalité m'en empêche. Je baisse le regard sur mes Converses noires, nos jambes pendent dans le vide, toutes les deux assises sur le muret de la promenade.

— Qu'elle est la première chose qui t'a traversé l'esprit quand tu as rencontré Hugo ?

La question aux airs anodins reste en suspend dans l'air, je suis prise de court. Thaïs reste impassible, comme à son habitude. Ce dimanche après-midi est décidément bien trop banal.

— Hum... je ne sais pas. Je l'ai trouvé drôle, il me semble.

Mentir, mentir... La première fois que Hongjoong a présenté l'américain à la bande, au début du collège, j'ai tout observé de loin, trop intimidée pour faire le moindre pas vers son amitié. Hugo ne m'a même pas remarquée, il a tout de suite rit avec Zadig et Baekhyun. Je ne suis simplement pas comme ça, c'est tout.

— Moi je l'ai trouvé trop bruyant.

Je manque un rire. Thaïs fixe les trois garçons. Hugo et Zadig courent après Hongjoong qui tente de s'en sortir, comme toujours. J'entends le tonnerre un peu plus loin, nous devrions rentrer. Mais la vue me cloue au muret. Je n'ai pas envie de les quitter...

— Une vraie pipelette, c'était infernal, continue l'étrangère. Et avec les années je m'y suis faite. C'est fou de se dire qu'avec le temps, la banalité remporte toujours la partie.

Sa phrase tourne quelques secondes dans ma tête. Elle a raison, sans doute. La nouveauté est toujours remplacée par l'habitude, la surprise par la lassitude.

— Il est peut-être chiant, mais il n'est pas bête. Je sais comment tu le regardes, il fait semblant de ne pas le voir, tu sais.

Son visage se tourne vers moi, panique.

— Pourquoi tu ne lui avoues tout simplement pas ?

Je reste muette, la situation est gênante. Pourtant, jamais rien de tel ne m'est arrivé avec Thaïs.