Épilogue (première partie)

18 4 0
                                    

Le lendemain, je séchai la matinée, et j'aurais sûrement séché l'après-midi si Laurent n'était pas venu me ramasser chez moi pour forcer à aller en cours

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Le lendemain, je séchai la matinée, et j'aurais sûrement séché l'après-midi si Laurent n'était pas venu me ramasser chez moi pour forcer à aller en cours. Une fois projeté dans le déroulement mécanique de ma journée, je ne fis rien pour m'en arracher. De toute façon, je ne voulais plus rien. Comme prévu, j'allai au bar après les cours.

Romain ne dit rien en me voyant arriver, mais m'ouvrit les bras et me laissa éclater en sanglots sur son épaule en silence. Je passai de longues minutes à pleurer comme un enfant, honteux de me donner en spectacle, soulagé qu'il ne se montre pas rancunier après notre dispute.

Un jour, j'allais devoir m'excuser de l'avoir envoyé paître alors qu'il avait raison. Mais ce soir-là, je n'en avais pas la force... Je devais avoir l'air aussi désespéré que Sacha le jour où il avait franchi les portes du bar.

Je restai longtemps dans le vestiaire, peinant à raccrocher un sourire factice à mon visage avant de servir autant de demis que d'échanges superficiels. Je n'étais plus capable de parler au-delà des banalités de service, et on ne me demandait rien de plus. Je parvenais à ne pas m'effondrer en public, sans savoir par quel miracle, c'était le seul réconfort que je pouvais trouver sur le coup. Lara m'avait discrètement fait savoir que je pouvais compter sur elle, mais je me sentais incapable de parler de ce qui s'était passé à qui que ce soit. Je n'avais pas envie qu'on me regarde avec des yeux ronds et qu'on me traite d'abruti. Je savais que j'avais été idiot d'un bout à l'autre dans cette histoire.

J'avais tellement pleuré les nuits qui avaient suivi son départ que je me sentais anesthésié, vidé de toute émotion, incapable de réfléchir. Je doutais de garder le moindre souvenir de mes cours, mais j'y assistais quand même, surveillé par Laurent qui me maintenait à flot avec une loyauté que je ne méritais pas.

Pendant plusieurs jours, j'attendis un signe de vie de Sacha, tiraillé entre l'envie que mon sacrifice serve à quelque chose et l'espoir qu'il retombe dans mes bras, mais il ne revint pas chez moi.

Ce fut finalement par la page du groupe que j'appris qu'ils s'étaient reformés. La guitariste, qui n'avait pas cessé de se sentir remplaçante, était partie sans regret. Leurs fans se réjouissaient, impatients de découvrir les progrès qu'avait accompli Sacha pendant sa période en solitaire. Un happy end dont j'étais totalement exclu.

Je restai affalé sur ma table à côté du cendrier plein, triste et soulagé à la fois. C'était vraiment la fin. En songeant à notre dernière discussion, en me rappelant la brutalité avec laquelle je l'avais chassé, je me sentis honteux. Ce n'est pas comme ça que j'aurais voulu finir. Après avoir hésité un moment, je finis par lui envoyer un SMS.

« J'ai vu que tu étais revenu dans le groupe. Félicitations. »

Je lâchai mon téléphone et m'adossai au canapé, assis par terre au milieu du chaos de livres, cours, vaisselle et vêtements sales, et regardai le plafond. Le temps s'était réchauffé et les partiels recommençaient à se profiler. J'avais eu mes UE de justesse cet hiver, il fallait que je fasse un effort et que j'arrête de me laisser ballotter par mes émotions si je voulais passer mon année.

Que je veuille faire ça ou non, ce n'était plus vraiment la question. Je n'avais pas le choix. Personne ne me rattraperait si je me torpillais. Laurent, Romain et Lara faisaient déjà tout leur possible pour m'aider. Peut-être que ça ne suffisait pas, mais j'avais de la chance qu'ils soient là, et je ne pouvais pas espérer me reposer sur eux sans faire d'efforts.

J'avais brutalement jeté à Sacha la solution à ses problèmes, mais personne n'allait en faire autant pour moi. Je ne pouvais pas attendre que quelqu'un d'autre m'amène la recette du bonheur sur un plateau, il fallait que je travaille et la trouve par moi-même. Et puis, je voulais donner raison à ceux qui me soutenaient aujourd'hui, qu'ils ne m'aient pas aidé pour rien. Je me sentais épuisé et vidé, mais aussi apaisé.

Le téléphone sonna et je décrochai, le cœur battant en voyant son nom s'afficher.

— Allô ?

— Allô, Matt. J'ai vu ton message, je voulais te remercier de vive voix.

— Alors, j'ai bien fait de te pousser au cul ?

— Je... oui. Au-delà de mes espérances. Ils espéraient que je revienne, je n'y croyais pas.

— Et avec Jonathan ?

— On a beaucoup parlé... Bon, on n'a pas fait de coming out ni rien, mais... enfin... tu vois.

— Vous êtes ensemble, fis-je.

Prononcer cette phrase à voix haute lui donna une autre réalité. Au-delà de la tristesse et des espoirs, c'était juste... un fait. C'était terminé. Je me sentis soulagé.

— Toi, comment tu vas ? J'étais vraiment inquiet, mais j'osais pas appeler... J'avais trop peur de remuer le couteau dans la plaie.

J'hésitai quelques secondes, hésitant à mentir pour le rassurer.

— C'était affreux au début, je ne sais même pas comment j'ai fait pour tenir, je ne m'en souviens pas. Tu me manques terriblement, mais je m'y habitue, et la vie continue. Laurent me raconte des conneries et me fait bosser. Un vrai tyran quand il s'y met, mais il parait que c'est pour mon bien... Romain m'invite souvent à bouffer chez lui, sa môme grandit à toute vitesse. D'ailleurs, je t'avais dit qu'il m'avait demandé d'être son parrain ?

— Oh, super nouvelle !

— Oui, je suis vraiment touché qu'il ait pensé à moi alors que j'ai fait n'importe quoi cette année. Il n'a pas peur !

— Je suis sûr que tu seras le meilleur des parrains.

Le silence retomba. J'avais senti son malaise et réalisé que je n'avais jamais été aussi honnête avec lui. J'avais voulu cacher mes fragilités et mes doutes, résister à tout pour ne prendre soin que de lui. Est-ce qu'on pouvait être heureux comme ça ? Sans doute que non. Sacha avait abusé de moi, mais est-ce que les choses se seraient passées comme ça si j'avais été plus sincère ? Je ne lui avais même pas dit clairement que je l'aimais. J'avais presque envie de le lui avouer maintenant, pour ne plus rien cacher... mais ça n'avait plus de sens de faire ça aujourd'hui.

Stray catOù les histoires vivent. Découvrez maintenant