Le printemps était bien avancé et cela faisait un moment déjà que Sacha avait réussi à louer un studio, en airbnb faute de garanties dignes de ce nom. Comme à son habitude, il avait cessé de donner de ses nouvelles, sans doute trop enivré de musique pour penser à rallumer son téléphone, et je tentais vainement de me concentrer sur mes cours, attendant sa réapparition avec une impatience fébrile.
Assis par terre devant ma table basse, une main enfouie dans mes cheveux, je tentais de me documenter pour commencer un exposé sur les ondes à rendre une semaine après, quand j'entendis toquer à la fenêtre.
Je me tournai vers la porte-fenêtre qui donnait sur une parodie de balcon et vis alors Sacha, accroché toutes griffes dehors à la structure de fer forgé. J'étais au deuxième étage. La situation était suffisamment absurde pour qu'elle mette un moment avant d'arriver à mon cerveau. Je clignai trois fois des yeux avant de sortir de ma stupéfaction, de me lever précipitamment pour lui ouvrir et l'aider à se hisser par-dessus la balustrade en l'engueulant.
— Mais Chat, tu es fou ou quoi ? ! Pourquoi tu n'es pas passé par la porte, comme tout le monde ?
— L'interphone marchait pas, répondit-il d'une voix creuse.
Il devait lui être arrivé quelque chose pour qu'il donne encore plus que d'habitude cette impression d'être arraché au monde, flottant dans un entre-deux inaccessible ; mais moi qui étais plus pragmatique, je n'arrivais pas à penser à autre chose qu'au risque inconsidéré qu'il avait pris.
— Et ton portable ? insistai-je avec colère.
— Je l'ai oublié.
J'ouvris la bouche pour m'indigner de la désinvolture avec laquelle il avait grimpé à l'étage, mais il m'embrassa avant que je puisse parler davantage. Ses lèvres scellées sur les miennes avaient la passion du désespoir. Même si sur le coup, je ne compris pas pourquoi, je sentis mon cœur se serrer tandis que je cédais sans résistance à la tentation d'étreindre toujours plus fort ce corps dont je ne me lassais jamais. C'était la pire des drogues, je ne pouvais pas résister à son contact.
Bientôt, nous nous retrouvâmes à même le sol à faire l'amour, encore à moitié habillés.Entravé par les vêtements, les genoux endoloris tandis que je m'enfonçais en lui, lui arrachant des gémissements au moindre mouvement, je dévorai du regard son corps abandonné sur le parquet. Son T-shirt remonté sur sa poitrine palpitante, ses cheveux d'un noir de jais tranchant sur le bois clair, ses poignets trop frêles dépassant de la veste qu'il n'avait même pas pris la peine d'enlever.
Je cherchai l'attention de ses yeux presque animaux que je trouvais si beaux, mais ils s'étaient perdus dans le vide du plafond éclaboussé de lumière. Je voulais qu'il me regarde. Je voulais qu'il ne soit plus là que pour moi. Glissant mes doigts contre sa nuque, je l'attirai vers moi pour pouvoir l'embrasser à pleine bouche, m'enfonçant toujours plus profondément en lui. J'aurais voulu laisser ma marque, qu'il m'appartienne corps et âme. Je voulais qu'il ne soit plus qu'à moi, uniquement et pour toujours.
— Regarde-moi, soufflai-je.
Il leva les yeux vers moi avec un sourire gêné qui me fit mal. Je commençais à comprendre ce que j'avais toujours su. Le plaisir du sexe se mêla à une profonde envie de pleurer, et pourtant, je ne pouvais pas m'arrêter. Au contraire, j'avais plus que jamais besoin de le sentir contre moi, à moi seul. Alors, je continuai avec une passion mêlée de rage.
Quand, au moment de jouir, ses paupières me dérobèrent son regard, une fois de plus, j'eus envie de hurler. Jamais il ne m'avait regardé dans les yeux à ce moment-là, et maintenant je réalisais pourquoi. Je me sentis éjaculer moi aussi, électrisé à chaque soubresaut par un plaisir amer.
Le silence revint, les respirations ralentirent, tandis que nous restions immobiles dans le soleil de la fin d'après-midi. J'entendis de nouveau l'album de rock qui tournait en fond sur mon ordinateur portable, le bruissement des feuilles, le ricanement des pies.
Je réalisai que la fenêtre était restée ouverte, et que tout le quartier nous avait sans doute entendu.
Je réalisai que, malgré la passion qui nous avait poussés l'un vers l'autre et les sensations incroyables que cela procurait, nous étions tous les deux au bord des larmes.
Pire encore, je réalisai que dans notre hâte, nous avions oublié de nous protéger.
— Et merde, marmonnai-je en laissant mon front retomber sur les lattes du parquet froid. On n'a pas mis de capote.
Sacha se mordit la lèvre, aussi mortifié que moi. Je sus à ce moment-là qu'il se sentait coupable. Coupable de me faire courir un risque... parce que je n'étais pas le seul.
Ces mots résonnèrent dans ma tête, me laissant terrassé.
— Qu'est-ce qu'on fait ? murmura-t-il après une longue pause.
— La seule chose qui nous reste à faire... Passer les tests.
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Stray cat
Любовные романыTout a commencé avec un cocktail, des yeux trop grands et une guitare oubliée. Pour Matt, serveur dans un bar pour payer ses études, cette rencontre est le début d'une relation bouleversante... Stray Cat est une tranche de vie yaoi à l'ambiance méla...