Lorsqu'au dixième mois de l'année huit-cent cinquante-huit, Yvanion mourut, lui succéda son second fils Enguerid, mon roi. Il avait alors vingt-sept ans et son esprit était déjà brillant. Il ne suivi pas les traces de son père. Je pense qu'au fond de lui, il fait partie de ces personnes qui virent le meurtre de son frère comme un sacrilège,. Il décida d'arrêter la politique expansionniste de Sargonne et de consolider ce qu'il possédait déjà. Il dut composer avec Karistoplatès et Morshaka car il régnait sur des fiefs qui étaient les leurs sans que jamais les Gargandra ne se positionnent pour un côté où l'autre.
Le très éclairé Enguerid savait bien que son flanc ouest n'était tenu que par la force. Il s'intéressa beaucoup à la Triac qui pour lui était l'élément fondamental qui permettrait de stabiliser la région. Elle ne devait plus être une simple marche entre deux bellicistes, mais un territoire ayant sa propre identité et surtout, qu'il soit totalement dévoué à Sargonne.
La Triac était entrée dans une importante ère spirituelle. Intellectuels, artistes et même prophètes s'y rejoignaient ou y naissaient. Lentement, une nouvelle religion fit son apparition. Cette croyance n'a selon moi rien d'une religion véritable et, même si elle est désignée comme tel, a plus à voir avec une philosophie de vie. C'est une conception étrange qui se veut plus mature et prétend replacer l'homme au centre de sa vie en rejetant la fatalité. Elle ne nie pas l'existence des dieux, mais réfute que tout acte bon ou mauvais puisse avoir pour origine leur volonté. Il s'agit de se construire soit même, aussi bien physiquement que mentalement. S'améliorer par la pratique d'une vie saine, par l'instruction et la méditation. Tout cela afin de devenir maître de sa vie en identifiant la part de destin sur laquelle on ne peut agir. Ses dogmes se propagèrent de manière parfaitement pacifique et se structurèrent en la personne d'Altan Nar, un homme dont la venue fut accompagnée par d'importants signes dans la lune, le soleil et les étoiles.
Gaïl le Vénérable, Mémoires du Monde d'Omne
***
Ménéryl s'empara des deux bâtons que le Nohyxois lui tendait. Il les soupesa et fit quelques mouvements pour s'approprier leurs caractéristiques. Ils étaient un peu courts à son goût et sa main gauche n'avait pas l'habitude de manier une seconde arme. Comment allait-il bien pouvoir l'utiliser ? Izba se mit en garde. Sa technique n'avait rien à voir avec celle des Héméiens, il n'attaquait pas directement. Au contraire, il restait sur place, seuls ses longs bras bougeaient. Ils étaient très mobiles et donnaient l'impression d'une défense parfaitement hermétique. Où était la faille ? De quelle manière passer à travers des membres aussi disproportionnés et instables ? Et ces maudits bâtons qui étaient trop courts !
Ménéryl finit par s'élancer. À gauche il envoya une feinte vers le haut, mais toute sa détermination était dans son bras droit qui portait une attaque vers le bas. En un éclair, le guerrier à la peau bleu esquiva, para et fit taper la pointe de ses deux bâtons sur le torse du jeune homme. La vivacité du Nohyxois avait été redoutable, c'était à croire qu'il possédait une paire de bras supplémentaires.
— Bien, bien, je vois qu'il va falloir que je m'applique davantage, lança Ménéryl le sourire aux lèvres.
— J'allais te le conseiller, répondit simplement Izba.
Des heures durant, le jeune homme tenta de toucher le Nohyxois, mais il était invariablement mis en échec. Au milieu de la nature sauvage, au rythme du tumulte des vagues précipitées contre les rochers, les deux compagnons se livraient une bataille acharnée. Ménéryl avait beau tourner, accélérer, prendre à contre-pied, s'approprier l'avantage du terrain, sa maladresse dans le maniement d'une arme nouvellement acquise se heurtait à la maîtrise parfaite du guerrier à la peau bleue. À maintes reprises il échoua et à maintes reprises son adversaire lui fit tâter de son bâton. Plus il subissait de revers et plus l'excitation montait en lui. Invariablement, à chaque défaite, il se familiarisait un peu plus avec les deux armes, il s'améliorait et élaborait de nouvelles techniques.
VOUS LISEZ
Mémoires du Monde d'Omne Tome I
FantasyL'Omne. Vaste continent entouré de l'Orbia : l'anneau aux milliers d'îles. C'était la fin d'une époque, celle de la chute des hommes dieux. Les royaumes finissaient à peine de panser les plaies de la Grande Guerre que déjà, partout, les convoitises...