Hildegarde s'arracha à l'eau du bain sous la lueur tamisée des luminaires.
Les pas dans le mur ne s'étaient pas manifestés depuis la veille au soir. La jeune femme avait allumé toutes les lampes dans sa chambre, même la petite loupiote sous le miroir de la salle de bain. C'était une réaction d'enfant. La lumière contre le monstre sous le lit. Cette nuit, elle bloquerait sa porte avec une commode.
Ce soir était son premier dîner, le premier repas où elle pourrait croiser tous les pensionnaires de ce manoir. L'angoisse formait une boule dans sa gorge, qui grossissait jusqu'à parfois l'empêcher de respirer. Elle devait essayer de faire bonne impression.
Peut-être allait-elle enfin voir le docteur Outis Stanhope, personnage fantôme. Qui était-il réellement ? Aurait-il un jour son portrait affiché dans l'escalier ? Anne Chesnault était à ses yeux la véritable propriétaire, avec sa manière de gérer tout ce qui s'y trouvait. C'était aussi une occasion de savoir ce qui se tramait, à quoi servait réellement ce manoir. Elle n'avait pas le droit de poser de questions, mais rien ne pourrait l'empêcher d'écouter tout ce qui se dirait.
Le miroir de la salle de bain, troublé par la buée, refléta un instant le dos de la jeune femme. Ce fut rapide, une fraction de seconde avant que le rideau ne tombe. La chose serpentait de l'épaule au bas de l'omoplate : granuleuse et rougeâtre comme un fleuve de lave sur sa peau blanche. Une brûlure ancrée dans sa chair et dans son âme.
La marque de l'incendie.
Le son d'un gong résonna dans tout le manoir et quelques portes claquèrent en réponse. Puis, le bruit des pas descendant les escaliers. Hildegarde plia une nouvelle fois les manches de son col roulé noir et nerveusement, ouvrit la porte de sa chambre.
Le regard des anciens maîtres du Manoir Stanhope glissa sur elle, tandis que minuscule au milieu des marches blanches, elle descendait pas à pas. La jeune femme essaya de ne pas prêter attention à leur visage pâle comme la mort. Dehors, l'orage battait son plein. La pluie battait les carreaux et le vent soufflait sur les ardoises du toit.
Un éclair zébra le ciel et le temps que le tonnerre résonne, Hildegarde s'était empresser de rejoindre les pensionnaires. Elle n'avait aucune envie de se retrouver seule et dans le noir si les plombs venaient à sauter.
A la porte de la salle à manger, l'intendante et Regard-de-Serpent l'attendaient pour entrer. Cette dernière avait retrouvé son tailleur strict et son décolleté échancré. Aucune ne se donna la peine de lui adresser la parole. Théâtralement, la vice-directrice poussa les battants, dévoilant l'immense salle à manger et sa longue table en bois vernis. Toutes trois pénétrèrent dans la pièce et allèrent s'asseoir dans un silence presque religieux. Hildegarde avait préparé quelques salades qui attendaient sous leur cloche d'argent.
La jeune femme fut surprise de voir que ses deux compagnes n'attendaient pas les autres pensionnaires pour commencer. Elle ouvrait la bouche pour poser une question avant de se rappeler qu'elle n'avait pas le droit. De toute manière, même si elle ne s'en était pas rappelée, elle n'aurait pas pu.
Un fracas l'interrompit. Une chose immense venait de heurter la vitre.
Un éclair illumina le visage de la créature.
La créature était Harry. Il était dégoulinant de pluie et ses cheveux lui collaient aux joues comme des algues. Le khôl qu'il mettait sous ses yeux dégoulinait lamentablement. Il était suspendu à ce qui semblait être une corde faite avec des draps.
Qu'essayait-il de faire ? S'évader de sa chambre ?
Fuck les portes ! On la joue Mission impossible.
VOUS LISEZ
Le Foyer [En pause]
Tajemnica / ThrillerHildegarde a deux cauchemars. Son prénom pour commencer et son passé. Cependant, un prénom, cela se change alors que son passé, lui, est peuplé de démons qui ne peuvent être oubliés. Accepter l'offre d'emploi du Docteur Stanhope est la seule soluti...