Le lendemain, j'arrivai en cours avec une expression telle que même des personnes qui ne m'adressaient jamais la parole d'habitude s'inquiétèrent pour moi. J'étais incapable de me souvenir de quoi que ce soit du cours dont je venais pourtant de sortir. Laurent ignora mes répliques cinglantes et mes tentatives de m'isoler et me traîna en ville pour me faire échapper à la cuisine du RU, m'offrant un restaurant et l'occasion de parler au calme.Comprenant qu'il ne me lâcherait pas si facilement, je lui déballai tout, détaillant bien au-delà de ses espérances, tandis qu'il sirotait sa bière en m'écoutant avec attention. Quand j'eus fini de lui raconter, il posa son verre et répondit simplement.
— Tu vas rompre, non ?
— On n'est pas en couple.
— Arrête de dire de la merde, vous prétendez ça juste parce que vous avez trop peur de l'admettre.
Je poussai un soupir. Je ne pouvais pas lui donner tort.
— S'il n'est pas tombé amoureux avec tout ce que vous avez déjà vécu ensemble, et tout ce que vous avez... fait, ajouta-t-il en toussotant, c'est que ça n'arrivera jamais. Laisse tomber, tu te fais du mal en restant avec lui.
— Je sais, grognai-je en m'affalant sur la table. Je le savais déjà, avant d'en prendre conscience.
— Tu te tortures, là. Regarde-toi, tu sèches à tout bout de champ, tu es explosé de fatigue, et à moitié... pas là. Tu ferais mieux de passer à autre chose et d'avoir des coups d'un soir jusqu'au jour où tu croiseras quelqu'un avec qui ça a des chances de marcher.
— Nan, mais... Je suis comme lui, marmonnai-je dans les manches de mes bras croisés. Je ne tombe amoureux que quand il n'y a aucune chance pour que ça marche. Je le comprends tellement. Il essaie de l'oublier... Je peux bien l'aider à passer le cap. De toute façon, je ne peux plus me passer de lui maintenant.
— Foutu Saint-Bernard, marmonna mon ami. Tu vas finir en miettes.
— Bah, j'ai l'habitude, fis-je en me redressant pour laisser au serveur la place de poser mon assiette. C'est pas comme si c'était la première fois qu'un truc du genre m'arrivait.
Je commençai à manger sans entrain, avant d'ajouter :
— Tu sais, je vois des gens bien en couple, comme toi et Alice, ou Romain et sa femme, ça me fait chaud au cœur... mais je me suis vite rendu compte que je ne ferai pas partie de ces gens-là. Mais bon, c'est pas grave, c'est bien que l'amour existe, même si c'est pas pour moi.
Laurent se pencha et me donna une claque sur la tête, agacé.
— Abruti, c'est pas parce que tu n'es pas heureux maintenant que tu le seras jamais. Sors-toi ces idées d'emo de la tête et essaie de profiter de la vie.
— Hé, je suis pas un emo ! m'insurgeai-je la bouche pleine.
— Non. Je commence à pas mal te connaître, au fond tu es juste super idéaliste. Tu veux rencontrer l'amour, le vrai, et comme tu as peur que ça n'arrive jamais, tu fais tout pour te convaincre que tu t'en fous. Mais je suis sûr que ça t'arrivera un jour. T'es un mec bien après tout...
— Tu parles ! Je suis un crétin, surtout.
— Un crétin qui a eu assez de niaque pour quitter sa famille et être indépendant dès ses dix-huit ans. Un crétin qui mène de front travail et études...
— Ah. Ah. Ah. Tu as vu la gueule de mes notes ? Je mène rien du tout.
— Ça c'est parce que tu te laisses balader par tes sentiments au lieu de bosser. Soyons honnêtes : t'en branles pas une, et si tu continues à sécher les cours, tes facilités ne suffiront pas à avoir ton année.
— Aïe... Et tu prétends m'aider ? commentai-je avec une grimace. Tu espères vraiment me remonter le moral avec ça ?
— Désolé si je suis brutal, mais c'est pour ton bien, d'autant qu'il n'est pas trop tard. Tu es loin d'être idiot, si tu te reprends en main, tu l'auras, ton année. D'ailleurs, on pourra réviser ensemble pour les prochains partiels, comme ça je t'aiderai à boucher les trous.
— Tu veux vraiment te traîner un cancre dans les pattes ? soupirai-je.
— J'aurais plutôt dit «aider un ami».
Je me sentis touché. Il aurait pu me laisser couler, après tout, sa vie était déjà assez pleine comme ça... mais manifestement, ce n'était pas dans son caractère. Au fil du repas et au fruit de nombreux efforts, Laurent parvint à me raccrocher à la réalité. Grâce à lui, quand je revins en cours, j'étais tout sauf heureux, mais j'avais assez repris pied pour pouvoir me concentrer sur mon travail.
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Stray cat
RomanceTout a commencé avec un cocktail, des yeux trop grands et une guitare oubliée. Pour Matt, serveur dans un bar pour payer ses études, cette rencontre est le début d'une relation bouleversante... Stray Cat est une tranche de vie yaoi à l'ambiance méla...